ENTRETIEN AVEC NAKAMURA MAYU POUR SON DOCUMENTAIRE ALONE IN FUKUSHIMA (MCJP)

Posté le 16 avril 2016 par

2016, triste année anniversaire.Cela fait déjà cinq ans que la catastrophe de Fukushima a laissé à l’abandon l’une des plus belles régions agricoles du Japon. Afin de rappeler combien ce désastre écologique et humain affecte le pays et nos modes de vie, la Maison de la Culture du Japon à Paris a invité la cinéaste Nakamura Mayu à présenter Alone in Fukushima. Un ducumenaire aussi touchant qu’effrayant qui fait la lumière sur Naoto, personnalité bien connue des médias occidentaux, présenté comme le dernier homme vivant dans la zone contaminée.

Vous avez fait vos études supérieures à Columbia. Qu’est-ce qui vous a conduit à faire des études dans l’audiovisuel ? Et pourquoi aux États-Unis ?

C’est une bonne question. Je suis allée au lycée puis à l’université à Londres. Je suis passionnée de cinéma depuis mon plus jeune âge, et j’ai toujours souhaité en faire mon métier. J’ai commencé mes études d’audiovisuel en Angleterre et je souhaitais intégrer une célèbre école de cinéma, mais mes parents étaient contre. Je suis partie à Columbia aux États-Unis étudier la littérature britannique, avec leur consentement. Je ne voulais pas rentrer au Japon. Après mon cursus, j’ai commencé à apprendre les métiers du cinéma par moi-même. Je pensais rentrer à l’université de New York et j’ai débuté ma carrière là-bas. Et puis je suis enfin revenue au Japon il y a 13 ans de cela.

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Mayu Nakamura

Vous avez d’abord travaillé pour la télévision japonaise. Quel fut votre parcours ? Et en quoi ces années à la NHK furent-elles formatrices ?

Je suis rentrée au Japon dans le but de réaliser un film de fiction. J’ai d’abord écrit le scénario à Kyôto, et nous avons ensuite débuté le tournage. Une fois le long métrage terminé, je voulais enchaîner sur un autre projet de film. Seulement, il est très difficile de produire une fiction, cela coûte très cher. J’ai intégré l’équipe de NHK World, qui est une chaîne de télévision publique japonaise, ils ont une filiale mondiale qui émet à l’étranger. Puisque je parlais couramment l’anglais, j’ai été promue à la rédaction du journal d’informations. Mais je ne me suis pas tellement plu à ce poste. J’ai alors commencé à réaliser des documentaires sur mon entourage et mes rencontres. Il y a trois ans de cela, j’ai réalisé un documentaire sur les immigrés nippo-brésiliens au Japon. Je ne sais pas si vous êtes au courant, beaucoup de Japonais se sont rendus autrefois au Brésil, et certains de leurs descendants sont revenus sur leurs terres d’origine pour travailler dans les usines. J’ai suivi des adolescents, enfants de ces immigrés. Puis j’ai voulu faire un film sur Fukushima. J’ai d’abord réalisé un sujet pour la télévision sur le désastre du tsunami à Tohoku à l’Est du Japon. Durant mes recherches, j’ai appris la nouvelle concernant Naoto. Son histoire fut largement relayée par les médias étrangers surtout aux USA et en Europe. En revanche, cette nouvelle fut passée sous silence dans les dépêches japonaises. C’est en 2013 que j’ai eu vent de son histoire, soit deux ans après la catastrophe. Je me demandais pourquoi les instances journalistiques de mon pays ne l’avaient pas couverte, il s’agissait pourtant de l’unique personne restée vivre dans la zone de contamination. J’ai alors proposé à mes producteurs de raconter son quotidien, mais ils ont refusé prétextant des questions de sécurité, et d’assurances en cas d’exposition aux radiations. Pour ma part, je pense que ce qui justifie leurs réticences est qu’ils ne veulent pas montrer une personne capable de survivre sur ces terres abandonnées. J’ai décidé de le réaliser par mes propres moyens. Je n’avais pas d’argent, ni le temps pour monter un budget, les choses évoluent très vite. Je possède une caméra, j’ai donc loué une voiture et je suis partie seule à la rencontre de M. Naoto. J’ai passé huit mois là-bas, de l’été 2013 au printemps 2014. Je me rendais sur place une à deux fois par mois. Je ne couchais pas dans la zone sinistrée, il n’y a pas d’eau courante, d’électricité. Je me suis installée dans une ville à proximité.

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Naoto

 

Comment en êtes-vous arrivée à la réalisation d’une fiction ? Votre premier film The Summer of Stickleback a fait sa première au festival de Busan en 2006. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ? Comment fut-il reçu ? Comment avez-vous vécu cette première expérience comme réalisatrice au cinéma ?

Il s’agit d’une idée originale. J’ai écrit le scénario. Il s’avère que j’ai grandi à Kyôto de l’âge de six à douze ans. Je voulais raconter une histoire qui se déroule dans cette ville. Elle raconte un épisode de la vie de cette jeune fille que j’ai connue. Ce n’est pas autobiographique. Ses parents sont issus de la génération contestataire des années 60. Le phénomène s’est produit un peu partout dans le monde, de même que chez nous, avec ces groupes d’étudiants qui se réunissaient dans la rue pour protester contre le gouvernement. Il s’agit de la génération de mes parents, et ces derniers ont participé à ces émeutes. Je voulais raconter le point de vue d’une adolescente qui a grandi au sein d’une famille issue de la contre-culture. Des parents à la fois très libéraux mais aussi très égoïstes, ils divorcent et ont chacun leurs petites aventures chacun de leur côté. C’est un peu une comédie générationnelle. Je tenais à le filmer à Kyôto, ville reconnue dans le monde comme l’ancienne capitale avec tous ses temples et ses sanctuaires. Mais quand vous y vivez, vous ne les visitez pas. Je ne souhaitais pas montrer la facette touristique, j’ai filmé au bord de la rivière Kamo-Gawa, elle traverse la ville. Les enfants, comme les amoureux, passent beaucoup de temps sur les berges. C’est dans ces lieux que prend place mon histoire, dans le quotidien des habitants de Kyôto. Il s’agissait d’un film à petit budget. Nous avons reçu de l’aide du gouvernement au travers de la Japon Foundation. Nous avons tourné le film en tout juste deux semaines. J’étais assisté à l’image par le chef opérateur Yamazaki Yukata qui collabore depuis des années aux films de Kore-Eda Hirokazu. C’est un cameraman de documentaire très réputé. Il est relativement âgé, c’est un touche-à-tout, il est à la fois auteur, réalisateur, technicien. Il a une manière très personnelle de travailler l’image. En raison de son expérience dans le documentaire, il est rapide, efficace, il utilise peu de projecteurs, il travaille en lumière naturelle. C’était très instructif de travailler à ses côtés, il m’a beaucoup appris.

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The summer of stickleback (2006)

Vous avez ensuite réalisé le documentaire Lonely swallows: Living as the children of immigrant workers. Pourquoi vous êtes-vous tournée vers le documentaire ? Pourquoi avoir choisi le sujet de la communauté des Nippo-brésiliens ?

En 2008, on fêtait le centenaire du partenariat entre le Japon et le Brésil, et de cette vague d’immigration. Il y a une communauté très importante à Hamamatsu. C’est une ville ouvrière, on y trouve beaucoup d’usines de l’industrie automobile japonaise (Honda, Suzuki…). Beaucoup de Japonais brésiliens sont venus trouver du travail dans ce secteur. J’ai rencontré ces adolescents qui sont les enfants issus de cette vague d’immigration. Ils ont grandi au Japon, ils sont bilingues, ils sont intelligents mais n’ont pas de débouchés dans les études. Contrairement aux enfants japonais qui sont obligés d’aller à l’école jusqu’au lycée, à l’âge de 16 ans, ces enfants quittent le système éducatif assez tôt. Je fus surprise de voir des jeunes d’à peine 15 ans travaillant dans des usines. C’est de l’exploitation de mineurs. Mais le ministère de l’Éducation nationale a décrété que c’était toléré en vertu de leur origine car ils ne sont pas considérés comme Japonais. Ce sont des jeunes passionnants, ils ont beau avoir une vie difficile, ils sont très courageux, J’ai commencé à les filmer, pensant réaliser un documentaire à leur sujet. Aux alentours de septembre 2008 a eu lieu la grande récession économique. Leurs parents furent limogés de leurs emplois, ils n’avaient plus de travail et ils furent encouragés par les autorités à retourner dans leur pays. Ils reçurent même une indemnité d’environ 300 euros pour le voyage retour. Le gouvernement japonais voulait se débarrasser d’eux. Tous ces jeunes qui grandirent au Japon, durent rentrer au Brésil, et bien qu’ils parlent les deux langues, ils n’ont jamais fait d’études en portugais. Ils ont eu beaucoup de mal à s’accommoder à ce nouveau mode de vie. J’ai commencé mes prises de vues en août, un mois tout juste avant la récession, et 6 mois après ils sont tous rentrés chez eux. J’ai donné aux jeunes que je suivais pour mon documentaire de petites caméras bon marché pour qu’ils filment leur quotidien. Un an et demi après, j’ai eu des aides de la part de la Japan Foundation, je suis allée à la rencontre de 5 de ces jeunes au Brésil. Certains vivaient dans la région de Sao Paolo, et d’autres ailleurs. Je leur ai rendu visite pendant une à deux semaines. Je voulais constater comment ils s’adaptaient. Ils ont eu des moments difficiles. Une fois de retour au Brésil, ils ont dû réintégrer l’école. Ce ne fut pas évident pour eux, en raison de la langue. Beaucoup d’entre eux ont terminé leurs études universitaires. Ce fut en un sens bénéfique pour eux. S’ils étaient restés au Japon, ils n’auraient pas eu les mêmes opportunités, ils auraient dû aider leurs parents au travail. L’un de ces jeunes décida tout de même de revenir travailler au Japon. Il ne s’est pas plu dans sa nouvelle vie au Brésil, les inégalités sociales y sont plus flagrantes. Au Japon, même un ouvrier dans une usine peut vivre décemment. Il s’est donné du mal pour réunir l’argent afin de revenir travailler dans les usines japonaises.

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Lonely Swallows: Living as Children of Migrant Workers (2012)

Comment le film fut-il accueilli ?

Le film est sorti en salles au Japon dans 14 ou 15 cinémas à travers le pays. Il fut aussi projeté à Londres, New York, Sao Paolo bien sûr. Les jeunes que j’ai suivis et les membres de cette communauté nippo-brésilienne sont venus assister aux projections. Les retours furent élogieux.

La récompense au Festival du film brésilien et sa diffusion sur 13 écrans au Japon vous a-t-il facilité la tâche pour financer vos films suivants ?

Pas forcément. L’avantage fut d’avoir des projections en présence de membres du gouvernement japonais responsables de l’immigration dans le pays, et les jeunes nippo-brésiliens du film. Cela a permis un dialogue entre les deux partis et d’échanger les différents points de vue. Ce qui a conduit à certaines améliorations, notamment pour cette quatrième génération de Nippo-brésiliens. Ils furent autorisés à rester sur le sol japonais. Je ne me doutais pas que mon film puisse avoir de telles répercussions politiques. Cela m’a permis d’avoir des contacts avec les exploitants. J’avais surtout accès aux salles d’art et d’essais, et pas forcément aux les multiplex. Pour mon film Alone in Fukushima j’ai pu bénéficier de mes relations. Il est même resté plus longtemps à l’affiche. Il est sorti en salles en avril 2015, et bien que le DVD soit commercialisé, il était projeté à Kagoshima encore récemment. Son exploitation s’est terminée hier (10 mars 2016). Malgré les récents désastres nucléaires qui ont secoué le Japon, le gouvernement souhaite remettre en chantier un nouveau réacteur . Il se trouve dans le Sud du pays, non loin d’un grand volcan souvent en éruption. Les habitants se sentent concernés par ces menaces, c’est la raison pour laquelle nous avons projeté le filmdans cette région.

Cette communauté est une souche de la population dont on parle peu. Il y a eu tout de même les films The City of the Lost Soul de Miike Takashi  et Saudade de Tomita Katsuya. Qu’en pensez-vous ?

Je n’ai pas vu le premier, en revanche je connais bien Saudade et Tomita, le réalisateur, est un bon ami. Nos films sont sortis à peu près à la même époque. Nous avons participé à de nombreuses émissions ensemble. Il est actuellement en tournage de son nouveau long métrage à Bangkok en Thaïlande.

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Saudade de Katsuya Tomita

J’ai cru comprendre que vous êtes proche du cinéaste Iwai Shunji. Sur quels projets avez-vous collaboré ensemble ? Et comment cela s’est-il déroulé ?

C’est une longue histoire. Notre collaboration remonte à dix ans en arrière. Je n’ai pas été son assistante-réalisatrice, j’ai codirigé un programme radio avec lui. C’était à l’époque où il recevait tous les scénarios de ses auditeurs et les adaptait en programmes radiophoniques, puis en films de fiction. L’un d’entre eux est sorti sous le titre Bandage (le film est écrit et produit par Iwai Shunji d’après l’histoire de Chika Kan, et réalisé par Kobayashi Takeshi NDLR). Depuis nous restons en contact. D’ailleurs, récemment, il a réalisé un documentaire : Friends after 3.11, non pas sur la catastrophe de Fukushima, mais sur le tsunami qui a ravagé la région de Tohoku qui se trouve dans la préfecture de Miyagi dans le Sendai d’où il est originaire. Et cette région fut durement touchée par la catastrophe. Il s’est engagé politiquement à la suite de ces événements. Il se rend à des réunions mensuelles auxquelles se joignent artistes, réalisateurs, activistes politiques qui discutent de sujets autour de Fukushima, de la politique et des problèmes sociaux. J’ai eu l’opportunité de présenter mon documentaire à l’un de ces colloques. Vous savez, c’est un artiste qui a de nombreux talents, il compose de la musique, il dessine, et réalise. Il est très populaire en Asie, plus particulièrement en Corée et à Taïwan. Quand je me suis rendue au Festival du film de Busan (BIFF), il était présent cette année-là. Il est tellement célèbre en Corée que nous ne pouvions marcher quelques pas sans qu’il se fasse arrêter pour des demandes d’autographe. Love Letters (1995) fut le premier film japonais distribué là-bas depuis l’occupation japonaise. Les fans l’abordent et lui récite des répliques du film (rires !).

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Friends after 3.11 de Shunji Iwai (2011)

À propos de votre documentaire Alone in Fukushima, souhaitiez-vous dès le départ faire un documentaire sur la catastrophe ? Comment avez-vous rencontré Naoto?

Comme je l’ai dit plus tôt, je travaillais pour NHK World, et je faisais des nouvelles sur la catastrophe du tsunami. Je n’avais rien réalisé sur celle de Fukushima, et il me tenait à cœur d’en parler. J’ai fait des recherches et j’ai découvert des reportages à propos de Naoto sur les médias étrangers comme CNN, BBC et peut-être même sur des chaînes d’info françaises. C’était deux ans après la catastrophe, en 2013, mais la plupart des gens au Japon ne connaissait pas son histoire.

La raison est que son travail ne fut pas relaté par les médias nippons, et je me demandais pour quelles raisons. Il est là depuis tout ce temps et personne ne semblait être au courant alors que les journalistes étrangers en parlaient. J’ai donc proposé à mes producteurs de faire un reportage à son sujet, et comme je l’ai expliqué, ils ont refusé en raison des risques sanitaires, et ne souhaitaient pas en être responsable. Je pense en revanche qu’ils ne voulaient pas montrer quelqu’un vivant dans cette zone dévastée. Il n’est pas censé vivre ici, mais il a reçu une permission exceptionnelle de la part du gouvernement parce qu’il prend soin des animaux. Je l’ai d’abord contacté, et je me suis rendue sur place par mes propres moyens. J’ai loué une voiture. À notre première rencontre, il était méfiant. Cela émane de ses précédentes expériences avec les journalistes japonais, travaillant pour de grands groupes médias, venus faire des reportages sur Fukushima. Ils ont recueilli son témoignage pour étayer leur article. Mais ces papiers n’étaient finalement pas publiés, en raison des pressions éditoriales venant du gouvernement. Je l’ai convaincu en argumentant sur mon expérience de documentariste, de mon travail sur la communauté nippo-brésilienne, et que je mènerai ce projet en toute indépendance. C’est ainsi qu’il m’a accordé sa confiance. Il s’avère que mon permis de conduire n’était pas valable au Japon, j’avais passé l’examen à New York quand je vivais aux États-Unis. Je n’avais pas validé mon équivalence. J’habite à Tokyo et j’utilise les transports en commun pour me déplacer en agglomération. Seulement, le permis est primordial pour se rendre à Fukushima, aucun autre moyen de locomotion ne conduit à cette destination (rires !). J’ai donc dû retourner à l’école de conduite pour obtenir mon permis. Il fut très reconnaissant de voir les efforts que j’ai fournis pour me rendre à sa rencontre.

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Qu’est-ce qui vous a séduit dans son histoire ?

Je pense que Naoto est une personnalité intéressante. À l’époque, il y a eu de nombreux reportages sur la catastrophe, par forcément sur Fukushima, mais plutôt sur les personnes qui furent évacuées des zones irradiées et qui furent accueillies dans des refuges. Un choix dicté en raison des risques encourus sur place. En 2013, deux ans après les événements, il fallait à mon avis trouver une approche différente, ne pas rabâcher les mêmes sujets. C’est ce qui m’a conduit dans mon choix de réaliser un reportage à l’intérieur de la zone irradiée. Ce qui induit que je devais me préparer à être exposée aux radiations pendant un certain temps. Je voulais décrire cette zone radioactive au long des saisons. Il y a déjà eu des documentaires sur Naoto, mais les journalistes ne restaient que deux ou trois jours sur place. Je devais avoir une approche différente, et sur du long terme pour constater comment les animaux vivaient, et mouraient. Je voulais me concentrer sur lui et son action, et pas sur son entourage. Je ne souhaitais pas faire comme mes confrères à propos de leurs sujets sur les réfugiés de Fukushima et m’éparpiller en traitant de plusieurs personnages en même temps. C’est une personnalité suffisamment forte, il a une vie peu commune, et sa relation unique avec les animaux est passionnante. Je ne me suis rendue compte qu’une fois sur place qu’il y a des autruches dans cette zone, personne ne s’en serait douté. Elles sont les mascottes des réacteurs nucléaires (rires !). Il a une relation très particulière avec les animaux, il leur parle, il les comprend. Je ne savais pas avant de le connaître que les animaux étaient des êtres sensibles et qu’ils avaient par conséquent leur propre personnalité. Et la façon dont ils interagissent entre eux est très drôle. La plupart des reportages sur Fukushima sont très sérieux. Je ne souhaitais pas faire un film pessimiste. Le sujet l’est pourtant, il n’y a pas d’espoir, mais Naoto est une personne positive. C’est quelqu’un de très jovial et son comportement avec les animaux est très amusant. Je voulais trouver un ton différent, rectifier certains a priori le concernant propagés par les médias étrangers. Cela est sûrement dû à des erreurs de traduction. Beaucoup de gens pensent qu’il est fermier de formation ou bien éleveur, ce n’est pas le cas. Il y a donc une erreur, une incompréhension. Au contraire, je pense que l’un des aspects intéressants de son parcours est qu’il vient des métiers du bâtiment, et qu’il fut engagé auparavant dans la construction des cheminées de la centrale. Ce projet professionnel fut bénéfique pour lui, et suite à la catastrophe, il décida de rester et de s’occuper des animaux d’élevage alors qu’il n’a pas la moindre expérience dans le domaine. Ces animaux sont très difficiles à entretenir, ils ont besoin de beaucoup de nourriture, notamment les animaux d’élevage qui ont un régime particulier. Et puis je tenais à rectifier cette image d’Épinal de Naoto véhiculée par les médias occidentaux. Cette représentation du grand sauveur des animaux qui est resté à Fukushima, un cliché colporté par les activistes des droits des animaux. C’est vrai dans une certaine mesure. Mais il n’est pas resté pour les animaux. Ce qui a motivé sa décision en premier lieu est qu’il vivait en compagnie de ses parents qui sont très âgés, qui ne voulaient pas être évacués. Il voulait les aider. Ses frères et sœurs ont réussi à les convaincre de partir. Il a décidé de rester sur place parce que c’est quelqu’un de solitaire, sa femme l’a quitté, et il n’a plus vu ses enfants depuis longtemps. Il ne souhaitait pas se mélanger à la foule de réfugiés dans les abris. Il a préféré rester. C’est par hasard qu’il a découvert l’existence de ces animaux laissés à l’abandon. C’est ce qui l’a motivé dans sa mission, et c’est ce qui lui permet en un sens de rester en vie. Cette décision était toute personnelle. Il est très différent des activistes pour les droits des animaux. Il les aime, et les traite comme des amis, des amis de la ville que l’on a oubliés sur le bord de la route, un peu comme lui, ils  ont besoin d’aide et de réconfort. Ils sont un peu sa nouvelle famille.

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Était-ce difficile de tourner à Fukushima et dans les alentours ? Comment avez-vous obtenu les autorisations de tournage ? Quels furent les obstacles à la concrétisation d’un tel projet ?

Au printemps 2013, cette zone fut rouverte. Avant cela vous ne pouviez y accéder sans permission. Il fallait trouver différents itinéraires pour s’y rendre. Mais à partir de cette date, l’endroit où vit Naoto est devenu accessible. Vous pouvez vous y rendre librement de 9h à 15h dans la journée. Il y a cette annonce propagée par haut-parleurs qui rappellent aux visiteurs de quitter les lieux à l’heure indiquée. Mais si vous décidez de rester plus longtemps, personne ne viendra vous réprimander. Naoto a deux fermes, une dans la zone irradié, et l’autre dans la zone interdite. Au début je n’avais pas le droit de l’accompagner dans ce périmètre dangereux. Je lui ai d’abord demandé de m’obtenir un permis en tant qu’employée volontaire pour m’occuper des animaux. Si j’avais fait ma requête en tant que journaliste, je n’aurais jamais eu l’autorisation de m’y rendre. Cette zone interdite est fortement irradiée, bien plus que l’endroit où il vit. Il s’y rend toujours quoi qu’il arrive. Je n’ai pas porté de combinaison de protection. Au début je portais un masque, or il est compliqué d’interviewer quelqu’un qui n’en porte pas, même sous prétexte de se protéger. Tu ne peux pas instaurer ainsi une relation de confiance. Après ma première journée de visite, j’ai naturellement jeté le masque. Le taux de radiation où il vit est relativement bas. Le compteur Geiger enregistrait un taux allant de 2 à 3 micros Sievert/h ce qui équivaut à un ratio moyennement faible. Je suis allée plus tard faire des examens médicaux et on m’a diagnostiqué une exposition peu élevée, voire normale. Je ne ressens pas d’effets secondaires. Naoto s’est fait examiner, il est sur place depuis le début de la catastrophe, c’est un peu le champion de l’atome. Il est bien en forme pour l’instant, il n’est pas malade du tout. C’est une personne très forte, il a une santé et un mental en acier.

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J’ai lu que vous avez fait appel à du financement participatif pour terminer votre film. Comment êtes-vous parvenue à fiancer votre film ? Quels furent les intervenants publics ou privés ?

Au début du tournage, je n’avais pas d’argent. Je l’ai fait avec les moyens du bord. Je n’avais pas d’assistants, pas d’équipe de tournage. J’ai payé la location d’une voiture et une chambre d’hôtel à proximité. En revanche quand j’ai voulu distribuer le film, j’avais besoin d’outils promotionnels, des affiches, des cartons publicitaires. L’an passé, j’ai lancé un financement participatif sur internet. J’ai pu réunir la somme de 20 000 dollars. C’est une belle somme et cela m’a permis de distribuer le film. Mais puisqu’il s’agit de financement participatif il faut donner quelque chose en retour comme des tickets pour aller voir le film, des DVD, suivant la somme donnée. Il ne s’agit pas de charité. Cela demande beaucoup de travail. Je suis très reconnaissante envers les donateurs.

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Quelles furent vos exigences et votre approche initiale dans la réalisation de ce documentaire ? De combien de temps de tournage disposiez-vous et sur quelle durée ?

Je ne souhaitais pas faire appel à un narrateur, c’est devenu un peu la marque de fabrique des documentaires de télévision, et je voulais m’en éloigner. C’est plus un livre d’images, elles parlent d’elles-mêmes. J’ai utilisé le minimum d’informations supplémentaires comme les sous-titres. Je voulais que Naoto soit la voix de sa propre histoire. Il a en revanche un accent très prononcé. Il parle le dialecte de la région de Fukushima, et même pour les Japonais, il est très difficile à comprendre. Cela m’a pris un certain temps pour m’y habituer. À présent je n’ai plus de problème avec son accent. C’est pour cela que j’ai dû employer les sous-titres. Et c’est très utile quand on interroge les personnes âgées de cette région, elles sont incompréhensibles (rires !). Leur patois est confus.

Au début du documentaire, on a l’impression que M. Naoto est très seul, qu’il vit reclus. Au fur et mesure, on voit qu’il est entouré et soutenu. Est-ce un choix dans votre mise en scène ou une réalité ?

C’est intéressant que vous signaliez cela. Il s’avère que j’ai débuté les prises de vue peu de temps après notre rencontre. Je ne savais que peu de choses au sujet de Naoto à ce moment-là. J’ai fait sa connaissance sur le tournage du documentaire. Il s’avère que je voulais faire un reportage sur Fukushima au travers de la figure de Naoto et de ses relations avec son entourage. Deux mois après le début des prises, en octobre, j’ai découvert qu’il était marié et père d’un bébé. Je n’en savais rien. Je l’ai appris par l’intermédiaire d’un ami journaliste. Il apparemment rencontré sa femme après la catastrophe, elle était volontaire. Ils ont eu un enfant ensemble. Elle vit toujours à Tokyo avec son nourrisson. Il est en bonne santé. Je ne l’ai pas rencontrée mais je suppose qu’elle a été bien exposée aux radiations. Il ne me les a pas présentés, et ne voulait pas qu’ils soient filmés. Il tient à conserver leur anonymat pour que l’enfant plus tard n’ait pas à souffrir de discriminations. C’est l’enfant d’un père qui a été lourdement irradié. J’ai appris à le connaître tout au long du tournage, il n’était d’ailleurs plus tellement seul à la fin. C’est un peu la morale du film, il avait un bon contact avec les animaux et il a gagné une nouvelle femme, et un avenir. Cette catastrophe a été un bouleversement dans sa vie. Avant il vivait seul avec ses parents. Depuis cet épisode, il reçoit des visites de gens venant du monde entier pour le rencontrer. Il est bien plus occupé que moi. Il a beau vivre par ses propres moyens, il est toujours entouré, il a une nouvelle famille. Il a même un compte Facebook qui compte plus de 5000 amis. Il est devenu bien malgré lui une personne célèbre. C’est un héros par accident. Ce que l’on peut retenir est que ce désastre nucléaire a privé les habitants de leur terre natale, et qu’ils ne peuvent plus jamais revenir chez eux, c’est un fait. Dans l’exemple de Naoto ce n’est pas qu’une mauvaise chose. Elle a eu des répercussions positives inattendues. Bons nombres de personnes que j’ai rencontrées dans les parages ont perdu leurs familles, leur maison, mais ils ont trouvé quelque chose d’autre en retour. Il y a cette personne que j’ai croisée à Ishinomaki, ville qui été durement touchée par le tsunami. Il a perdu sa fille et un petit enfant. Il s’est tourné vers la photographie et a commencé à prendre des images des zones sinistrées. Des gens comme lui ont la force et la résilience de se renforcer dans l’adversité. Ils ont la faculté de s’adapter, ils deviennent des personnes différentes, et grandissent plus fort. Ces tragédies leur ouvrent d’autres voies, de nouveaux horizons. Et on retrouve ce phénomène partout dans le monde, c’est une leçon que l’on peut retenir sur ce qui peut survenir des suites d’un désastre.

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M. Naoto est devenu un symbole de lutte contre l’énergie nucléaire à travers le monde. Comment voyez-vous la portée de son engagement ? Et comment son combat est-il perçu par les Japonais aujourd’hui ?

Bons nombres de journaux tokyoïtes qui l’ont couvert lors de son happening à la capitale l’ont qualifié de gauchiste, dans leurs colonnes. En revanche peu de télévision en ont parlé. Grâce à mon film, beaucoup de Japonais ont entendu parler de lui. Le film fut distribué dans une quinzaine de salles à travers le pays. Dès que nous avons l’occasion pour une avant-première comme à Tohoku dans le Nord-Est du Japon, il essaie de se joindre à moi. Je n’ai pas les moyens de le faire venir, mais il m’accompagne par ses propres moyens et nous voyageons ensemble. Il était avec moi à Iwaki dans la région de Fukushima, et la ville de Sendai par exemple. Il s’y rend en camion. Partout il y a des centrales nucléaires au Japon, nous faisons des rencontres avec le public. Pour la présentation à Hiroshima il a réussi à trouver des billets d’avion à des prix avantageux (rires !). Nous essayons d’en faire le plus possible, pour que les spectateurs puissent s’exprimer avec lui de ses sujets et de son expérience. Il n’a malheureusement pas pu venir présenter le documentaire à Paris avec moi, mais il s’est rendu ici il y a deux ans il me semble, il a été invité à une manifestation antinucléaire à Fessenheim. Ils en ont parlé partout dans les médias. Il est de tous les combats.

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Et pensez-vous qu’il aura une influence sur l’attitude du gouvernement de Abe Shinzô ?

C’est une question intéressante, il s’avère qu’en 2012, la femme du Premier ministre Abe Shinzô s’est rendue sur place par ses propres moyens avec le secrétaire pour rendre visite à Naoto. Je ne sais pas si vous avez remarqué, je n’ai pas suffisamment de place pour mettre les sous-titres à l’image, de nombreuses personnes ont écrit des autographes sur les murs de Naoto. La femme d’Abe a écrit Amour ! Chaque fois que je projette le film, les spectateurs s’interrogent pour savoir s’il s’agit bien de la femme du Premier ministre. C’est bien elle. Quand j’ai sorti le film je lui ai demandé d’écrire un commentaire sur l’affiche du film et elle a accepté. J’ignore en revanche si elle a montré le film à son mari, je l’espère en tout cas. Je ne me rends pas encore compte de l’impact qu’a le film, mais nous avons projeté le film à Fukui, une région qui ne dénombre pas moins de 14 réacteurs nucléaires. L’un d’entre eux vient de redémarrer en début d’année. Les habitants s’inquiètent des conséquences et ce qui va advenir. Bon nombre d’entre eux sont venus voir le film. Il y a deux jours, j’ai appris que la Cour suprême a statué qu’il était dangereux pour l’environnement de garder la centrale de Takahama en fonction et a ordonné l’arrêt du réacteur. Mais je crois que le gouvernement souhaite contourner cette mesure et le relancer. C’est un peu le même cas à Kawashima, comme je l’avais signalé auparavant, ils ont une centrale à proximité d’un volcan qui se réveille régulièrement. Les habitants de la région sont de plus en plus inquiets. Les gens réagissent fortement à la vision de mon documentaire, cette menace nucléaire se concrétise, et ce problème devient le leur. Je pense que les gens se sentent plus concernés, mais je doute que le gouvernement écoute, et s’investisse dans ce sens. Malheureusement, beaucoup de médias japonais s’autocensurent, et ne veulent plus couvrir les nouvelles concernant Fukushima. Et en dehors de cette date anniversaire de la catastrophe, ils n’en parlent que très peu. J’ai plus l’impression que les médias se préoccupent des futurs Jeux Olympiques qui se tiendront à Tokyo. Le gouvernement veut donner l’image que le désastre est passé et que les risques concernant Fukushima sont sous contrôle, ce qui est faux ! Je veux continuer mon travail avec Naoto et les chaînes info de répondre : non ! Ils ne veulent pas que les Japonais ainsi que les pays étrangers, et surtout les touristes, se rendent compte des dangers actuels des suites de l’incident nucléaire. Ils veulent faire croire que tout est maîtrisé. Le journalisme est grippé en ce moment au Japon, il s’applique plus à promouvoir l’image du gouvernement. J’ai l’impression que les médias français semblent avoir plus de poids et d’indépendance, mais votre gouvernement n’a pas l’air très réceptif quant aux dangers de l’atome.

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À la fin du film, on sent Naoto très en phase avec la nature, on a l’impression qu’il a renoué avec un sentiment perdu qui liait autrefois l’Homme et son environnement naturel. Faut-il de telles tragédies pour que l’homme ouvre enfin les yeux ? Est-ce un espoir selon vous ?

Il se sent plus concerné par la nature, il dialogue avec les animaux. Au début du film, on le voit s’adresser aux autruches, et à la fin il siffle les oiseaux. C’est un sage maintenant. Il peut vivre sans problème à l’écart de la civilisation. Il a survécu pendant des années sans électricité et eau courante. Il peut vivre n’importe où. Il dit : on ne peut pas contrôler la nature, pas plus que l’énergie nucléaire. Ce que j’ai retenu, après avoir passé 8 mois à Fukushima, est que j’ai toujours été citadine, même si je vivais en proche banlieue. Je n’ai jamais eu l’opportunité de côtoyer les animaux d’aussi près, je n’avais jamais vu de vaches mettre bas, et des chats se reproduire. J’ai pu en fin de compte observer la nature de près à Fukushima et l’étendue de son pouvoir. Je fus attristée de découvrir une si belle région agricole contaminée par les radiations. C’est une grande tragédie. Il ne s’agit pas d’une catastrophe qui concerne uniquement les humains, mais aussi les animaux et la nature. Ils n’ont pas à souffrir de nos erreurs. Le gouvernement a donné l’ordre de tuer tous les animaux d’élevage. Ils étaient d’innocentes victimes. J’ai contacté des éleveurs de la région, et bien qu’ils approuvent le fait que les animaux devaient être tués, ils se sentent coupables. C’est une chose de tuer les animaux pour nourrir les gens, en revanche abattre des troupeaux entiers pour des raisons sanitaires à cause des radiations, ce fut une décision éprouvante pour eux. Mais ils ne pouvaient les laisser vivants à l’abandon. C’est trop cher à entretenir, et tu ne peux pas vendre les bêtes, ni leur viande. L’impression que cela m’a donnée fut d’être submergée par une nature retournant à l’état sauvage, pas une âme qui vive à l’horizon. Elle reconquiert les territoires domestiqués par les humains. C’est un peu un royaume animal, avec de la verdure partout et la faune en liberté. Une sorte de paradis. On ne se rend pas compte du degré de contamination devant un tel spectacle. C’est un lieu très étrange. Les gens se plaignent des dommages encourus à cause de la prolifération des animaux vivants dans cette zone. On ne peut contrôler la nature, elle grandit. Je ne suis pas chrétienne, mais Naoto me fait penser à Noé et son arche qui sauve les animaux du déluge. Il vit dans un étrange paradis peuplé de beaux animaux victimes des radiations.

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Quels sont vos futurs projets ? Souhaitez-vous revenir au film de fiction ?

Je suis actuellement en préproduction pour ma prochaine réalisation d’un film de fiction. C’est un long métrage que je mature depuis dix ans bientôt. J’ai écrit le scénario juste après The Summer of Stickleback. Cela prend du temps pour monter ce projet. Il y a eu des soucis avec les changements de producteurs, et les recherches de financements. Et j’ai un autre projet, une adaptation de roman qui raconte la course d’un taxi qui est en service de clients atteints d’Alzheimer. Il les emmène où ils souhaitent aller. C’est une histoire originale. Je développe l’histoire pour le cinéma. C’est ce qui m’occupe pour l’instant. Ce sont mes deux futurs projets. Je souhaiterais mêler le documentaire et la fiction à la manière de Kore-Eda Hirokazu. Je pense qu’il n’y a pas de frontière entre les deux médiums.

Entretien enregistré le 11 Mars 2016 à la Maison de la Culture du Japon par Martin Debat.

Traduit de l’anglais par Martin Debat.

Remerciement à Fabrice Arduini programmateur cinéma de la MCJP.

Alone in Fukushima fut projeté à la MCJP dans le cadre : Catastrophe du 11 mars 2011, commémoration 5 ans après.

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Un commentaire pour “ENTRETIEN AVEC NAKAMURA MAYU POUR SON DOCUMENTAIRE ALONE IN FUKUSHIMA (MCJP)”

  1. […] Martin Debat a réalisé une interview de la réalisatrice Mayu Nakamura, paru dans le site East Asia le 16 avril 2016. En voici un extrait, avec l’aimable autorisation du rédacteur en chef du […]

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