En 2012, le cinéaste coréen Jung Byung-gil écrivait et réalisait Confession of Murder. Le film, qui a reçu le prix thriller du Brussels International Film Festival 2013, est sorti en DVD en 2014. Mais il continue visiblement à faire parler de lui, puisque le Japonais Irie Yu décide d’en réaliser un remake en 2017. Nommé Memoirs Of A Murderer, il est sélectionné pour le prix thriller du BIFFF 2017 et diffusé en première mondiale mais, contrairement à l’original, il repart sans le prestigieux prix, le jury lui préférant At The End Of The Tunnel de Rodrigo Grande.
Confession of Murder raconte comment un tueur en série réussit à éviter d’être pris, en disparaissant pendant de nombreuses années sans commettre un seul crime. Le délai de prescription des meurtres arrivent et, dès le lendemain, le tueur refait surface, non pas en assassinant de nouveau, mais en livrant une conférence de presse pour accompagner la sortie de son livre racontant ses méfaits et comment la police n’a jamais su l’attraper. Les forces de l’ordre sont sur les dents, les familles des victimes dépassées, et tout le monde veut mettre à mal le criminel. Confession of Murder dispose d’une scénario solide, mais n’arrive jamais à choisir entre le thriller sombre et le film d’action tendance humoristique, et les deux genres se concilient assez mal.
Irie Yu n’en est pas à sa première réalisation quand il décide de se réapproprier cette histoire, qu’il co-scénarise avec Hirata Kenya. Décidant de s’approprier le récit, d’une part pour l’assombrir et le rendre bien plus sobre, mais aussi pour l’adapter à la société japonaise, le réalisateur s’éloigne complètement de son modèle pour livrer une œuvre qui, certes, rappelle Confession of Murder, mais possède sa propre identité. Il enlève des séquences complètes (l’enlèvement du tueur, l’utilisation d’arbalètes) pour livrer un film très personnel, offrant plus une relecture de l’original qu’un remake.
Memoirs Of A Murderer est extrêmement sobre dans sa réalisation et son jeu d’acteur. Magnifiant le tueur en série charismatique lors de nombreuses scènes (la conférence de presse en particulier, lors de laquelle le réalisateur joue sur les ombres et les poses de son personnage pour le rendre aussi charismatique qu’inquiétant), Irie Yu repose son film sur le jeu d’acteur et sur une ambiance poisseuse et dérangeante qui colle à la peau des spectateurs. Ces derniers assistent à l’ascension d’un tueur en série profitant de ses crimes pour gagner de l’argent, voyant le policier qui a mis tant d’énergie à le traquer (d’autant plus que le meurtrier a tué sa sœur) obligé de le protéger.
Tendu d’un bout à l’autre, le film se révèle épuré, ne déviant jamais des thématiques instaurées par le réalisateur. Les dérives de la justice, la recherche du scoop à tout prix, le pouvoir de l’argent sur l’éthique sont au cœur de Memoirs Of A Murderer, et Irie Yu s’amuse à manipuler le spectateur, englué dans l’obscurité ambiante, jusqu’à son twist final.
Bien entendu, les familiers de l’original connaissent le retournement de situation qui clôt le film, mais cela n’empêche pas d’apprécier Memoirs Of A Murderer, qui se révèle supérieur à l’original. Irie Yu, contrairement à Jung Byung-gil, a une vision claire de la direction qu’il veut prendre, et fait immédiatement un choix, en oubliant l’humour et l’action outrancière sortant le film de la crédibilité. Au contraire, l’œuvre d’Irie Yu est toujours extrêmement crédible, et ne dévie jamais des choix faits par son réalisateur.
Yannik Vanesse.
Memoirs Of A Murderer, d’Irie Yu (2017). Vu lors de la 35ème édition du Brussels International Fantastic Film Feestival.