Festival du Cinéma Chinois en France 2017 : le bilan

Posté le 8 juillet 2017 par

La 7e édition du Festival du Cinéma Chinois en France (FCCF) s’est tenue du 15 mai au 6 juin à Paris puis a voyagé en province jusqu’au 27 juin, afin de faire découvrir le cinéma chinois au plus grand nombre. Un festival qui a toujours su se montrer intéressant au fil des années, mais qui a nous livré sa meilleure édition en 2017 avec une programmation variée présentant des films aussi riches que surprenants !

Officiellement, le FFCF, événement franco-chinois, a pour objectif de permettre au public français de découvrir la richesse et la diversité du cinéma chinois d’aujourd’hui avec la présentation d’une dizaine de films très récents, tous inédits en France et tous sortis dans les salles chinoises, et ce afin de permettre aux spectateurs d’apprécier les productions chinoises, et ainsi de mieux connaître le pays et sa culture. La programmation inclut tous les genres (films d’auteur, blockbusters, films d’action, drames, comédies romantiques, films d’histoire…). Ce panorama représente en quelque sorte un « best of » global de la production chinoise du moment. Pourtant, ces dernières années, on avait plutôt l’habitude de voir une flopée de blockbusters tous plus ou moins ratés et un ou deux films d’auteur, pas forcément de meilleur qualité. En 2017, il en est autrement !

Avec 11 films présentés cette année, le festival a su diversifier les genres tout en restant exigeant sur la qualité des longs-métrages. Evidemment, il y a eu quelques ratés, comme dans tout festival. Mais l’essentiel de la programmation a certainement su faire passer de bons moments aux spectateurs.

De l’action

 

On commence par ce que les Chinois font le plus : des films d’action ! Les blockbusters ont composé, encore une fois, une bonne partie de la programmation du festival. Tant mieux car on a pu enfin découvrir ces long métrages dont on vous parle tant sur East Asia ! Le problème avec les blockbusters chinois, c’est qu’ils sont souvent assez moyens. Mais ils n’en demeurent pas moins un petit plaisir coupable ! Trois films pouvaient véritablement entrer dans cette catégorie cette année. Commençons par le nouveau film de Tsui Hark, Journey to the West: The Demons Strike Back. Suite du premier opus réalisé en 2013, ce film bénéficie de la présence d’un autre cinéaste que nous apprécions fortement, Stephen Chow (The Mermaid). Film épique, Journey to the West a été réalisé dans le but d’être projeté en 3D. Malheureusement, nous n’avons pu le découvrir qu’en 2D. Et bien que le film soit assez inégal et donne l’impression d’une compilation de deux films – un de Tsui Hark et un de Stephen Chow -, le résultat est plutôt jouissif. C’est souvent lourdingue et caricatural mais ça envoie du bois ! Quelques scènes sont tout bonnement impressionnantes et on aurait aimé pouvoir les découvrir en 3D. Une projection un peu frustrante mais qui ne l’empêche pas d’être fort distrayante.

Deuxième film d’action et celui-là, il est badass ! Il s’agit d’Operation Mekong de Dante Lam (The Viral Factor) avec l’éternel Eddie Peng au casting. Inspiré de faits réels, Operation Mekong se déroule dans le « Triangle d’Or », sur les territoires du Myanmar, du Laos et de la Thaïlande, connu comme étant l’une des principales zones mondiales de stupéfiants. Là, deux navires marchands chinois sont arraisonnés par des trafiquants et leur équipage exécuté. Le gouvernement chinois réagit en envoyant un groupe de policiers d’élite. Bourrin et ultra excessif, Operation Mekong peut être un partie de plaisir si on laisse son cerveau à l’entrée de la salle de cinéma. Dante Lam se permet tout, que ce soit des scènes de course poursuite en voitures à des séquences à plusieurs explosions à la seconde, sans oublier de mettre en scène des enfants drogués prêts à tout pour gagner quelques sous. Après quelques moments où l’on reste scotché à son siège, on se surprend à sourire voire à rire franchement face à tant d’absurdité dans la mise en scène (bonjour les faux raccords). Bref c’est fun mais objectivement, ça ne vole pas très haut.

Dernier blockbuster au programme : l’attendu Call of Heroes réalisé par Benny Chan (The White Storm) avec… on vous le donne en mille… Eddie Peng mais aussi Lau Ching-wan (La Vie sans principe) et Louis Koo (Drug War). Pour ce film, on revient au début du XXe siècle, alors que la Chine est divisée et les seigneurs de la guerre se battent entre eux. Shaolin, le cruel et caractériel fils du seigneur Cao, de passage dans le village de Pucheng, assassine de sang-froid un groupe d’innocents. Arrêté par la milice du village, son chef Yang l’incarcère, décide de le faire juger et de l’exécuter. Zhang Yi, colonel de l’armée du seigneur Cao, apprenant la nouvelle, se rend immédiatement à Pucheng, ordonnant la libération immédiate du prisonnier. Zhang rencontre Ma Feng, qu’il connaît car ils ont appris les arts martiaux ensemble. Ma est déterminé à aider Yang à garder l’assassin sous les barreaux. Véritable film d’action, Call of Heroes a la chance d’avoir eu ses scènes de combat chorégraphiées par le grand Sammo Hung. Rien que pour ça, il mérite d’être vu sur grand écran. Film typiquement hongkongais, Call of Heroes pâtit pourtant de nombreuses longueurs, d’effets spéciaux souvent ratés et d’acteurs très agaçants. Un film à regarder pour les fans du genre.

Chongqing Hot Pot se distingue des précédents longs métrages cités. Ce n’est absolument pas un blockbuster ni réellement un film d’action. Comédie noire, Chongqing Hot Pot est le deuxième film de Yang Qing. A Chongqing, trois amis sont copropriétaires d’un restaurant à fondue situé dans un ancien abri antiaérien de la ville. La faillite est proche car le restaurant n’a plus de clients mais un acheteur potentiel estime que le restaurant est trop petit. Les trois amis décident de faire les travaux eux-mêmes et se retrouvent, en creusant, dans la salle des coffres d’une banque voisine. Ils découvrent rapidement qu’une ancienne camarade d’école travaille dans cette banque. Celle-ci leur propose un plan diabolique qui leur permettra non seulement de ne pas laisser de traces de leur passage mais également de dérober l’argent. Drôle, Chongqing Hot Pot est également touchant, de par la relation qui lie les trois protagonistes. Certes, le film manque d’originalité mais il est rythmé, bien mené et surtout sincère, ce qui fait du bien après plusieurs blockbusters qui manquent parfois de subtilité.

Enfin, on a pu aussi découvrir The Wasted Times de Chang Er, un film d’époque de plus de 2h. A Shanghai en 1937, à la veille de l’attaque japonaise, l’homme d’affaires et chef de la pègre Lu et son associé Zhang sont approchés par des représentants des autorités militaires japonaises afin de coopérer à l’ouverture d’une banque. Lu s’y oppose et les Japonais décident de le faire supprimer. Il est sauvé par son beau-frère qui se sacrifie pour lui mais toute sa famille est massacrée. Il est un peu difficile de s’exprimer sur ce film. En effet, les conditions de projection n’étant pas idéales (soucis de sous-titres) et le film étant extrêmement complexe dans sa narration, on peut affirmer sans trop de difficulté qu’on n’a absolument rien compris. C’est un souci en soi puisqu’un film, aussi sophistiqué soit-il, est simplement raté s’il n’est pas compréhensible. Il n’en reste pas moins que la réalisation est soignée et, surtout, que Tadanobu Asano (Harmonium) et Zhang Ziyi (The Grandmaster) tiennent les rôles principaux.

Des larmes

Le cinéma chinois, c’est aussi de l’émotion, de la tristesse à la joie. Le point commun ? Des petites larmes qui pointent le bout de leur nez. Bon, parfois, ce n’est pas le cas même si c’est l’objectif du film.

Commençons donc par le plus larmoyant film du programme, Mountain Cry. Troisième long métrage de Larry Yang, Mountain Cry se déroule au cours des années 1980, dans un village isolé de la province de Shanxi. Hong Xia, une jeune femme muette vit avec ses deux enfants et son mari violent dans une maison isolée à flanc de montagne. Celui-ci est tué lors d’un accident survenu dans la forêt. Han Chong, accusé d’être responsable de cette tragédie, doit subvenir aux besoins de la veuve jusqu’au versement d’une compensation financière. Celle-ci, muette et hantée par des drames de son passé, se verrait bien refaire sa vie avec lui. Mountain Cry est un beau mélodrame qui, bien que souvent tire-larmes, n’en demeure pas moins très touchant. L’actrice principale, Lang Yueting, est splendide dans ce rôle de femme muette traumatisée par son passé. Se déroulant dans l’arrière-pays, loin de l’agitation urbaine, le film semble être touché d’une certaine intemporalité qui rend son propos universel. Une très belle surprise. On espère revoir rapidement ce réalisateur que l’on ne connaissait pas.

On change de registre avec Book of Love de Xue Xiaolu qui n’est pas un mélodrame mais une comédie romantique. Suite de Beijing Meets Seattle sorti en Chine en 2013, Book of Love met en scène Jiao Ye, hôtesse de casino à Macao. Daniel, lui, est agent immobilier à Los Angeles. Sans se connaître, ils vont échanger une correspondance de plus en plus assidue grâce à un mystérieux livre. Au fur et à mesure que le temps passe, ils vont s’entraider, s’épauler et devenir très proches, jusqu’au moment où les lettres leur sont retournées. Ils souhaitent alors se retrouver pour en comprendre la raison. Le seul indice à leur disposition est le titre du livre. Parviendront-ils à se rencontrer ? Avec le souvenir des comédies romantiques chinoises que nous avions en tête, nous étions très frileux à l’idée de visionner Book of Love. Et bien, force est de constater que la Chine est capable de réaliser ce genre de films sans nous provoquer du diabète. Plutôt mignon, Book of Love respecte les codes de la comédie romantique. Certainement un peu trop pour parvenir à être un film intéressant et original. Mais on ne passe pas pour autant un mauvais moment. On rigole parfois, et les plus sensibles seront peut-être émus.

On termine par une comédie de mœurs, Mr. No Problem, premier film de Mei Feng, qui ne déclenchera pas des larmes de tristesse mais plutôt l’inverse. Enfin, si vous arrivez à tenir devant un film en noir et blanc qui dure plus de 2h20. En 1942, pendant la guerre sino-japonaise, le domaine agricole de Shuhua situé près de Chongqing est dirigé par Ding. Il a été embauché par la famille Xu, propriétaire du domaine avec l’homme d’affaires Tong afin de le faire fructifier. Le domaine n’est pas rentable et Ding, se sentant menacé, feint de redoubler d’efforts. ll est remplacé mais le cours des événements le voit revenir et comme précédemment, le domaine d’apparence prospère, continue de perdre de l’argent. Mr. No Problem se distingue réellement par une belle mise en scène en noir et blanc et tout en plans séquence. Malheureusement, une technique soignée ne peut se suffire à elle-même. Les personnages ont beau être intéressants voire attachants, on s’ennuie ferme pendant tout le film. Les rares moments d’éveil sont amenés par le personnage de l’artiste, qui est franchement drôle.

Du rêve

Comme on a déjà pu le voir, le cinéma d’auteur est fortement représenté lors du FCCF. Une fois n’est pas coutume, certains films, plus confidentiels, nous ont fait voyager au pays des rêves.

L’animation chinoise, pourtant très réputée dans les années 50-60 grâce à la création des studios de Shanghai, avait peu à peu perdu de sa superbe. En tout cas, en Occident, on ne la connaît pas. Cette année, le festival a décidé de changer la donne en projetant Big Fish & Begonia de Liang Xuan et Zhang Chun. Inspiré de nombreux classiques taoïstes, cet animé a été révélé cette année en France par le biais du FCCF mais aussi en étant en compétition au Festival d’animation d’Annecy. Le film suit Chun, être céleste qui doit s’occuper des bégonias. À ses 16 ans, elle est envoyée dans le monde des humains sous la forme d’un dauphin afin d’accomplir son rituel de passage à l’âge adulte. Kun, un humain, lui sauve la vie, mais perd alors la sienne. Avec l’aide de son ami Qiu, elle essaie de ranimer l’esprit de Kun afin de le remercier de l’avoir sauvée. Malgré une influence flagrante du studio japonais Ghibli, Big Fish & Begonia se détache de ce dernier en puisant dans la culture chinoise. Une poésie certaine se dégage de l’ensemble teintée de sensualité qui fait du film une très bonne surprise.

Autre film et autre dimension poétique : Crosscurrent, de Yang Chao. Merveille esthétique, Crosscurrent met en scène Gao Chun qui remonte le Yangtze à bord d’un bateau de marchandises. Tout au long du voyage, il rencontre de nombreux symboles représentant la Chine d’hier, d’aujourd’hui et de demain. Il trouve également un livre de poésie et réalise bientôt que son voyage est le même que celui de l’auteur des poèmes. A chaque escale, Gao Chun retrouve une femme qu’il croit avoir aperçue précédemment. Visuellement, le film est sublime. Il faut avouer que le réalisateur est aidé par la beauté naturelles des paysages chinois. Mais au-delà de cette facilité, il arrive à faire voyager le spectateur dans ce pays immense à la culture millénaire. On se laisse prendre au jeu de ce voyage sur le Yangtze même si on ne comprend pas tout. Ce n’est pas bien grave, Crosscurrent est un poème à lui tout seul.

Enfin, il est temps de parler du dernier film de la programmation qui, a priori, n’entre dans aucune des catégories ci-dessus : I Am Not Madame Bovary de Feng Xiaogang. C’est d’ailleurs le seul film de la sélection à bénéficier d’une sortie en salles. Avec la merveilleuse Fan Bingbing au casting, le film suit Li Xuelian et son mari Qin Yuhe, qui simulent un divorce pour obtenir un second appartement. Six mois plus tard, Qin se marie à une autre femme. Abandonnée et bafouée, Li se lance dans une quête de justice qui va durer des années. I Am Not Madame Bovary est extrêmement travaillé visuellement, notamment dans le choix des formats et du cadre. En effet, les scènes sont cadrées en cercle ou en carré suivant où se trouve l’héroïne. Cette originalité, assez bluffante, est à remarquer. Feng Xioagang construit donc intelligemment ses images avec une photographie sublime et des compositions qui font écho à la peinture chinoise pour montrer que cette vision enferme son héroïne alors qu’elle vit dans une certaine modernité. Le poids de la tradition réduit et définit la vision du monde dans lequel Li Xuelian est emprisonnée. Sans oublier que la performance de Fan Bingbing apporte une autre dimension au film. Véritable icone dans son pays, l’actrice se fond pleinement dans le rôle de cette paysanne qui prend alors l’aura d’une figure féministe contemporaine.

Le Festival du Cinéma Chinois en France est bel et bien terminé. Cette édition, meilleure que les précédentes, nous fait espérer le meilleur pour la suite !

Elvire Rémand.

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