Critique Preview – Les Chevaliers du Zodiaque : La légende du sanctuaire de Sato Keiichi (en salles le 25/02/2015)

Posté le 24 janvier 2015 par

Un an après Albator, c’est au tour des Chevaliers du Zodiaque de faire leur retour en salles après un lifting numérique complet. Une nouvelle version visant plutôt les kids, mais que les amateurs historique de l’œuvre de Kurumada Masami ont aussi le droit d’apprécier, à condition de laisser leurs souvenirs et leurs préjugés à l’entrée.

À la sortie d’Albator, Corsaire de l’espace version 2013, le cinéaste Yann Gonzales déclarait son amour du personnage et sa déception face à sa modernisation dans un beau papier des Inrockuptibles : « Albator était un poète et un frère, ils en ont fait un guerrier sans âme ». En découvrant la version 2014 de Saint Seya, on se dit qu’il est possible de reprendre mot pour mot cet article du réalisateur des Rencontres d’après minuit et d’appliquer ses reproches à ce nouveau reboot du Studio Toei Animation : recherche de l’efficacité à tout prix, froideur numérique, disparition de la mélancolie abyssale de la série d’origine, superficialité de l’ensemble… On n’aurait pas tout à fait tort, mais ce serait aussi se priver, au nom d’un anachronique purisme, du plaisir immédiat que procure cette nouvelle mouture des Chevaliers du Zodiaque et ne pas la voir pour ce qu’elle est : un divertissement sans prétention, ne visant certainement pas à concurrencer la série 80’s sur son terrain.

LES-CHEVALIERS-DU-ZODIAQUE-–-La-Légende-du-Sanctuaire-Affiche-France

La première chose à faire devant le spectacle de ces nouveaux chevaliers est d’oublier la série des années 80, de toute façon inégalable. Sans la finesse du trait bouleversant d’Araki Shingo, la musique entêtante et magnifique de tristesse rentrée et de mélancolie sublimée de Yokoyama Seiji, la temporalité étirée permettant un approfondissement de tous les personnages et une sortie du manichéisme et de la simple binarité entre les forces du bien et du mal, le tout magnifié par la nostalgie et les souvenirs, il ne reste à Saint Seya qu’une trame un peu naïve, une mythologie répétitive et simpliste et des archétypes en guise de personnages. Le choix de Sato Keichii et de la Toei Animation est de prendre le contre-pied de ce qui a été fait pour donner une nouvelle vie à la franchise, en l’expurgeant de tout lyrisme et en refusant l’esprit de sérieux qui faisait la force de sa précédente incarnation. De nouveaux objectifs sont ainsi visés pour cibler en priorité les adolescents d’aujourd’hui : humour, efficacité et action.

Saint Seya

Nous ne sommes donc pas devant une œuvre pour trentenaires nostalgiques, mais pour les enfants d’aujourd’hui, nourris aux films de super-héros et aux jeux-vidéos ultra-réalistes. Les Chevaliers du Zodiaque – La légende du sanctuaire a ainsi beaucoup plus à voir avec un croisement plutôt réussi entre Tiger & Bunny (pour l’esprit) et Final Fantasy VII Advent Children (pour la forme) qu’à la série ou au manga sur lesquels il se base. Les grandes lignes de l’arc du sanctuaire sont pourtant bien respectées : du sauvetage de Saori, réincarnation d’Athéna à la corruption de Saga, chevalier du Gémeaux dont la personnalité la plus noire a pris la place du grand Pope, gardien du sanctuaire ; du serment des chevaliers de bronze de protéger Athéna à la traversée des 12 maisons du Zodiaque pour tenter de la sauver d’une flèche pernicieuse… mais tout cela n’a pas vraiment d’importance. Les événements sont contés en 4ème vitesse, presque avec désinvolture, en faisant l’impasse sur tout élément pouvant faire entrave à l’efficacité pure de l’action et usant de nombreuses ellipses (l’entraînement, le tournoi, les chevaliers noirs, les chevaliers d’argent… tout cela et bien plus passe presque complètement à la trappe) pour aller à l’essentiel : les combats et la démonstration pyrotechnique. Le film revendique d’ailleurs avec impertinence et humour cette rapidité, lors d’une scène taquinant gentiment la série d’origine : alors que Shiryu commence à énumérer avec un sérieux religieux les 12 maisons qu’ils s’apprêtent à franchir, les autres chevaliers de bronze le coupent brutalement et courent au combat.

Saint Seya

Le passage en images de synthèse se relève dès les premières images plutôt concluant : une caméra mimant des effets en prise de vue réelle (avec zooms, effets de flou, caméra tremblée) suit des chevaliers d’or s’affrontant la garde d’Athéna bébé sur des décors soignés et l’impression d’immersion est bien présente, à condition de ne pas être allergique au style hyper-réaliste. Sato Keiichi passe ainsi d’une scène d’action à l’autre en refusant tout esprit de sérieux, dans la droite lignée de son travail sur Tiger & Bunny, dont il applique finalement la formule au point que l’on finit par confondre les personnages de sa série de 2011 avec nos nouveaux chevaliers de bronze. Seiya surtout connait une redéfinition drastique en passant de boy scout sans aspérité du manga à l’équivalent ado de Tiger, avec qui il partage un héroïsme teinté de ridicule dû à une maladresse et une malchance qui lui collent à la peau. On assiste même à quelques transformations assez osées, comme celle de Masque de mort, passant de psychopathe sans scrupule à un grotesque chanteur tendance glam. On en vient à regretter que les scénaristes n’aient pas osé bouleverser de la sorte le personnage de Saori en la rendant plus moderne et combative. En, l’état, elle reste malheureusement la jeune princesse un peu cruche que de jeunes mâles doivent secourir, et une figure féminine qui fait un peu tâche quand on s’adresse à la jeunesse de 2015.

Saint Seya masque de mort

Son irrévérence et son infidélité, que certains ne manqueront pas de critiquer, sont ainsi également la force des Chevaliers du Zodiaque – La légende du sanctuaire, efficace, fun et bien fait, prompt à convertir de nouvelles générations à la création de Kurumada. Le revers de la médaille est que sa superficialité en fait aussi un produit de consommation de masse, facile d’accès mais rapidement oubliable à force de ne rien creuser et de chercher le plaisir immédiat, mais éphémère, de ses jeunes  spectateurs. De nombreuses brèches sont par contre ouvertes et il est possible de considérer ce long-métrage bien trop court comme une porte d’entrée menant vers un univers bien plus vaste. On a donc franchi le seuil, heureux mais sceptique, et on attend la suite de la visite en espérant que le succès soit au rendez-vous pour que la franchise puisse évoluer et viser de plus hautes ambitions.

Victor Lopez

Les Chevaliers du Zodiaque : La légende du sanctuaire (Saint Seya – Legend of Sanctuary) de Sato Keiichi. Japon. 2014. En salles le 25/02/2015. 

Imprimer


Laissez un commentaire


*