FFCP 2018 – ENTRETIEN AVEC LEE SEOK-GEUN POUR ON YOUR WEDDING DAY

Posté le 6 janvier 2019 par

Si la comédie romantique a le vent en poupe dans le cinéma occidental, il est tout autre en Corée du Sud, le genre trouvant son terrain d’expression surtout sur le petit écran. A l’exception d’un ou deux titres sortis chez nous par le biais de la distribution numérique, on ne connaît que peu de choses des us et coutumes romantiques entre hommes et femmes au pays du matin calme. Mais nous pouvons toujours compter sur les programmateurs du FFCP qui mettent un point d’orgue à dénicher les perles du genre chaque année. Ils nous ont gratifié cette fois ci du film On Your Wedding Day, premier film d’un scénariste passé à la réalisation. Bien que son film ne révolutionne pas les codes, il fait preuve d’une réelle maîtrise des codes et d’un ton suffisamment personnel pour qu’il nous interpelle. Rencontre avec le cinéaste Lee Seok-geun.

 

Vous avez déjà travaillé comme scénariste, pourquoi vous lancer dans la réalisation ?

J’avais en effet déjà travaillé en tant que scénariste et je m’étais essayé à plusieurs genres. J’avais plusieurs projets et j’avais envoyé les scénarios à des investisseurs. Il faut savoir qu’en Corée, pour avoir confirmation sur un projet, il faut que le casting soit déjà fait. Parmi les différents projets que j’essayais de monter, le premier dont le casting fut conclu fut celui de On Your Wedding Day. C’est la raison pour laquelle j’ai commencé ma carrière de réalisateur avec une comédie romantique. Une petite anecdote, j’étais justement en train de travailler sur la distribution d’un autre film, un projet de thriller, et j’ignore comment, mais l’actrice Park Bo-young est tombé sur le scénario de On Your Wedding Day, et elle m’a contacté pour me dire qu’elle souhaitait avoir le rôle principal, du coup le casting était calé pour ce film. En revanche, je n’avais pas d’acteur pour le personnage principal masculin. Du coup je me suis mis à faire mes recherches, et cela m’a pris deux ans pour le trouver. Pour manger, j’ai dû écrire deux scénarios pour d’autres réalisateurs, bien que je n’aime pas tellement ça. Il s’agit de Outlaws et The Bros tous deux sortis en 2017 et avec l’acteur Ma Dong-seok.

Park Bo-young

Maintenant que vous aviez votre actrice, quels étaient vos critères pour trouver l’acteur qui convienne le mieux ?

D’après ce que j’ai entendu autour de moi, les on-dit, concernant les jeunes acteurs, quand il s’agit de films romantiques ou les drames, c’est généralement pour le petit écran. Quand ils peuvent choisir leurs projets, ils ont plutôt tendance à choisir des films à gros budgets, de films historiques ou des films d’action et qui vont leur permettre de toucher de gros cachets. Du coup, pas mal ont décliné le rôle pour mon film. Dans le cinéma coréen le marché pour ce type de film est plus restreint, ce qui a eu tendance à les freiner à accepter un tel rôle.

L’alchimie entre les deux personnages principaux est l’un des ingrédients essentiels à toute bonne rom com. Qu’est-ce qui vous dissuadé de jeter votre dévolu sur l’acteur Kim Young-kwan ?

Quand on regarde de loin le personnage de Woo Yeon, il s’agit de quelqu’un de candide, enfantin et de très pur. Et en y regardant de plus près, il peut avoir un côté un peu lourdingue, notamment dans des scènes durant laquelle Seung-hee sort avec son copain. Et je souhaitais éviter au spectateur ce type de conclusion quant à son comportement. Et lorsque j’ai rencontré l’acteur Kim Young-kwan, et que nous avons discuté ensemble, je suis complètement tombé sous son charme. Il a un sourire tellement innocent que cela m’a persuadé que s’il interprétait le rôle de Woo Yeon, les spectateurs seraient conquis comme moi.

Pour l’acteur, c’était la première fois qu’il jouait un rôle principal, il avait pas mal de pression. Au bout du troisième jour alors qu’il devait jouer un lycéen en uniforme, je lui ai dit, alors que nous discutions autours d’un verre des scènes pour le lendemain, pour le rassurer que j’avais écrit le rôle pour lui et qu’il pouvait faire comme bon lui semble, j’en prenais l’entière responsabilité. A partir de là, il a pris confiance et s’est senti à l’aise dans son rôle et tout a roulé comme sur des roulettes.

Du coup, en tant que scénariste, quels sont les ingrédients pour faire une bonne rom com ?

J’avais une formule toute faite mais je l’ai oublié… laissez-moi réfléchir. (Plus tard) Je pense qu’il ne faut pas mettre sur un piédestal les personnages, il faut au contraire banaliser les situations pour toucher la vérité des sentiments.

Quelle était votre approche pour vous différencier des autres films du genre ?

Quand j’ai écrit ce scénario il m’a fallu longtemps pour arriver à la version définitive, j’ai dû en écrire pas loin d’une trentaine. Je demande l’avis de mon entourage et j’essaie de tenir compte des conseils de chacun, savoir quelle direction prendre. En prenant un peu de recul, je me suis rendu compte que chacun pense que sa propre histoire est particulière et incroyable et que lorsque l’on écoute celle des autres on a tendance à la banaliser. En ce qui concerne celle de deux protagonistes Woo-Yeon et Seung-hee, je ne voulais pas que l’on dramatise à outrance, que l’on se dise que c’est une histoire d’amour exceptionnelle, au contraire je voulais quelque chose de commun, de très réel. Dans la scène dans laquelle il se fait attraper par le col par la propriétaire de la pension, je ne voulais pas de personnages qui la ramènent, au contraire chacun vaque à ses occupations et c’est à mon avis un comportement plus naturel. Tout comme cette scène où ils pêchent entre potes. Ils veulent de réconforter eux-mêmes, et se moquent finalement des problèmes de leurs amis, ils sont égoïstes.

J’avais décidé au préalable avec mon directeur photo, pour les scènes où l’on voyait le couple d’amoureux à l’écran, afin d’éviter de magnifier ces situations, de ne pas faire de gros plans, sauf lorsque je voulais faire ressortir les sentiments, alors là j’en mettais.

Il y a une réelle rupture de ton entre la jeunesse traitée avec une certaine insouciance et le côté plus réalise de la relation à mesure que les personnages grandissent.

Il y a clairement quatre parties distinctes dans le scénario. D’abord le lycée puis l’université, après l’armée et l’entrée dans le monde professionnel. Je ne voulais pas qu’il y ait de rupture de tons pour chacun de ces parties à cause des ellipses, je ne voulais pas apporter de confusion dans la compréhension du récit. J’ai préféré les suggérer par l’utilisation de filtres caméras différents.

Pourquoi avoir choisi cette fin ?

Dans une précédente version, Woo Yeon prend le train et descend une station avant. Il ne va pas jusqu’au bout. Il finit par appeler Seung-hee pour lui souhaiter tous ses vœux de bonheur. Et c’est ce qui se passe en général dans la vie. On ne se pointe pas au mariage de son ex comme ça. La fin que l’on voit dans le film est vraiment ce que je pense. Lorsque l’on présente sa version aux investisseurs, ils s’attendent à du bon gros drame, où a lieu une rencontre des deux personnages et de conclure sur une fin heureuse. Cette fin était pour moi ma dernière limite. J’étais prêt à faire des concessions jusque-là, mais pas plus. C’est donc celle que j’ai présentée et je n’ai jamais pensé qu’elle était triste.

A la veille de la première du film, on avait fait un appel d’offres pour proposer un autre titre que On Your Wedding Day, parce qu’aux projections tests beaucoup de spectateurs s’attendaient à une fin différente, et l’on pensait que cela déflorait un peu trop le film. Mon but n’était pas de montrer que les deux personnages n’allaient pas finir ensemble, au contraire, je voulais montrer pourquoi ils se sont séparés et en sont arrivés là. Pour moi il n’y avait pas d’autres titres possibles. Et lorsque l’on a lancé le débat, aucun autre ne m’a convaincu, nous l’avons donc gardé.

Que pensez-vous de l’industrie du cinéma coréen contemporain ?

Il y a plusieurs tendances actuelles dans le cinéma coréen, d’un côté des films à petits budgets tournés de façon indépendante, et de l’autre des films à gros budgets commerciaux. Et c’est ce qui un peu dommage aujourd’hui, on a tendance à avoir plusieurs pointures au sein de la même production alors qu’avant on montait un projet avec une tête d’affiche. Cela permet de draguer des budgets plus conséquents et de mieux se placer sur les marchés d’été et d’hiver et d’obtenir le maximum de salles possibles et de faire les meilleurs scores. Tous les réalisateurs, moi y compris, sommes conscients de cette tendance, on se pose la question pour nos prochains films si nous devons ou pas accepter ce jeu-là.

Propos recueillis par Martin Debat à Paris le 05/11/2018.

Traduction : Ah-ram Kim.

Remerciement : Maxime Laurent, Marion Delmas, ainsi que toute l’équipe du FFCP

On Your Wedding Day de Lee Seok-geun. Corée. 2018. Projeté lors de la 13e édition du Festival du Cinéma Coréen à Paris.

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