DVD – Old Boy, de Spike Lee : Une route toute tracée

Posté le 13 mai 2014 par

Après Park Chan-wook, c’est au tour de l’américain Spike Lee de proposer sa vision du manga Old Boy de Tsuchiya et Minegishi. Difficile pourtant de ne pas parler de remake.

Un drôle de projet que celui d’Old Boy version américaine. D’une réalisation Spielberg avec Will Smith, on obtient Spike Lee et Josh Brolin. Oui, Spike Lee, cinéaste fiévreux et engagé des années 80-90, devenu à force de polémiques et de mauvais films une figure un peu ignorée, voire moquée aujourd’hui. Il est plus souvent aperçu dans les tribunes du Madison Square Garden pour voir les New York Knicks jouer qu’à la tête de bons films.

old boy

Où est donc passé le Spike Lee de Do The Right Thing, Mo Better Blues ou Clockers ? Lui qui, au-delà d’une forme soignée et revigorante, avait encore quelque chose à dire, un vrai discours militant sur l’Amérique des laissés pour compte et de la communauté noire. Celui qu’on pouvait comparer à Scorsese période 70’s, qu’on croyait vraiment promis à une carrière radieuse. Il s’est perdu en route. Entre les polémiques sur Quentin Tarantino et les projets impersonnels (Inside Man), Old Boy apparaît toutefois comme un moindre mal, tant l’annonce du projet avait de quoi effrayer.

Cette vision d’Old Boy s’attache à suivre le destin de Joe Doucett (Josh Brolin) « salesman » sans pitié, rustre et alcoolique. Une introduction mystérieuse, dans laquelle Lee s’épanche plus que Park Chan-wook sur la caractérisation du personnage, sur l’époque. La fin des années 80, début et pourtant apogée de la carrière de Lee. Le réalisateur s’y sent bien et ça se voit à l’écran. L’attention du détail est appréciable, l’ambiance est bien retranscrite, le personnage de Brolin apparaît comme le salaud parfait. Pourtant, pour les initiés, ceux qui connaissent le film de Park Chan-wook, il n’y a déjà plus aucunes surprises, et cela demeure le plus gros problème de cette version américaine.

Spike Lee, mis à part cette introduction réussie parce que retranscrivant bien une époque, ne s’éloigne d’aucune manière du film coréen, que ce soit dans les péripéties, les personnages, les scènes clés. Le film, à partir du moment où l’intrigue est lancée, reste sur des rails, trace sur une route connue d’avance, donc un peu ennuyeuse. Ce chemin, Lee n’en sort jamais. Pire, il lance quelques pistes – notamment une photo d’un groom noir dans la prison de Doucett – pour tenter de donner du corps à son film, justifier sa participation au projet, y inclure quelques thématiques fortes de son œuvre. On n’y voit que des ébauches, des choses qui ne devraient pas être là si pas développées.

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Old Boy US a tout du projet centré sur un marché, pour un public qui préfère les tribulations de Josh Brolin à la Nouvelle-Orléans, plutôt que celles de Choi Min-sik. Pour Spike Lee, la tentation de faire un film complètement impersonnel et calqué sur la version coréenne est grande et le choix évident, puisque le public pour lequel il est destiné ne regarde pas de films coréens. On change quelques détails, pourtant l’impression d’assister à un paresseux copié-collé se fait vite ressentir.

Il n’y a aucune ambition plastique, ce qui était la grande (la seule ?) qualité du film de Park Chan-wook. Ses cadres exigus, ses travellings latéraux, l’étrangeté et la saleté qu’il créait est dans ce remake le symbole d’un manque d’ambition flagrant. Lee n’arrive à aucun moment à s’approprier cette histoire, ni a élever son remake à quelque chose de plus fort. Josh Brolin est très bon, son côté brut et renfrogné en font un bon choix, mais on le sent souvent très mal dirigé, un peu perdu, comme laissé à l’abandon, comme un symbole de cette œuvre qui n’aurait sûrement jamais dû voir le jour.

Old Boy version Spike Lee n’est pas la catastrophe annoncée, peut-être justement parce qu’il ne prend aucune liberté, ne se permet aucun écart. Pour justifier une telle entreprise, il aurait fallu plus d’audace, une vision d’un auteur qui a encore quelque chose à dire. Ce vieux garçon du titre, c’est peut-être Spike Lee qui s’identifie à ce personnage bloqué dans une époque révolue et qui découvre le monde à nouveau.

Jérémy Coifman.

Old Boy de Spike Lee. USA. 2013. En DVD depuis le 06 mai chez Universal Pictures.

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