Le film de la semaine – SNOWPIERCER, Le Transperceneige de Bong Joon-ho : Fight the power !

Posté le 25 octobre 2013 par

Projet de longue date pour Bong Joon-ho qui adapte enfin, après 8 ans de genèse, la bande dessinée de Lob et Rochette, Le Transperceneige, dans une production internationale d’envergure.

Le réchauffement climatique et ses effets néfastes, l’ambition et l’inconscience des scientifiques ont eu raison de la Terre. De l’humanité, il ne reste plus qu’une poignée de survivants. Entre la vie et la mort, il n’y a qu’un pas. Le monde de ces rescapés est un train, faisant le tour du monde, sans arrêt. Dans ce train-monde, rien n’a changé, les classes luttent toujours. Au fond du train, les laissés-pour-compte qui tentent révolution après révolution de faire voler en éclats l’ordre établi.

Bong Joon-ho semble vouloir reprendre la trame initiale commencée par le dessinateur Alexis avant sa mort tragique à 31 ans. Dans celle-ci, un groupe tentait de wagon en wagon de soulever le régime. Nous suivrons donc un groupe emmené par Curtis (Chris Evans), homme au passé trouble dans sa quête de justice.

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Le premier acte ne surprend que très peu. Dans sa description d’une classe inférieure tentant de survivre face à l’oppression et les injustices, Bong s’enlise quelque peu dans des clichés qui ont la vie dure. C’est tout naturellement qu’on vient à le comparer à Elysium de Neil Blomkamp, film sorti cet été et ayant le même thème ou presque. L’introduction des deux films est presque similaire, un peu balourde, trop appuyée pour vraiment convaincre. Mais contrairement au long métrage avec Matt Damon, on perçoit tout de suite chez  celui de Bong Joon-ho une maîtrise formelle, un talent pour poser une atmosphère visuelle accrocheuse. Travaillant sur les cadres pour figurer le confinement et sur l’attente pour générer une tension et une empathie immédiate, Le Transperceneige supplante sans forcer les maladresses formelles et politiques d’un Neil Blomkamp bien mal inspiré. Bong, lui joue des cadres étriqués, du mouvement pour donner une personnalité forte à son oeuvre.

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Passé ce premier acte, le film est une fuite vers l’avant permanente, au rythme parfaitement calibré. Le premier degré quelque peu plombant de la première partie vient se fissurer tout doucement au détour de superbes séquences aussi absurdes que jouissives. Les ruptures de ton dont le cinéaste coréen a le secret font décoller le film vers les hautes sphères du cinéma de science-fiction.

La structure vidéoludique de l’ensemble (chaque wagon son univers, ses ennemis), est comme rarement au cinéma, très à propos, et permet au film de se dévoiler de la plus belle des manières. Bong ne renie pas cette influence du jeu vidéo en jouant totalement avec ses codes visuels. Dans une séquence assez folle, il ira même jusqu’à donner à son film des allures de First Person Shooter (jeu à la première personne) complètement survolté.

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Cette esthétique est, comme les personnages du film, toujours en mouvement, changeante au fil du temps et des wagons.  Passant de l’esthétique des films épiques (la bataille avec les hommes cagoulés), à celle des films d’horreur (la séquence hallucinante façon Terminator/Michael Meyers dans les entrailles du train) ou à l’inquiétante harmonie de la séquence à l’école, Bong réinvente en permanence son film, sans que cela dénature le projet. C’est bien simple : plus on avance, plus on s’amuse, plus on vibre. En plus d’être ludique et visuellement étourdissant, Le Transperceneige nous happe littéralement dans son univers, nous émeut.

Ce qui est beau dans ce Transperceneige, c’est l’audace avec laquelle le réalisateur réalise son projet, sa liberté constante, son humanité qui transparaît de chaque plan, son humour déconcertant loin du de la grosse production US et de ses punchlines, et le déploiement majestueux de ses atours. On (re)découvre sans arrêt le film et une fois les lumières rallumées, nous n’avons qu’une envie : y replonger encore.

Jérémy Coifman.

SNOWPIERCER, le Transperceneige de Bong Joon Ho. Corée. 2013. En salles le 30/10/2013.