EN SALLES – Dans un jardin qu’on dirait éternel de Omori Tatsushi (en salles le 26/08/2020)

Posté le 26 août 2020 par

Alors que le public du Festival Kinotayo a pu le découvrir fin 2019, Dans un jardin qu’on dirait éternel est enfin parvenu à trouver le chemin des salles françaises. Sous ses allures de métrage purement sensoriel et contemplatif, le film d’Omori Tatsushi est un bel hymne à la vie et aux joies du quotidien, dernier baroud d’honneur de la grande Kirin Kiki.

A Yokohama, Noriko est introduite par sa cousine auprès de Madame Takeda, une professeure en cérémonie du thé. D’abord peu emballée, elle se prend peu à peu au jeu et découvre en cet art séculaire une doctrine de vie qui la guidera des années durant, au fil des saisons…

La force du film réside dans la description de l’écoulement du temps. Déroulée de manière linéaire et du point de vue de l’héroïne, l’intrigue alterne entre scènes de cours au contact de la professeure, campée par Kirin Kiki, et vie personnelle de Noriko. Cet entremêlement narratif permet à la philosophie de l’art du thé d’infuser dans la vie privée des personnages. On assiste ainsi à la maturation psychologique de Noriko, qui n’a certes rien d’un grand questionnement métaphysique, mais qui cherche tout simplement à répondre à la question : que faire de ma vie ? La simplicité mécanique de la réalisation et le calme de l’atmosphère font régner peu à peu la sérénité dans les esprits, ceux des personnages et, par contagion, des spectateurs. En un sens, Dans un jardin qu’on dirait éternel est une carte postale, pour son iconographie japonaise et son sujet typique, à ceci près que l’intention et son exécution réussie font corps avec la description de la cérémonie du thé, si bien que ce n’est pas une carte postale de façade. Le film est un bel ambassadeur de l’activité, décrivant avec minutie ses gestes et leurs sens, sans oublier de montrer comment ses vertus peuvent influencer les vies de ses pratiquants. Il ne s’agit pas non plus d’un propos prosélyte ou sectaire ; la mise en lumière de cette activité propre au Japon, à travers une mise en scène contemplative, permet de former un film qui a les mêmes vertus de l’exercice qu’il décrit. En somme, l’effet de style qui en découle montre avant tout les qualités cinématographiques de l’œuvre, alors que cette simplicité apparente serait susceptible de nous en faire douter.

Kirin Kiki nous a quittés en 2018 et Dans un jardin qu’on dirait éternel est le dernier film dans lequel elle apparaît. Il ne pouvait pas y avoir de plus belle finalité, pour cette actrice à la carrière impressionnante qui nous a émus chez des auteurs tels que Kore-eda Hirokazu (Une Affaire de famille) et Kawase Naomi (Les Délices de Tokyo), que d’incarner une vieille dame, d’une grande sagesse, maîtresse dans son art… Un personnage qui règne sur son monde, parfois arborant une fragilité, avec ses joies et ses humeurs, mais in fine, faisant montre d’une chaleur humaine qui enveloppe les décors dans lesquels elle apparaît. Madame Takeda est un protagoniste complet et terminal, qui délivre, dans ses dernières paroles à l’écran, un message ultime de béatitude.

Au revoir Kirin Kiki.

Maxime Bauer.

Dans un jardin qu’on dirait éternel d’Omori Tatsushi. Japon. 2019. En salles le 26/08/2020.

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