HK Video continue son déluge de sorties DVD avec un coffret de trois classiques du roi incontesté du Mo Lai Tau : le bien nommé Stephen Chow… Par Tony F.
Royal Tramp : C’tait fun, Chow?
On le sait tous plus ou moins : quand Wong Jing tient un filon, ou un acteur, il ne le lâche pas avant de l’avoir exploité autant que ses capacités lui permettent. Et maintenant que le réalisateur a trouvé en Stephen Chow son nouvel acteur fétiche grâce à All for the Winner, autant dire que ce dernier va en bouffer, de la comédie ! Le voici ainsi lancé dans une folle intrigue à base de complots politiques à la cour impériale sauce kung-fu, dans lequel notre ami Chow, habitué aux personnages opportunistes et maladroits, interprétera un baratineur placé au sein de la cour en tant qu’espion d’une société secrète, avec pour mission de retrouver un ouvrage renfermant un précieux secret. Une tâche dont il aura bien du mal à se dépêtrer, entre son mentor eunuque (Ng Man Tat, délirant) et autres personnages aux doubles jeux bien étranges. On s’étonnera de la longueur du film (1h50) qui, loin de le servir, fera trainer un scenario qui n’en a pas forcément besoin. Qu’importe ! Celui-ci n’est que le prétexte au comique de situation et de dialogues. Et là, rien à redire ! L’humour fait mouche la plupart du temps, les baisses de rythmes étant contrebalancées par les scènes de combats. Car finalement, on le devine au fil du métrage, l’essence même du film n’est pas tant à chercher du côté de la réalisation de Wong Jing (qui s’en tire tout de même avec tous les honneurs que peut offrir le réalisateur) que du côté de la collaboration Chow / Ching Siu-Tung. En effet, les travaux entre les deux hommes donnent souvent lieu à des cascades de très bonne facture, et Royal Tramp ne déroge pas à la règle : les combats, très justement chorégraphiés, permettent de redynamiser parfois l’action entre deux scènes comiques, ou bien de pimenter ce dernier d’une façon détonante. On retiendra notamment ici un combat spectaculaire dans une bibliothèque où tous les protagonistes se trouvent perchés en haut d’un grand escalier mobile ! Du grand délire tant dans l’action que dans l’humour, chaque aspect s’équilibrant vis-à-vis de l’autre.
Aux côtés de Stephen Chow, nous retrouvons donc sans surprise Ng Man Tat et Sharla Cheung Man. L’équipe (à laquelle on peut parfois également ajouter le réalisateur/producteur lui-même) ayant été propulsée par le succès de All for the Winner se retrouvera de toute façon dans la plupart des succès comiques de l’époque, tels que la trilogie Fight Back to School (exemple le plus éloquent) ou encore même King of Beggars (sans Wong Jing donc), dont nous parlerons plus bas. A noter également la présence de la célèbre “Tueuse Nue” Chingmy Yau, dont on ne s’étonnera pas vu les liens étroits qu’elle entretenait avec notre réalisateur ras des pâquerettes.
Il y a à boire, à manger, et à faire, et si certains se régaleront des gags un peu lourds (pour ne pas dire gras) de l’auteur, d’autres leur préféreront la marque de qualité de Ching Siu Tung et de ses chorégraphies de hautes volées. Tous, enfin, s’accorderont a dire que Stephen Chow y est, comme souvent, excellent, véritable moteur indispensable à l’avancée du film, autour duquel tous tournent sans accrocs. Si Wong Jing est réputé pour surexploiter ses filons, bouder notre plaisir ne servirait à rien : Royal Tramp est l’un des nombreux exemples que surexploitation n’est pas forcément signe de mauvaise qualité.
Royal Tramp 2 : le retour du Chow lapin
La fin du Royal Tramp “number one” laissait présager (bon, ok, annonçait même carrément) une suite.
Et, Ô, surprise, ladite suite fut réalisée et sortie directement la même année ! Nous retrouvons donc le roi du Mo Lai To et la Mme Wong Jing notoire (de l’époque), Chingmy Yau, dans une histoire faisant directement suite à Royal Tramp . Ce sont d’ailleurs là les seuls rescapés, puisque point de Ng Man Tat à l’horizon, ni de Sharla Cheung Man, celle-ci étant ici remplacée par Brigitte Lin dans un rôle similaire de prêtresse démoniaque. Dans la première moitié du moins, puisque par un retournement scénaristique onirique (une scène d’amour tout en fil de soie) rejoindra notre héros à la coiffe de tigre la plus kitsch de toute l’histoire des coiffes de tigres dans le camp des gentils, l’occasion pour la jolie jeune femme de nous montrer qu’elle sait, en plus de se battre, sourire de façon agréable.
Comme dit plus haut, le pitch reprendra et continuera la trame scénaristique du premier opus : des ouvrages renfermant un secret ancestral, des complots politiques impériaux, et cette fois-ci un mariage arrangé entre la sœur de l’empereur (Chingmy Yau) et un éventuel allié politique. Problème, la frangine en question est elle même déjà amoureuse du baratineur (Chow) désormais surhumain (il en ira par ailleurs de même pour la plupart des personnages féminins du film, ce qui ne sera pas pour déplaire à notre heureux polygame, ni au réalisateur d’ailleurs, celui-ci en profitant pour poser quelques scènes bien comiques…).
Plus proche d’un wu xia pian que du kung fu du premier opus, Royal Tramp 2 garde Ching Siu Tung à la chorégraphie, et cela se sent : toujours très réussies, les scènes d’action sont de très bonnes facture, entre combats câblés, gerbes de sangs abondantes et tournoiements dans les airs, le tout chargé de nombreuses références (tendant parfois même sur la dérision parodique). Certains passages (la fin, au hasard) pouvant même rappeler un certain Swordsman 2 . Heureusement, aurait-on envie de dire, parce que l’humour, bien que toujours présent, se révèle être un cran en deçà par rapport à son prédécesseur. Non pas qu’il soit moins bon, loin s’en faut, mais il est surtout plus rare, plus diffus, distillé même, préférant faire généralement la part belle à l’action débridée. A l’instar du premier, chacun y trouvera son compte entre chorégraphies et humour pas très subtil, pour notre plus grand plaisir (ou déplaisir, selon.)
De cette réduction d’humour résultera donc une intrigue plus sombre, plus confuse même diront certains, et un enchaînement de situation très (trop?) rapide qui pourraient nuire à ce Royal Tramp 2 . L’appréciation finale variera finalement tellement d’un spectateur à l’autre, lesquels le trouveront au pire un peu moins bon que le premier opus, au mieux l’égal de celui-ci. Film d’exploitation à 200% (exploitation de Chow, exploitation de Royal Tramp ), il parvint tout de même à glaner trois récompenses aux HK Films Awards de 1993, en l’occurrence meilleure chorégraphie, meilleure direction artistique, et meilleurs costumes/maquillages. Comme quoi… Pas si mal que ça tout de même, l’exploitation made in Wong Jing !
King of Beggars par Gordon Chan : Chow-King!
Après un Fight Back to School des plus réussis l’année précédente, Gordon Chan et Stephen Chow signent King of Beggars , une relecture de l’histoire populaire de So le mendiant, maître de Wong Fei-Hong si souvent mis en scène à travers le cinéma hongkongais (on se souvient du Drunken Master interprété par Simon Yuen, entre bien d’autres, les différentes apparitions du personnage ne se comptant plus.) Ici, le mendiant est Stephen Chow, jeune fils de bonne famille déchu par l’empereur et réduit à la mendicité par un coup du sort (voir même directement un complot). Bien entendu, il devra s’adapter, se relever, et même sur la fin se venger. Et bien entendu, nous retrouvons à ses côtés Ng Man Tat et Cheung Man, le trio fonctionnant par ailleurs toujours aussi bien (surprenant, n’est-ce pas?)
Autant le dire tout de suite : King of Beggars n’est pas vraiment une comédie. Des éléments comiques, on en trouve ça et là, au début principalement, mais le gros du film se révélera tout de même être une véritable petite tragédie où Stephen Chow interprétera un rôle pas si éloigné de ceux qu’il campe souvent, à savoir celui d’un mendiant dont la destinée se révèlera héroïque. Le film va donc glisser lentement de la comédie au drame sur fond de kung fu, auquel viendra s’ajouter toute la dimension sociale que l’on peut tirer d’un tel personnage, et de l’histoire d’un homme déchu qui se fait guide de toute une catégorie rejetée par la société. Ce kung fu d’ailleurs, s’avère être très réussi. Pas étonnant lorsque l’on sait que le chorégraphe est Yuen Cheung Yan, le frère de Woo Ping, dont les réussites dans le domaine ne manquent pas, à plus forte raison lorsqu’il s’agit de chorégraphies propres à Beggar So. Sauf qu’ici point d’alcool dans le style de Stephen Chow, mais une autre version de cet art que l’on nous présentera : l’homme dormeur. Un élément parodique dont l’acteur se parera sans soucis, d’autant que la fin du film le confronte à Norman Chu, et qu’un tel artifice permet de réduire, à l’écran, le fossé martial qui sépare les deux acteurs tout en donnant lieu à des scènes épiques (tout est relatif ) et réussies.
Et c’est finalement là la réussite de l’œuvre : avoir mêlé avec brio le talent d’un Gordon Chan qui s’essayait, pour la première fois, au film de kung fu (en costumes qui plus est), à la capacité mainte fois reconnue de Stephen Chow pour le comique de dialogues, d’auto-dérision et de parodie. Un Stephen Chow que l’on voit également capable d’exprimer un éventail de sentiments bien plus large que ce que la comédie lui donne habituellement. Une jolie version du roi des mendiants donc qui, si on peut lui reprocher de peiner à trouver son juste milieu entre comédie et drame, n’en reste pas moins réussie.
En Bref :
Pour une trentaine de deniers, HK Video nous livre trois très bons films, marquant l’époque où Stephen Chow explosa en tant que comique. En sus, l’éditeur daigne (enfin) ajouter des bonus à ses galettes. Certes, ce n’est pas grand chose, mais nous retrouverons avec plaisir sur chacun des trois films une petite interview d’un quart d’heure chacune, de Wong Jing pour les deux Royal Tramp, et de Gordon Chan pour King of Beggars. En résumé, si vous ne possédez pas encore ces œuvres, voici une bien belle occasion de rattraper cette erreur!
Tony F.
Coffret Stephen Chow, Edité par Metropolitan, Disponible depuis le 01/04/2011.