Cannes 2011 : Tatsumi d’Eric Khoo (Sélection Officielle – Un Certain regard)

Posté le 18 juin 2011 par

Après My Magic, le réalisateur singapourien Eric Khoo fait une escale au Japon pour adapter l’œuvre du mangaka Tatsumi Yoshihiro, et signer un film d’animation original et passionnant. Par Victor Lopez.

Dans Une vie à la dérive, manga fleuve de plus de 800 pages, Tatsumi se raconte, de sa naissance en 1935 et ses premiers dessins à l’après-guerre jusqu’au présent et la mort de son mentor Tezuka, qui ouvre d’une bien touchante manière l’autobiographie. Mais surtout, l’artiste explique comment il inventa en 1957 le Gekiga, manga pour adulte, pour distinguer sa création Blizzard Noir des bandes-dessinées pour enfants. Très productif dans les années 70, il a également signé de courtes histoires à la poésie désespérée et à la morale trouble et nihiliste, avec lesquelles le réalisateur singapourien Eric Khoo a grandi.

Le cinéaste a alors l’idée de réaliser un film d’animation s’appuyant sur la vie du maître, mais dans lequel il insère aussi des adaptations de ses histoires courtes, pour un mélange aussi original que réussi. On traverse ainsi l’histoire du Japon, dans un style mélancolique, enjoué et coloré lorsque la vie de Tatsumi nous est contée, qui fait place à une tristesse chaotique réaliste et sombre dès que l’on bascule dans l’œuvre du maître. Le mariage entre nostalgie et cauchemar fonctionne parfaitement et l’unité du film est tout de même totale. Toute proportion gardée, on pense au système narratif adopté par Paul Schrader pour son Mishima, une vie en quatre tableaux devant l’expérimentation de Khoo.

Si la vie d’ Eric Khoo n’a pas la même force que celle du mangaka, ses récits donnent au film une densité comparable à ceux mis en images par Schrader, et sidèrent par leur force destructrice et leur malsaine cruauté. On regrettera juste de ne pas en voir plus – seul cinq petites histoires ont été sélectionnées par le réalisateur, qui promet cependant ceci : « Si je suis amené à faire un autre film d’animation, il traitera des autres histoires courtes de Tatsumi san, celles que je n’ai pas pu insérer dans ce film ». On n’attend que ça !

Victor Lopez.