MUBI – The Recorder Exam de Kim Bo-ra

Posté le 29 avril 2021 par

Parmi la sélection éclectique de films que propose Mubi, nous avons le plaisir de visionner le premier court-métrage de Kim Bo-ra : The Recorder Exam.

Ayant raflé nombre de prix en festivals pour son premier long-métrage House of Hummingbird, la cinéaste avait pourtant déjà fait sensation avec son court-métrage de fin d’étude pour lequel elle avait notamment remporté le Best Student Filmmaker Award de la Directors Guild of America.

Sorte d’antépisode (semi-autobiographique) de House of Hummingbird, The Recorder Exam se déroule à Séoul en 1988 et suit la petite Eun-hee, 9 ans, qui se prépare pour son examen de flûte à bec tout en faisant de son mieux pour trouver sa place dans sa propre famille.

Ce n’est évidemment pas une coïncidence si la protagoniste porte le même prénom que celle du film qui suivra. La situation est ici la même : une jeune fille issue d’un milieu modeste qui cherche à créer un lien avec les membres de sa famille, tous plus occupés par leur quotidien que par cette enfant en manque d’affection. La structure familiale est d’ailleurs similaire : un père taciturne que l’on craint, une mère discrète, une sœur aînée rebelle et un grand frère violent, dont les études priment sur celles de ses sœurs.

Difficile de croire qu’il s’agit d’un film de fin d’étude tant le style de Kim Bo-ra est déjà abouti. On y reconnait aisément l’influence d’Edward Yang, mais l’aspect en partie autobiographique du récit permet au film de trouver son propre ton. Sous ses airs tranquilles et calmes, ce dernier instille une mélancolie et une gravité qui dépassent le seul cadre des chagrins d’Eun-hee. En effet, au-delà de la solitude que la fillette ressent, on perçoit beaucoup de la société coréenne à travers ces 28 minutes : un développement économique dont les Jeux Olympiques sont l’étendard, la misogynie institutionnalisée, la discrimination des classes défavorisées… Kim Bo-ra parvient à véhiculer les sentiments d’Eun-hee avec peu de mots mais une grande délicatesse, et ce, en grande partie parce qu’elle aborde l’enfance avec un grand respect.

La mise en scène éthérée se construit également autour de ses acteurs, tous très touchants. On retrouve ici Jung In-gi (After My Death) qui reprendra le rôle du père dans House of Hummingbird et qui incarne parfaitement la figure paternelle autoritaire. On retient également Hwang Jeong-one qui, sous ses faux airs de Kim Sae-ron (Une Vie toute neuve) nous bouleverse de son regard innocent et triste.

Comme avec House of Hummingbird, Kim Bo-ra nous charme pour mieux nous dévoiler le drame sous-jacent. Pourtant, là où le long-métrage, sous son ton aérien, est plus violent et dur, The Recorder Exam se fait plus doux. Comme un miroir de l’âge d’Eun-hee qui évolue entre les deux films, le ton des deux récits tend vers la gravité au fur et à mesure que l’innocence se perd.

The Recorder Exam est donc une parfaite porte d’entrée à l’univers de Kim Bo-ra ou bien un passionnant reflet de House of Hummingbird. En attendant le prochain projet de la réalisatrice, qui se tournera cette fois-ci vers la science-fiction, c’est avec émotion qu’on se replonge dans le quotidien de la petite Eun-hee.

Marie Culadet

The Recorder Exam de Kim Bo-ra. Corée du Sud. 2011. Disponible sur Mubi

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