Okinawa International Movie Festival 2019 – Jour 3 : Faraway so close

Posté le 21 avril 2019 par

Deux films japonais qui ont à voir avec l’Asie du Sud-Est, la Thaïlande et le Myanmar. Deux portraits de femmes, deux générations distinctes, deux récits, de fuite et d’attachement. Deux résultats.

La projection de My Country My Home, de Kyi Phyu Shin, aura eu le mérite d’identifier une actrice révélant sa jambe, réponse à une suite de discours de pontes locaux lors de la soirée d’ouverture, Wutt Hmone Shwe Yi. Elle tient le rôle d’une lycéenne née à Tokyo, croit-elle, et dont la famille vient du Myanmar. Menant une vie faite de leçons de pâtisserie et d’une passion dévorante pour une idole du « M-Pop » (?), elle vit avec un père veuf, patron de restaurant, ayant décidé que l’heure était venue pour un retour au pays, où il avait œuvré par la démocratisation. Voilà qui aurait constitué un véritable enjeu pour cette entreprise démagogique. Une fois sur place, accompagné d’un jeune serveur du restaurant, élu du père, fidèle aux traditions, elle se retrouve partagée entre le Myanmar en tant que lieu de vérité- à l’image des plans touristiques de temples et maisons de campagne- et sa passion pour le jeune chanteur, venu se produire dans le cadre d’un concert à la gloire de la nation, pourtant porteur d’une esthétique de variétés japonaises : coiffé comme un garçon de l’agence Johnny’s (1) et vêtu comme un chanteur de enka (2). Drame sentimentale dans lequel une musique des Andes accompagne des plans des montagnes du Myanmar, My Country My Home est une ode à la peur de ne pas se conformer.
Erica 38, de Hibi Yuichi, qui avait signé un documentaire honorable sur Takakura Ken, épargne cette mièvrerie à ce sujet, le Japon et le Sud-Est, en se penchant sur le récit de Watabe Satoko, véritable arnaqueuse de petite envergure repérée par une virtuose ayant fait fortune. Menée par la performance incendiaire de Asada Miyoko, le film s’appuie sur le modèle Citizen Kane. Un journaliste retrouve et s’entretient avec les victimes de Satoko, une femme séduisante ayant plus de soixante ans, en avouant trente-huit, plumant façon Ponzi + sexe chefs d’entreprises et époux fortunés, ainsi que leurs femmes qui lui envient une sensualité agissant  comme moteur de désir de richesses, plutôt que conséquence de celles-ci.
Tourné en numérique, Erica 38 y perd une part d’authenticité fourbe. Il reste cependant l’appétit du jeu de Asada, actrice d’une trempe que le Japon aurait peine à reproduire aujourd’hui. Star de feuilletons télé depuis les années 70 puis personnage de la série de films Nisshi Tsuribaka (Les Fous de la Pèche, vingt titres à ce jour), elle jouait l’épouse du pâtissier Nagase Masatoshi dans Les Délices de Tokyo de Kawase Naomi. Erica 38 est le dernier film de Kirin Kiki (elle apparaît également au générique parmi les producteurs du film), mère diminuée placée en maison en retraite avant que Satoko ne fuit vers la Thaïlande. Hibi Yuichi dévoile à travers les souvenirs de ceux qui ont trop perdu, la montée puis la chute érotisante de son héroïne, auprès d’un jeune amant thaï. Rattrapée par la police nationale qui l’extrade au Japon, son dernier acte consistera à négocier le prix de sa version du récit auprès du journaliste et de sa maison d’édition. Une jolie série noire qui propose une version plus immédiatement charnelle de ces êtres incarcérés croisés chez Kurosawa Kiyoshi (Bright Future) ou Kore-eda Hirokazu (The Third Murder).
1- Célèbre agence d’impressaris qui se spécialise dans les boys bands au Japon.
2- Chanson sentimentale qui connut son heure de gloire dans les années d’après guerre.

 

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