Feux dans la plaine d’Ichikawa Kon (DVD et Blu-ray)

Posté le 27 mars 2016 par

Événement pour les amateurs de cinéma japonais : le classique d’Ichikawa Kon, Feux dans la plaine, est édité et distribué en France pour la première fois en DVD et en Blu-ray.

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On peut aisément classer Feux dans la plaine comme l’un des films de guerre les plus marquants de l’histoire. Un film qui marque les esprits. Ichikawa plonge le spectateur dans un univers de limites, par delà l’horreur et la folie. C’est d’autant plus subjuguant qu’Ichikawa s’inspire d’un roman autobiographique, Les Feux d’Ooka Shohei, publié en 1951. Critique littéraire au moment de la Seconde Guerre mondiale, Ooka est enrôlé dans l’armée et se retrouve aux Philippines, alors conquête nippone. Mais en 1945, les troupes américaines obligent les Japonais à reculer. Traqués et bombardés, pris au piège de l’archipel philippin, les soldats japonais sont livrés à eux-mêmes, dans l’anarchie et la désolation la plus totale. Après la fin de la guerre, Ooka décide de publier ses mémoires de soldat, d’abord dans un premier livre, Journal d’un prisonnier de guerre (1949), puis dans Les Feux (1951). Un électrochoc pour la société d’après-guerre, encore humiliée par la défaite.

En 1959, Ichikawa, réalisateur habitué des comédies de mœurs, adapte ce livre choc. Et autant dire qu’il n’y va pas de main morte. Lui qui n’a pas été enrôlé dans l’armée décide de montrer une part très sombre du Japon dans ce brûlot antimilitariste. Il reprend les scènes du livre d’Ooka en suivant l’errance de Tamura, un soldat atteint de tuberculose, paumé sous les bombardements américains et en proie à la famine. L’armée japonaise, ou ce qu’il en reste, ressemble plus à une horde de zombies, une procession en haillons avançant avec peine dans la boue, entourés de cadavres et de fous. L’absurdité de la guerre. Face à l’horreur formelle de la guerre, Ichikawa n’oublie pas de porter un regard grinçant sur les comportements humains, en montrant l’avarice et la méchanceté des soldats, confrontés à une mort certaine. Peu importe la guerre : dans les situations les plus extrêmes, ces soldats ne sont même plus des soldats mais des bêtes sans foi ni morale (un parti pris du réalisateur qui tranche avec le livre d’Ooka, fortement influencé par la religion chrétienne).

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Pour plus de réalisme, Ichikawa a mis ses acteurs à rude épreuve. Selon la légende, l’acteur principal Funakoshi Eiji avait décidé de se sous-alimenter les deux mois précédents le tournage dans le but d’être le plus mince possible. Affaibli par cette diète, il se serait évanoui dès le premier jour du tournage ! D’une manière générale, Ichikawa a vraiment exigé de ses acteurs qu’ils mangent et se lavent le moins possible. S’il suit les grandes lignes du livre d’Ooka, le réalisateur s’en détache par intermittence pour s’enfoncer encore plus dans la noirceur de la guerre. Moraliste et antimilitariste, la dernière séquence du film est totalement réécrite par Ichikawa et sa femme scénariste Watta Nado. Une séquence qui conclut cette descente aux enfers de près de deux heures et qui garde aujourd’hui toute sa force.

Notons enfin que Feux dans la plaine est porté par la musique du compositeur et chef d’orchestre Akatagawa Yasushi, déjà responsable de la musique de La Porte de l’enfer de Kinugasa Teinosuke, Grand Prix au festival de Cannes 1954. Une musique souvent discrète mais qui sait exploser dans les moments les plus dramatiques.

Cette édition s’accompagne d’un seul bonus, mais de taille : 40 minutes d’entretien avec Bastien Meiresonne, co-auteur du Dictionnaire du cinéma asiatique. Dans cet entretien, il revient sur la genèse du livre d’Ooka Shohei, le Japon d’après-guerre, la carrière d’Ichikawa, ses relations avec le studio Daiei, les coulisses du tournage de Feux dans la plaine et la réception critique du film. Bastien Meiresonne rappelle qu’en 1959, « les gens n’étaient pas prêts à voir un tel film sur les écrans ».

Espérons que cette édition DVD soit un premier pas dans la distribution en France des films d’Ichikawa, réalisateur dont l’œuvre reste largement méconnue. Feux dans la plaine est son… 36è film ! Il réalisa des films de 1946 à sa mort, en 2008.

Notons enfin qu’en 2014, Tsukamoto Shinya a réalisé sa propre adaptation du livre d’Ooka Soshei : Nobi. Un film plus fidèle au livre que le film d’Ichikawa.

Feux dans la plaine, d’Ichikawa Kon, en DVD et Blu-ray depuis le 1er mars 2016.

Version remasterisée en Haute Définition
Format Cinémascope – 16/9 compatible 4/3
Langues : Japonais/ Son Mono / Sous-titres français
Japon / Noir et blanc / 1959/ 108 mn

Edition RIMINI EDITIONS
Distribution ARCADES

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