Critique de Tiger & Bunny – Coffret 1/4 : un anime qui a mangé du tigre !

Posté le 5 décembre 2012 par

Non, Tiger & Bunny n’est ni une nouvelle déclinaison des Toons de la Warner ni un documentaire animalier pour les enfants, mais le dernier anime du studio Sunrise. Une tentative plaisante de mettre les super-héros américains à la mode shōnen, que Kazé nous propose de découvrir avec un premier coffret DVD regroupant les 7 premiers épisodes d’une série qui en compte 25. Par Victor Lopez.

S’il y a une exception culturelle nipponne, c’est surtout dans le domaine de la bande dessinée qu’elle s’applique. Alors que les mangas ont déferlé sur le monde, influençant les plus grands auteurs occidentaux de Frank Miller à Moebius, le Japon est toujours resté hermétique à toute tentative d’implantation étrangère, et notamment américaine dans l’industrie du neuvième art. Alors qu’Hollywood s’installe dans les salles de cinéma à l’après-guerre, les comics ne font pas leur entrée dans les kiosques de Shibuya, sans doute parce que d’une part les caricatures racistes étaient malheureusement encore légion dans les pages de Captain America et Batman, habitués à participer à l’effort de guerre par le biais de la propagande, et d’autre part parce que la fin de la guerre sonnait le glas de l’âge d’or des comics, qui allaient connaître une crise dans les années 50.

Le Namor des années 40 n’aime pas les humains en général, et les Japonais en particulier. Mais ceux-ci le lui rendent bien !

Et à l’aube de l’âge d’argent des années 60 qui a vu (re)naître les icônes super-héroïques sous l’égide de Stan Lee, le manga était déjà bien implanté sous l’impulsion de Tezuka, et ses formes narratives trop éloignées des fascicules Marvel ou DC pour leur permettre de percer au pays du Soleil Levant. Face à Astro Boy, Iron Man n’avait aucune chance. Régulièrement pourtant, les supers-héros tentèrent une percée au Japon, mais le genre était lui-même codifié de manière tellement différente dans les deux pays que jamais l’invasion ne réussit. Même si Spider Man connut une version télévisuelle dans les années 70, ce fut sous forme de Tokusatsu n’ayant strictement rien à voir avec les aventures new-yorkaises de Peter Parker. Et le mangaverse lancé par Marvel au début des années 2000 eut plus de succès chez les lecteurs de mangas occidentaux que chez les Japonais auxquels il était pourtant destiné.

Non, le super-héros japonais ne porte pas de costume et n’a pas de super-pouvoir pour combattre les vilains, il revêt une armure et défend la terre de belliqueux extraterrestres au rire sardonique. Sauf… dans Tiger et Bunny !

C’est là le premier intérêt de la nouvelle série de Sunrise : tenter un dialogue entre les super-héros américains et ceux japonais. La série présente donc bien des personnages en armures, mais ceux-ci, comme Superman protégeant Metropolis, veillent sur les citoyens de Stern Bild City, et acquièrent, comme les X-Men, leurs pouvoirs à l’adolescence. On sent bien sûr que les récents succès cinématographiques des héros costumés américains ont plus marqué le Japon que leurs versions papiers, mais la greffe prend plutôt bien, et il est amusant d’étudier la manière dont la culture japonaise intègre les éléments américains, pour une fois que le transfert se fait dans ce sens. Tiger & Bunny est donc avant tout un croisement entre les Indestructibles (certainement le film qui a le plus impacté ses auteurs, avec son côté rond et léger, mais plus profond qu’il n’en a l’air) et Wingman (dont le mangaka, Katsura Masakazu signe aussi élégamment le design des personnages). Mais pas seulement.

Les héros de Tiger & Bunny ne sont en effet que des participants d’une émission de télé-réalité. À chaque action, ils gagnent des points, donnant ainsi une certaine visibilité à leurs sponsors Bandai, Pepsi, Softbank… Car oui, la série cite les véritables marques utilisées par ses personnages, se permettant ainsi une utilisation assez originale du placement de produits, en l’intégrant complétement dans sa narration. Si l’idée peut sembler judicieuse dans un premier temps, permettant de coller au plus près de la réalité médiatique, elle se retourne vite contre la série. D’un côté, la présence continuelle de logos finit par lasser, mais de l’autre, impossible aussi à Tiger & Bunny de se montrer aussi critique qu’elle pourrait l’être envers un système qu’elle contribue à nourrir en donnant de la visibilité à de grandes marques. Sans compter que la perspective de voir nos enfants jouer avec des produits dérivés couverts de réclames n’est pas non plus réellement réjouissante. De ce côté, Tiger & Bunny échoue complétement, là où une série comme Mad Men, citant aussi de vrais marques mais ne tombant pas dans le piège du placement de produits, arrive à une indépendance de son contenu face à la publicité.

Tiger & Bunny n’est alors certainement pas une série critique et ne dit au final, malgré cette thématique des médias et des sponsors, pas grand-chose sur notre société de consommation. Au contraire, son message est celui d’un classique shōnen, bien sage dans le fond comme dans la forme. Cela est d’autant plus flagrant lorsque l’on considère l’attitude du personnage principal, l’héroïque looser Tiger. S’il a des réactions en apparence assez proches des anti-héros de manga du type Cobra, décliné par exemple dans City Hunter (Ryo Saeba) ou Cowboy Bebop (Spike Spiegel), il n’a finalement rien du rebelle. Pire, il est le seul à véritablement défendre les valeurs nobles et désintéressées des preux héros, dans un monde où l’apparence est reine. Nul doute qu’il triomphera du cynisme et convaincra le monde de la nécessité de sa quête conformiste.

Victor Lopez

Verdict :Mais à l’issue des sept épisodes de ce premier coffret (sur quatre) édité par Kazé, nous n’en sommes pas encore là. Et il faut avouer que malgré le caractère classique et prévisible de l’ensemble, passé la surprise de la greffe super-héroïque américaine sur  un anime, l’envie de voir la suite est bien présente, tant la qualité du travail fourni est irréprochable. Les scènes d’action sont nombreuses et rythmées, l’humour omniprésent et l’ensemble est plus que plaisant à suivre.

Après avoir diffusé la série en simulcast gratuit, Kazé propose maintenant une édition que l’on pourrait qualifier de collector, tant elle est luxueuse et irréprochable sur le plan technique, contenant Blu-ray et DVD, ainsi que de nombreux bonus. Mais le produit s’adresse en priorité aux fans de la série, désireux d’investir dans un bel objet.

 

Tiger & Bunny – Coffret – Partie 1 – Combo Blu-ray + DVD, édité par Kazé, en vente depuis le 03/10/2012.

Tiger & Bunny – Coffret 2/4 combo sera en vente le 09/01/2013.

Imprimer


Laissez un commentaire


*