Voici qu’arrive en DVD et Blu-Ray enfin le très attendu Grotesque de Shiraishi Kôji. Depuis quelques années, les Américains essaient d’aller le plus loin possible dans le glauque et le sadique avec les torture porn. Il était normal que les japonais veuillent prouver qu’ils sont inégalables en la matière. Preuve est faîte avec Grotesque ! Par Yannik Vanesse.
Dans son ouvrage sur la J-horror, Stephane de Mesdinot nous parlait de la légende de la Femme à la bouche fendue, et de films futurs s’intéressant à cette effroyable légende. Shiraishi Kôji s’est chargé d’une de ces adaptations, sobrement intitulée Kuchisake-onna (La Femme à la bouche fendue). Mais ce film n’est toujours pas visible chez nous, sans doute du fait de l’interdiction au moins de 18 ans du métrage, et de la nature trop japonaise de la légende. Si son film suivant n’était réservé que pour le marché vidéo, et est donc tout aussi inédit en terres francophone, nous arrive son petit dernier, distribué chez nous grâce à Elephant Film. Grotesque, car c’est son nom, débarque ainsi au son des tambours et des trompettes, nanti de bonus made in East Asia. Et il porte bien son nom !
Le film, semblant renouer avec des métrages comme la série des Guinea Pig, débute avec l’enlèvement d’un couple de jeunes Asiatiques. Et, sorti d’un court flashback nous montrant ce que faisaient les deux jeunes gens avant de se faire assommer par notre psychopathe, Grotesque va nous montrer pendant une heure et quart les deux héros, attachés à des tables, se faire torturer.
Nagasawa Tsugumi, qui a l’habitude de se faire asperger de sang, puisqu’elle est aussi à l’affiche du délirant Tokyo Gore Police, passe donc tout le film ligotée, à se faire, entre-autre, couper des doigts à la tronçonneuse. Son compagnon ne sera pas épargné, puisque l’on va lui enfoncer des clous dans les testicules, lui couper des doigts, et bien d’autres choses. Tout cela est filmé en gros plan, avec d’excellents effets spéciaux affreusement réaliste, ce qui rend le visionnage assez inconfortable, et pratiquement insoutenable par moment – sans parler du fait que notre fou furieux explique toujours avec force détail ce qu’il va accomplir, laissant libre cours à notre imagination. Cependant, contrairement à un Guinea Pig, qui jouait la carte du faux snuff movie, avec coup de pub racoleur à la clé, Grotesque ne cherche à aucun moment à n’être autre chose qu’un film. Il y a un générique de début et un générique de fin, et le tout est très bien filmé. On sent le côté professionnel d’un métrage traditionnel. Dans les films de ce type, comme Saw 2, par exemple, les personnages sont certes prisonniers et subissent d’atroces choses de manière assez gratuite et racoleuse, mais ils bénéficient d’une certaine liberté de mouvements. Ils courent, parlent, se disputent, réfléchissent. Ici, le scénario, très épuré, ne laisse à ses personnages ligotés aucune autre marge de manœuvre mis à part subir les tortures les plus diverses. Et, comme ils n’ont pas le droit de parler, les dialogues sont bien souvent réduits au strict minimum. Le résultat est du coup assez vain et totalement gratuit. Le gore n’est pas cool, mais révulsant ; l’action est limitée ; l’intrigue ne révèle aucun suspense ; bref, le métrage n’apporte que grimaces et hauts le cœur… Le moment le plus intéressant du film est quand les héros pensent qu’ils vont être libérés et que le fou furieux les soigne. Le spectateur sait très bien qu’ils ne seront pas relâchés, et la situation provoque un malaise beaucoup plus intéressant que le vulgaire dégout que suscite tout le reste du métrage. Ce film se veut cependant atroce et jusqu’auboutiste, et y parvient totalement, allant aussi loin que possible dans sa démarche.
Le menu des Bonus avec « Grotesque : dans les entrailles du Torture Porn », par… Victor Sanchez ?? Chez Mammouth Films, alors ?
Le DVD contient un bonus de taille, puisqu’il s’agit d’un documentaire de 17 minutes concocté par East Asia. Nous y retrouvons Olivier Smach et Victor Lopez (ce dernier devient parfois Victor Sanchez, au gré des envies de Elephant Film) qui nous livrent une analyse pertinente du film. Si la mise en scène, dans un décor un peu glauque, des armes à la main, peut faire sourire, cela s’avère bien plus intéressant et recherché que tous ces journalistes simplement assis derrière un bureau. De toute façon, c’est le fond qui intéresse bien évidemment le spectateur. Et, sans aucun temps morts, nos deux journalistes nous offrent une excellente étude de Grotesque. Creusant, ils partent des racines de cet arbre étrange et malsain qu’est le métrage qui nous intéresse, et ils remontent jusqu’à arriver au produit fini, nous parlant de ses influences, sa conception, ses acteurs, son réalisateur… Bref, révélant tout ce que voudrait savoir un spectateur curieux sur notre Grotesque, inadmissiblement interdit en Angleterre (ce qu’il clame cependant haut et fort, comme de juste).
Il est difficile de s’extasier devant un tel film. En effet, comment apprécier, comment trouver vraiment bon, un film qui veut choquer et dégouter son spectateur ? En ce sens, il y parvient très bien et, si pour crier au chef d’œuvre, il manque, selon votre serviteur, un peu de fond, l’épure de son scénario et la démarche franche de son équipe est admirable. Ainsi, si le métrage ne recevrait qu’une note de deux sur cinq, ce serait finalement dû au certain inconfort ressenti à sa vision et, en ce sens, il atteint pleinement son objectif. Cependant, le DVD en lui-même mérite la note de trois (Good), de part son joli packaging, et ce bonus tout bonnement excellent.
Yannik Vanesse.