VIDEO – Je veux manger ton pancréas de Ushijima Shinichiro

Posté le 2 juillet 2020 par

Après une adaptation en live action en 2017, le roman Je veux manger ton pancréas de Sumino Yoru est cette fois porté en long-métrage d’animation par Ushijima Shinichiro, dont c’est le premier film. Le résultat est un récit initiatique dans la pure veine shônen, qui se confronte avec douceur et pudeur à la thématique du deuil. Vous pouvez retrouver le film en DVD et Blu-Ray grâce à @Anime.

En trouvant par hasard le journal intime de Sakura, une de ses camarades de lycée, Haruki découvre qu’elle est condamnée par une maladie du pancréas. D’abord peu désireux de laisser ce secret contrarier la vie solitaire qu’il mène, il va, face à l’insistance de la jeune fille, se lier progressivement d’amitié avec elle.

A l’égard des longs-métrages d’animation japonaise habituellement distribués dans l’Hexagone, Je veux manger ton pancréas fait figure d’étrangeté. En effet, bien qu’il ait rencontré un fort succès dans son pays d’origine (où il a obtenu le 13ème rang du box-office l’année de sa sortie), il n’y a derrière le projet ni nom populaire, comme ceux d’Imaishi Hiroyuki et du studio Trigger pour Promare, ni direction artistique remarquable comme dans Les Enfants de la mer, ni concept haut en couleurs comme dans Le Mystère des pingouins. La dureté du sujet le rend difficilement accessible à un jeune public, et le roman dont il est tiré ainsi que les précédentes adaptations qui en ont été faites n’ont pas connu chez nous de retentissement particulier. Alors pourquoi diable proposer ce film à un public français ? Le pari est risqué, avec peu de perspectives d’élargir sa cible au-delà des amateurs de japanime et un titre qui aura laissé plus d’un spectateur perplexe. Pour autant, on ne peut que remercier @Anime de rendre visible cette tranche de vie douce-amère qui promet un intense cocktail d’émotions.

Ici, pas de malentendu quant à l’issue funeste du scénario : la scène d’ouverture nous présente déjà les funérailles de Sakura comme horizon, interdisant toute espérance de deus ex machina. Le tour de force de l’écriture sera pourtant précisément de faire de ce moment, que l’on aura longuement anticipé, un choc malgré tout, car lorsqu’il intervient on ne le vit pas seulement en tant que spectateur, mais surtout à travers le personnage de Haruki. Et pour cause : si c’est par ses yeux que l’on découvre la jeune fille, c’est surtout par le biais des bouleversements et émotions qu’elle suscite en lui que nous apprenons à le connaître, lui. A la manière de Your Lie in April, Je veux manger ton pancréas nous narre ainsi avant tout comment l’intensité d’une rencontre marquée par la tragédie peut transformer en profondeur celui qui reste.

La dynamique qui opère entre les adolescents demeure, somme toute, assez classique. A un Haruki solitaire, qui traite ses camarades avec distance et froideur, fait face une Sakura solaire qui dissimule ses blessures derrière un enthousiasme zélé. Après une première phase de rejet, il va peu à peu apprivoiser ce caractère qui lui semblait d’abord si envahissant, s’y attacher et s’ouvrir au monde à son contact. On pense là encore aux héros de Your Lie in April, mais aussi, dans une ambiance moins dramatique, à ceux de Hyouka ou du tout récent Loin de moi, près de toi de Sato Junichi. L’évolution de leur relation ne comporte donc pas beaucoup de surprises et pourra de prime abord paraître caricaturale à qui n’est pas friand du genre, mais pour qui est prêt à se laisser émouvoir, le film saura déployer toute la force de son sujet.

C’est que les thèmes de la maladie et du deuil promettent leur lot d’inquiétudes et de larmes. Face à la dureté de la situation, la résilience de Sakura est rédemptrice, sans pour autant éclipser la complexité de son personnage dont les doutes et la mélancolie, bien que contenus, ne manquent pas d’affleurer à la surface de loin en loin. A ce titre, Je veux manger ton pancréas sait se montrer tout à la fois pudique et cruel, parsemant ses moments heureux d’instants de vulnérabilité parfois tout juste esquissés. Sur une problématique similaire, il s’en tire ainsi bien mieux que l’adaptation cinématographique de Un cri d’amour au centre du monde par Yukisada Isao, dont la jeune protagoniste, condamnée par une leucémie et censée exprimer la même dualité entre ardeur et fragilité, ne passait pas de l’une à l’autre avec la même subtilité.

Il faut toutefois relever que le traitement s’inscrit dans la plus pure tradition du shônen dramatique, n’hésitant pas à pousser par endroits les bons sentiments à l’excès, à grands renforts de piano et de fleurs de cerisiers. Ces codes ne déstabiliseront pas ceux qui sont accoutumés aux productions japonaises rencontrant un bon accueil domestique, mais risquent de paraître mièvres à ceux dont le référentiel se rapporte plutôt à nos importations habituelles. On peut, certes, rapprocher l’ambiance de celles des films de Yamada Naoko, en particulier A Silent Voice qui présente un récit initiatique comparable, voire des derniers longs-métrages de Shinkai Makoto que sont Your Name et Les Enfants du temps. Néanmoins, avec Je veux manger ton pancréas, on semble aller un pas plus loin dans la démarche de proposer en France des œuvres taillées sur mesure pour le public nippon.

On se réjouit donc de voir arriver chez nous cette touchante histoire qui parvient à tirer de l’âpreté de son sujet un message de foi inébranlable en l’avenir. Ainsi, à travers la détermination de son héroïne qui parvient à transcender son entourage, on mesure l’impact qu’a pu avoir sa trop brève existence sur le monde et combien sa figure rayonnera encore longtemps dans le cœur de ses proches comme, peut-être, dans celui des spectateurs.

Lila Gleizes

Je veux manger ton pancréas de Ushijima Shinichiro. Japon. 2018. Disponible en DVD et Blu-Ray chez @Anime le 24/06/2020.

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