Le cinéma coréen actuel, toujours riche et passionnant, nous dévoile un autre de ses films grâce à Wild Side. Marc nous parlait de L’ivresse de l’argent au moment de son passage dans les salles obscures. Sa sortie en DVD est l’occasion idéale de revenir sur ce métrage. Par Yannik Vanesse.
Im Sang-soo est un réalisateur engagé qui n’hésite pas à pointer du doigt les dérives des hautes sphères coréennes avec ironie et humour noir. Il l’avait déjà prouvé avec The President’s Last Bang, et le confirme aujourd’hui avec le déroutant L’ivresse de l’argent.
Autant le dire tout de suite cependant, ce métrage est, dans ses débuts, difficile à suivre. L’ivresse de l’argent nous plonge au sein d’une famille de riches hommes d’affaires, manipulateurs, amoraux, bourrés d’argent sale. Im Sang-soo nous y précipite sans aucune clé, alors que nous regardons les personnages évoluer dans cet environnement sombre et malsain, où seule l’argent est loi. Tout ce petit monde, des membres de la famille aux serviteurs, sont dirigés par une marâtre rendue folle par le pouvoir. Tous se considèrent supérieurs au commun des mortels. Cependant, si les débuts sont un peu difficiles pour le spectateur, rapidement, il comprend qui est qui, qui veut quoi, et il est aisé de se laisser enliser dans cette ambiance de corruption, d’amoralité malsaine, de pouvoir et de sexe. Les premières images sont d’ailleurs édifiantes, quand on entre dans cette chambre forte emplie de piles de billets, sorte de version papier de la demeure de Picsou. Oui, L’ivresse de l’argent résume tout dans son titre.
Certes, le métrage n’évite pas quelques longueurs, la plus grande partie du film étant emplie de dialogues. Cependant, la réalisation, dynamique, parvient à transformer une conversation lors d’un dîner en scène d’action, la caméra tournant autour de la table pour suivre les protagonistes et leurs actes tandis qu’ils devisent des sujets qui leur importent.
L’esthétique du film, comme souvent dans le cinéma coréen, est magnifique, léchée, sublime – et la qualité du Blu-ray de chez Wild Side l’accentue encore. Les acteurs sont tous très bons, permettant de donner vie à ces personnages superbement écrits et dénués de sens moral. Im Sang-soo a de plus l’intelligence de présenter son univers à travers les yeux d’un nouveau serviteur (incarné par Kim Kang-woo). D’abord innocent, il se retrouve manipulé et perverti, au fur et à mesure du film, découvrant qu’il ne peut être épargné par l’ivresse de l’argent, et qu’il ne peut éviter que son âme soit entachée.
Certes, le métrage n’a pas véritablement d’histoire, et la fin se révèle un peu brutale, mais l’intérêt est ailleurs. Im Sang-soo soigne son ambiance, et plonge le spectateur dans la fange où se baignent ses personnages. Il utilise parfois une ironie glaçante pour faire passer un message certes prévisible et qui enfonce quelques portes ouvertes, mais tout de même osé et on ne peut plus passionnant.
Le making-of livré en bonus n’apporte pas grand chose, mais permet de découvrir comment le réalisateur dirige ses acteurs, et son niveau d’exigence. Les interviews, elles, sont hélas inutiles, le journaliste semblant surtout intéressé par la scène d’amour du film qui a certes son importance mais n’est pas vraiment le point d’orgue de L’ivresse de l’argent. De même, demander aux acteurs de décrire leur personnage n’apporte rien, le spectateur qui regarde les bonus ayant déjà vu le film.
Yannik Vanesse
Verdict : L’ivresse de l’argent est certes parfois un peu long, mais l’ambiance étouffante saisit le spectateur à la gorge alors qu’il se noie dans les strates de pouvoir de cette famille dépravée par l’argent. Un bon film au message certes peu subtil, mais aux personnages très bien écrits et à l’esthétique sublime, dont la réalisation est tout bonnement excellente.
L’Ivresse de l’argent, disponible en DVD chez Wild Side depuis le 22 mai 2013
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