VIDEO – HHH, portrait de Hou Hsiao-hsien d’Olivier Assayas – atmosphère de la nouvelle vague

Posté le 20 novembre 2020 par

En bonus du coffret des Fleurs de Shanghai, Carlotta Films a eu la riche idée de nous mettre à disposition, dans sa version restaurée, le documentaire HHH, portrait de Hou Hsiao-hsien, réalisé par Olivier Assayas en 1997. La qualité de ce documentaire et de ce qu’il évoque nous amène naturellement à lui consacrer une critique à part entière.

Alors qu’il se rend à Hong Kong pour écrire un numéro spécial des Cahiers du Cinéma en 1984, Olivier Assayas se fait interpeller sur place par le journalise taïwanais Chen Kuo-fu : « la révolution des cinémas chinois, elle a lieu dans mon pays ». Il fait ainsi un crochet sur l’île, découvre la nouvelle vague taïwanaise et fait connaître l’un de ses chefs de file en Europe : Hou Hsiao-hsien. Treize ans plus tard, Hou Hsiao-hsien est un auteur mondialement connu, auréolé d’un Lion d’Or à Venise. Assayas le rejoint sur les lieux de sa jeunesse.

Dans HHH, portrait de Hou Hsiao-hsien, le réalisateur taïwanais déploie, par la parole, les réponses aux questions qui lui sont posées, son point de vue d’artiste taïwanais, d’origine chinoise continentale né au milieu du XXème siècle, sur l’exercice cinématographique et l’univers politique et social qui l’entoure. Son propos est adossé à ceux de ses plus proches collaborateurs : les scénaristes Chu T’ien-wen et Wu Nien-jen, l’acteur Jack Kao, le compositeur Lim Giong, l’ingénieur du son Tu Du-che et Chen Kuo-fu, devenu entre temps réalisateur de la nouvelle vague. Les interviews sont croisées, parfois Assayas en tête à tête avec HHH ou un collaborateur, parfois en groupe avec HHH, au détour des ruelles de son enfance, au café dans lequel il avait l’habitude de travailler… Aucun plan n’est porté sur un décor anodin, tout comme chaque bribe de parole des intervenant est précieuse par son sens et la chaleur du bouillonnement créatif qu’elle décrit. C’est Chen Kuo-fu qui le dit le mieux : « j’échangerais tous mes films pour revenir à cette époque, si intéressante au niveau créatif ». En 1997, la nouvelle vague semble derrière ce beau monde et la nostalgie pointe déjà. La nostalgie est d’ailleurs l’un des thèmes récurrents de ce mouvement, puisque beaucoup des succès de ces artistes reposent sur des souvenirs qu’ils s’échangent d’un scénariste à l’autre pour le matérialiser en films. Edward Yang a joué dans Un Été chez grand-père, Hou a joué dans Taipei Story, Wu Nien-jen a joué dans Yi Yi… Les membres de la nouvelle vague apportaient chacun leur pierre aux films des autres et formaient une belle bande. Le documentaire d’Assayas parvient à restituer l’importance de ces flux fructueux en interrogeant la figure centrale de Hou autour d’un éventail large de thématiques, le plus exhaustif possible lorsque l’on questionne un cinéaste.

Par moment, l’aspect théorique laisse la place à du cinéma en soi, afin de ne pas faire du documentaire une simple interview filmée. Le premier lieu dans lequel Assayas rencontre Hou est la rue dans laquelle Hou traînait à son adolescence, un endroit qui lui rappelle qu’il a failli tomber dans la délinquance. Hou, Assayas et leur interprète rencontrent le vieux Chen, figure du quartier qui se souvient de tous les gamins qui y traînaient et de ce qu’ils sont devenus. Ce renvoi au passé a quelque chose d’émouvant, car il fait écho à une époque et une histoire que Hou a lui-même décrit dans ses films (Les Garçons de Fengkuei). Spatialement, le spectateur du documentaire se déplace dans cet environnement devenu cinéma néo-réaliste et il assiste à un renvoi temporel par les souvenirs racontés : Assayas a su tirer profit de cette séquence pour offrir au documentaire sa forme la plus cinématographique, en deux dimensions.

Plus tard, l’équipe de tournage interviewe Hou dans un restaurant en terrasse. Au moment où Hou évoque la politique taïwanaise, la caméra se déporte sur les employées qui préparent des légumes sur le sol. Elle préfère faire focus sur leur action tel un peintre naturaliste, élément dont on pourrait être témoin dans les films de Hou. Un autre motif du cinéma de Hou est reproduit : un court voyage en train vers la campagne. Le film se clôt sur une session de karaoké avec ses amis les plus proches, une séquence qui n’est pas sans rappeler une certaine idée des cinémas d’Asie, de Jia Zhangke (le karaoké dans Xiao Wu) jusqu’à Hong Sang-soo (les rendez-vous alcoolisés). Le dernier collaborateur interrogé à cette occasion est aussi le plus jeune, l’acteur et compositeur Lim Giong, qui nous rappelle encore les belles perspectives des cinémas chinois, puisqu’il a signé la bande originale de l’époustouflant Un grand voyage vers la nuit du jeune Bi Gan, un metteur en scène qui ne renierait probablement pas l’influence de Hou.

Une conclusion nécessaire : quatre films de Hou Hsiao-hsien sont ici cités en extraits, restaurés en même temps que le documentaire par l’INA et dont on peut constater la splendeur graphique. Trois demeurent oubliés en termes d’exploitation dans nos contrées : Un Été chez grand-père, La Cité des douleurs et Le Maître de marionnettes. Hou Hsiao-hsien a eu une influence majeure sur les différents cinémas chinois, et voir des extraits de ces films en haute définition rappelle qu’un pan entier de sa filmographie doit être redécouvert de toute urgence.

Maxime Bauer.

HHH, portrait de Hou Hsiao-hsien d’Olivier Assayas. France/Taïwan. 1997. Disponible en bonus du coffret Les Fleurs de Shanghai chez Carlotta Films le 12/10/2020.

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