Bilan des films en compétition de la 19ème édition du Festival International des Cinémas d’Asie de Vesoul

Posté le 13 mai 2013 par

La 19 édition du Festival International des Cinémas d’Asie à Vesoul s’est déroulée du 5 au 12 février, East Asia fait le point sur les films qui ont été projetés en compétition avec une forme retrouvée par rapport à l’édition précédente. Julien Thialon.

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La 18ème édition du FICA avait marqué les esprits cinéphiliques eastasiens grâce aux films kazakhs, Rachid Nougmanov et son Aiguille (critique du film ici) atteignant l’apogée d’un cinéma dont on ignorait beaucoup. Cependant, bien que quelques pépites comme Dance Town de Jeon Kyu-hwan (interview de l’acteur principal ici ) ou le Marché de l’amour (les textes liés ) de Philippe Rostan, les films diffusés en compétition menaient une course de fond au détriment d’une forme qui n’arrivait pas à sublimer des sujets pourtant porteurs.

aiguille

Il en est tout autre (presque) pour cette nouvelle édition avec films où les réalisateurs ont pris des risques esthétiques, traditionnelles, voire politiques qui donnent lieu à de nombreux films aboutis, mais dont certains sont bien trop lisses, laissant un goût amer. Avec All Apologies d’Emily Tang, voici un mélodrame familial typique des productions chinoises hérités des cinéastes de la cinquième génération, et dont les chefs de file comme Zhang Yimou, quand il n’est pas occupé par des projets plus spectaculaires, continuent de polluer les écrans, à l’instar de son récent Sous L’Aupepine. Portrait de la ruralité, des sacrifices des petites gens qui souffrent, et retour à l’ordre moral obligatoire à travers un édifiant panneau final qui vient clore de bien triste façon un film qui montre à quel point Emily Tang, que l’on a connu plus aventureuse, est rentrée dans le rang.

All apologies

Le premier long métrage de Iskandar Usmonov, Le télégramme,  donne quant à lui un goût fade en projection où un fils portant une grande tendresse à sa mère reçoit un télégramme et utilise tous les procédés pour rentrer dans son village natale où la funeste nouvelle l’attend. Difficile de prendre du plaisir face au manque de substance du métrage qui ne dégage aucune personnalité cinématographique avec une forme presque inexistante. C’est à l’issue du film qu’on apprend du réalisateur lui-même les différentes ficelles de sa fiction avec ses traditions enfouies qu’un spectateur occidental peine malheureusement à ressentir.

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Hormis Modest Reception de Mani Haghighi que nous n’avons pu voir dû aux nombreuses interviews indonésiennes, les autres long métrages relèvent considérablement le niveau à commencer par d’agréables surprises dont on ne s’attendait pas forcément. Bwakaw du cinéaste philippin Jun Robles Lana apporte dans son hommage à son mentor, René Vallanueva, un juste équilibre entre fraîcheur de par ses situations hilarantes (le personnage principal se faisant surprendre par ses amis dormant dans un cercueil est un délice) et l’émotion qui se crée naturellement entre un homme misanthrope attendant de trépasser et son chien diagnostiqué d’un cancer. Cette découverte de l’humanité et de l’amour dans une ambiance authentique du pays courronne logiquement le long métrage d’une triple récompense.

Bwakaw

Le pays à l’honneur pour cette édition était l’Indonésie avec une programmation éclectique incroyable et des inédits qui feront frémir les plumes critiques des Cahiers du Cinéma, ceux-ci préférant couvrir un Festival de Berlin sans réel saveur…. Quoi de plus normal que l’un de ses films intègre la compétition et c’est Atambua 39°Celsius de Riri Riza (Eliana, Eliana du même auteur était également projeté dans le focus indonésien) bénéficia de ce privilège. Avec une magnifique photographie et un jeu d’acteurs épatant, Riri Riza confronte dans une région politique stratégique tradition et modernité et on ressort du film quelque peu hypnotisé par  cette expérience sensorielle. Auréolé du prix décerné par l’INALCO, on souhaite ardemment dans les années à venir un nouvel âge d’or du cinéma indonésien.

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D’une intense sobriété, Japan’s Tragedy, le dernier film de Kobayashi émeut et bouleverse. Le regard plein de tristesse et de résolution de l’immense Nakadai Tatsuya, qui porte le film avec une solidité inébranlable surtout reste en mémoire longtemps après la projection. Le constat est sans appel sur le destin du Japon, voire du monde, et une tristesse infinie transparaît dans chaque recoin du noir et blanc fixe du film qui mérite amplement sa mention spéciale dans le palmarès.

Japans-Tragedy

Partant d’une adaptation de Dostoïevski, Une femme douce, le cinéaste sri-lankais Prasanna Vithanage articule son With You Without You autour d’un couple aux ethnies différentes. L’extraordinaire performance de l’acteur principal, à la fois calme et virile sublime cette adaptation contemporaine d’une vie conjuguale à l’épreuve des guerres passées où les cicatrices peinent à se fermer.

Le Coup de cœur Guimet a été rendu au dernier long métrage turc de Reis Çelik, Nuit de silence. Ce huit clos interpelle par son sujet tabou, encore pratiqué dans le monde d’aujourd’hui : la tradition d’un mariage arrangé en Anatolie entre une jeune fille de 14 ans et un sexagénaire tout juste revenu de prison. Va se dérouler dans la chambre nuptiale un habile jeu d’esquive entre la jeune fille, une Leïla Bekhti miniature avec le talent en plus, et le mari, personnage manipulé tout au long de sa vie comme en témoignera son terrible aveu final. Le film apparaît alors comme l’un des longs métrages phares de cette édition vésulienne grâce à sa portée presque universelle et une mise en scène qui sublime le brio des deux acteurs avec leurs gestuelles qui parlent tout autant que la légende de la femme-serpent, fil conducteur du récit.

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Pour finir le long métrage coréen Jiseul du réalisateur O Muel a marqué les esprits. Auréolé ex aequo du Cyclo d’or, le film aborde d’une manière très spirituelle et touchante un événement historique oublié de la Corée du Sud, sublimé par un travail d’orfèvre dans la mise en scène. Pour la critique détaillée, c’est par ici et l’interview du cinéaste par  !

Top 3 East Asia compétition :

1 – Jiseul de O Muel

2 – Nuit de Silence de Reis Çelik

3 – Japan’s Tragedy de Masahiro Kobayashi

Julien Thialon.

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