NETFLIX – Devilman Crybaby de Yuasa Masaaki

Posté le 18 mai 2020 par

Nous vous avions présenté il y a peu de temps dans ces colonnes le long-métrage The Night Is Short, Walk on Girl, réalisé par Yuasa Masaaki. Une virée éthylique et déjantée dans Kyoto à la mise en scène énergique et qui laissait libre cours au style cartoonesque et surréaliste du réalisateur. Mais si sa filmographie inclut nombre de productions qui versent clairement dans la comédie, il met en scène en 2018 la série Devilman Crybaby, adaptation du manga de Nagai Go, noir, violent et aux relents de fin du monde. C’est à découvrir sur Netflix !

Devilman Crybaby nous narre les aventures d’Akira, jeune homme timide élevé dans une famille très religieuse qui voit un jour son ami d’enfance, Ryo, faire irruption dans sa vie en lui annonçant purement et simplement que les démons vont envahir la Terre. Et le seul qui va pouvoir y faire face, c’est Akira qui sera donc le devilman ultime, le parfait hybride humain-démon. Sur ce pitch simple, voire simpliste, la courte série de dix épisodes va broder un arc narratif ambitieux, foutraque, débordant d’idées et de pistes, et parfois trop pour son propre bien, quitte à faire ressembler l’ensemble à un gros fourre-tout qui se perd en route.

La série commence pourtant bien avec un pilote qui pose les bases de la situation assez clairement, en présentant ses personnages de manière à les rendre immédiatement attachants, même Ryo qui, derrière ses airs angéliques de blondinet aux yeux bleus, semble cacher quelque sombre secret à son ami d’enfance qu’il aime pourtant comme un frère. La dernière séquence donne un avant-goût de ce que réserve la série à chaque épisode : du sang, du sexe, du monstre et un peu de drama, avec une pincée de romance.

Dans l’ensemble, chaque épisode, même s’il fait plus ou moins avancer l’intrigue, coche les cases « sexe et tripes » avec une gratuité parfois désarmante. Si nous n’avions pas encore compris que l’Enfer, c’est la dépravation et la violence, maintenant le message est clair. Il en résulte un grand déséquilibre quant au reste des éléments du scénario, notamment les relations entre les personnages, obligés de se partager le temps qui reste dans chaque épisode. Certaines story lines mettent neuf épisodes à trouver un intérêt (la bande de rappeurs qui se lient d’amitié avec Miki, la sœur/love interest d’Akira), et passés les cinq premiers épisodes, on se demande bien où le scénario veut en venir avec ces affrontements à répétition et les plans de Ryo.

Mais à partir de l’épisode 6, le scénario passe brutalement de la troisième à la cinquième vitesse, et dévoile au grand jour les projets de Ryo (projets dont on ne saura rien avant l’épisode 10), et sans spoiler, la guerre éclate. On passe brutalement d’une croisade mystérieuse à un affrontement pour le salut de la Terre, qui n’épargnera personne, pas même Akira, démon au cœur humain, qui va devoir lutter pour sauver ce qui peut encore l’être en se demandant qui sont les vrais monstres, dans cette histoire.

Cette apocalypse où se mêlent le sang (beaucoup de sang, même) et les larmes trouvent une résolution dans un climax qui voit les masques tomber et un boss final arriver, assez surprenant et qui, mine de rien; a la storyline la plus touchante de l’ensemble, loin devant celle d’Akira, le crybaby de l’histoire finalement pas si intéressant à suivre. Mais même le final semble vouloir tout régler en vingt minutes, ce qui est beaucoup trop peu pour y caser toutes les résolutions des axes narratifs des neufs épisodes précédents, l’explication des motivations du boss final, et l’affrontement qui s’en suit avec Akira. Affrontement qui dure 3 minutes montre en main, mais qui laisse place à l’échange le plus touchant de la série.

De manière générale, la série s’en tire avec les honneurs. Le ton résolument adulte de l’ensemble, l’ambiance de fin du règne de l’homme est plutôt bien rendue et le style de Masaaki se prête bien aux excès que requiert le script (les corps se tordent et les couleurs pètent dans tous les sens). Certains plans sont d’une beauté et d’une poésie étonnantes (belle image d’une mort de démon à l’aube) et la bande originale est parfois aussi malaisante que l’image. Mais le problème est que la série semble vouloir traiter de sujets trop importants pour elle (qui est le plus monstrueux, l’homme ou le démon ?), multiplie des idées qui ne sont pas exploitées à leur juste valeur ou qui sont très mal gérées, à l’image du « réveil » de Ryo qui éclate littéralement de rage dans l’épisode 6 pour faire avancer l’histoire. Tout va trop vite, et on en vient à se dire que deux ou trois épisodes en plus n’auraient pas nui à l’ensemble, surtout dans la dernière ligne droite avec ce climax qui voit le destin de la Terre se régler en deux coups de poings et une explosion.

Devilman Crybaby n’est donc pas une série à mettre devant tous les yeux, de par son style graphique et son contenu adulte où se mêlent sexe parfois explicite et ultra-violence, et sa courte durée joue parfois en sa défaveur, mais elle reste cependant une excellente adaptation du manga original avec une réelle identité visuelle et thématique, et une vraie proposition originale dans le secteur de l’animation japonaise.

Romain Leclercq

Devilman Crybaby de Yuasa Masaaki. Japon. 2018. Disponible sur Netflix le 05/01/2018

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