Les sept samouraïs est l’un des films les plus connus du cinéma japonais, peut-être le plus connu. Wild Side réédite aujourd’hui cette oeuvre essentielle, et East Asia ne pouvait passer sur une nouvelle édition de film.
Il s’agit de l’édition intégrale du film, présentée en deux parties (sur deux DVD), la première se terminant par un entracte musical. Le format original (1.37 : 1) est respecté, permettant de visionner Les sept samouraïs comme il a été pensé par son réalisateur.
Kurosawa Akira n’en est pas à son premier film, ni même à son premier chef d’oeuvre, quand il se lance dans l’aventure Les sept samouraïs (Rashômon fut réalisé quatre années auparavant, en 1950). Par crainte d’ennui, Les sept samouraïs fut distribué en version lourdement coupée à l’étranger, empêchant de percevoir toute la profondeur du scénario (largement inspiré de faits historiques) et surtout le côté ambigu des personnages. Une des nombreuses forces du film réside dans la différence entre les samouraïs et les paysans. Kurosawa, à travers son étude de ces deux conditions, expose une critique du Japon en général, et de l’homme en particulier. Les samouraïs y sont dépeints comme recherchant l’honneur et la gloire, mais refusant de s’impliquer dans une cause qu’ils jugent misérable, comme simplement protéger des paysans contre des brigands (et ce, en échange de riz blanc). Les sept samouraïs décidant d’aider les paysans démunis sont évidemment quelque peu différents, mais ne sont pas pour autant de bonnes âmes rêvant de défendre la veuve et l’orphelin. Le premier d’entre eux ne s’implique véritablement qu’après que quelqu’un lui ait fait remarquer que ses grands principes ne coïncidaient pas forcément avec la réalité.
Les paysans, eux, sont loin d’être de gentilles personnes, comme semblaient le dire les versions tronquées du film. Leur terreur des brigands rivalise avec celle qu’ils ressentent face aux samouraïs, qu’ils voient comme n’étant là que pour séduire leurs filles (cet aspect semble si horrible que, quand le jeune samouraï du groupe succombe aux charmes d’une jolie villageoise, la caméra s’appesantit sur l’horreur ressentie par le père et les larmes de sa fille, comme s’il s’agissait d’un acte hérétique). Ce sont aussi des manipulateurs, moins démunis qu’ils ne le laissent paraître, et capables pour survivre de terribles bassesses, comme de dépouiller des samouraïs morts (voir de les achever s’ils ne sont que blessés). Kikuchiyo (incarné par Mifune Toshirô) représente le parfait maillon entre les paysans et les samouraïs, étant issu lui-même de la pauvreté, et il plonge régulièrement ses collègues dans l’effarement en mettant en exergue la grandeur de leur principe et la réalité du monde qui les entoure. Paysans et samouraïs semblent si incompatibles que le final montre d’un côté les paysans victorieux, de l’autre les samouraïs tout aussi victorieux, mais pourtant plongés dans la défaite la plus totale, lors d’un plan aussi emblématique que tétanisant et inoubliable.
C’est donc sans surprise qu’un film d’une telle puissance soit autant respecté et adulé. Dès l’année de sa sortie, il reçut un Lion d’Argent à la Mostra de Venise (alors qu’il était présenté en version coupée) et a largement contribué au succès du cinéma japonais de part le monde. Malgré le fait qu’il soit ancré dans la culture japonaise, Les sept samouraïs possède une dimension aisée à appréhender par les Occidentaux. Le film a d’ailleurs été remaké (avec talent), devenant Les sept mercenaires. Et dès les années quatre-vingt, il fut possible de le découvrir en version intégrale, et de plonger dans la vie japonaise de l’époque, tandis que nos paysans cherchent à recruter les samouraïs qui vont les aider, acceptant pour se faire de se priver au-delà du raisonnable. Quand enfin un samouraï accepte de s’investir, il se charge de recruter les autres. La deuxième partie se concentre sur l’affrontement, entre tactiques, réflexions, plans d’attaques et actions sauvages, la maestria de Kurosawa étant perceptible à chaque plan et, malgré les craintes des distributeurs de l’époque, l’ennui jamais instauré.
Après de nombreuses versions de VHS, DVD et Blu-ray, Wild Side réédite le film dans un superbe coffret. L’éditeur n’ayant pas fourni le livret collector ou le Blu-ray, impossible de se prononcer sur la qualité de l’image ou l’intérêt de l’analyse, mais l’image du DVD se montre assez belle, et vaut donc le détour.
Une telle oeuvre ne pouvait être distribuée sans bonus. Wild Side nous propose un alléchant making of d’époque, mais qui se révèle partiel et muet. Si l’on peut comprendre la difficulté de récupérer un making of complet (et Wild Side annonce que la bande-son est à jamais perdue), trois ou quatre minutes seulement d’images ne permettent pas d’apprécier le travail sur le tournage ou autre, et finalement ce documentaire, aussi rare soit-il, n’apporte rien. Ensuite, l’éditeur propose une bande-annonce du film, mais, de manière surprenante, opte non pas pour une bande-annonce d’époque, mais pour un trailer datant de 2013, pour la ressortie cinéma. Ainsi, la courte bande-annonce n’apporte rien à la vision du film.
Kurosawa, la voie, est bien plus intéressant. Véritable documentaire, il permet à la traductrice de Kurosawa de livrer un portrait de l’homme, grâce à son expérience et en interviewant plusieurs grands réalisateurs qui ont été influencés par lui. On y retrouve Clint Eastwood, Martin Scorseze, John Woo et bien d’autres, qui reviennent avec émotion sur leur découverte de Kurosawa et la manière dont le maître a influencé leurs œuvres personnelles. Un excellent documentaire, aussi émouvant qu’intéressant.
Pour finir, Un western diluvien voit certaines personnes impliquées dans le film (assistant réalisateur, accessoiriste, mais aussi le fils de Mifune Toshiro) revenir sur ce tournage éprouvant et impressionnant pour tout le monde. Il ne s’agit pas d’un véritable making of, mais les informations distillées sont très intéressantes, et apportent une autre vision du film.
Yannik Vanesse
Les sept samouraïs, disponible en DVD et Blu-ray depuis le 03 décembre 2014 chez Wild Side.