PIFFF 2018 – Punk Samurai Slash Down d’Ishii Gakuryu : Romantist

Posté le 15 décembre 2018 par

Ishii Sogo que l’on doit maintenant appeler Ishii Gakuryu est la figure punk du cinéma japonais et nous propose une nouvelle œuvre par ce prisme. Punk Samurai Slash Down, projeté lors de la 8e édition du PIFFF, est une œuvre iconoclaste et singulière à l’image de son créateur. Et elle nous rappelle une bonne fois pour toute que s’il y a bien un « fou filmant » au Japon, ce n’est peut-être pas celui qu’on croit.

Kake Junoshin (Ayano Go) est un ronin, un samouraï errant. Il tue par bêtise un homme faisant la manche. Pour justifier son acte, il crée un ensemble de mensonges qui va tisser la toile fictionnelle du métrage et déterminer la destinée de ses protagonistes. Le cinéaste nous propose une œuvre qui se construit à travers l’absurdité et une sorte de métafiction. L’œuvre ne raconte rien si ce n’est elle-même, du moins a priori. La première heure du métrage est une succession de gag répétitifs, de twists incongrus et de flashbacks autotéliques qui semblent mettre en scène des jeux de pouvoir. Le cinéaste parodie le chanbara et sa monstration des fonctionnements politiques en poussant sa mise en scène et son montage à en montrer la vacuité. C’est d’autant plus intéressant que Ishii Sogo avait déjà tenté de détourner les codes de ce même genre il y a plus d’une décennie avec Gojoe. La variation se situait dans les combats qui devenaient des affrontements spirituels avec la fameuse scène du combat psychique jusqu’à un final cosmique. Ici, le cinéaste pousse l’ensemble des éléments symboliques du genre au maximum pour en dévoiler l’absurdité. C’est dans cette volonté de détruire de l’intérieur le genre que le cinéaste sabote sa propre œuvre dans la deuxième partie du film, à dessein.

La seconde partie du métrage met en scène les conséquences démentes de la première et mène le métrage vers son autodestruction dans un grand mouvement opératique. Mais c’est d’un opéra punk dont il s’agit. Ainsi les images d’Ishii à l’aide des outils deviennent des tableaux de la folie du monde. Il signe un rejet de toutes les conventions jusqu’à la logique. Comme dans ses premiers métrages (Burst City ou Crazy Thunder Road), l’énergie du mouvement, des couleurs, de la lumière, de l’image prend le pas sur une cohérence narrative qui serait vue comme convenue. Il y a une multiplication des effets à tous les niveaux qui vient même pousser le cinéma d’Ishii jusqu’à l’abstraction. Comme si l’on passait du punk au noise, de l’énergie destructrice à l’organisation du chaos. Ainsi, même si les effets sont parfois désagréables ou trop évidents, l’œuvre se laisse apprécier par ceux qui ne cherchent plus à la comprendre.

A l’instar de la révélation finale aussi juste dans les codes du genre que fausse dans sa représentation de l’injustice à travers une telle œuvre, le cinéaste punk tente d’intégrer une folie épiphanique dans un genre et une industrie qui fonctionnent sans âme. Et si les autres cinéastes de son rang ont peut-être baissé les bras, comme Miike Takashi, Ishii Sogo/Gakuryu nous montre une nouvelle fois que le cinéma, même à ce niveau, reste un espace de liberté voire de poésie.

Kephren Montoute.

Punk Samurai Slash Down d’Ishii Gakuryu. Japon. 2018. Projeté lors 8e édition du PIFFF.

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