Tekken: Blood Vengeance de Mōri Yōichi (DVD)

Posté le 23 novembre 2011 par

Continuez de rêver, amis joueurs, car la licence Tekken n’a pas fini de souffrir sur grand écran. Par Tony F.

J’aime les films d’animation tirés de jeux-vidéos. Non pas qu’ils soient forcément très bons (mon dieu, Advent Children et son fan-service écœurant…), mais au moins, ils ont l’avantage d’être fidèles à l’univers qu’ils dépeignent, car souvent supervisés par les créateurs eux-mêmes. C’est donc avec un certain soulagement que je vis, il y a déjà plusieurs mois, les premiers screens de ce Tekken Blood Vengeance, réalisé par Digital Frontier (Resident Evil Degeneration, c’était eux ; les films Appleseed, ou encore les effets visuels de Gantz et Summer Wars, c’était eux aussi. Vous situez ?). Un nom qui signifie au moins une chose : la qualité sera toujours plus au rendez-vous que du côté de l’adaptation US.

Tekken en film live, ou comment tourner avec des cosplayeurs professionnels.

Seconde bonne nouvelle, la direction du projet était menée par des personnes qui n’étaient pas étrangères à la saga : Mōri Yōichi pour la réalisation et Mizushima Yoshinari pour la production, deux hommes ayant déjà officié aux mêmes postes sur les cinématiques d’introduction de Tekken 5 et 6. Enfin, le scénario, sans que l’on en connaisse alors les rouages, est livré par Sato Dai, dont le respectable palmarès (Samurai Champloo, Ghost in the Shell Stand Alone Complex ou encore quelques épisodes de Cowboy Bebop…) n’avait pas vraiment de quoi inquiéter. Je m’installe confortablement, au fond de mon fauteuil, prêt pour ce que je suppose alors être un film sympa, du niveau de la précédente production D.F. En vérité, je vous le dis, mes chers droogies, ces 90 minutes me semblèrent durer une éternité des plus éprouvantes.

Aussi riche qu’un jeu de combat…de 1992.

La première scène du film voit s’affronter les deux frangines emblématiques, Nina et Anna Williams, sur une route urbaine accidentée. Mise en scène clinquante,  plans sur les formes généreuses des protagonistes et des animations fluides laissent présager d’un niveau plus qu’honnête. En effet, si toute l’action du film se trouve aussi soignée que cette mise en bouche, pas de doute, fans et novices indulgents peuvent y trouver leur compte. Les personnages bougent bien, et l’action, même rapide, reste lisible. On soupire en se disant que l’on évitera la crise visuelle du dernier opus fanboy de Final Fantasy

Mais ce n’est que pour mieux déchanter au bout d’une demi heure de film, lorsque l’on s’aperçoit que tout tournera autour de cinq personnages seulement : Ling Xiaoyu et Alisa Boskonovitch pour la trame principale, toutes deux sur la piste d’un mystérieux (et nouveau venu) étudiant du nom de Shin, et la famille Mishima pour la toile de fond, à savoir la lutte entre Kazuya, Jin et Heihachi, à peu près aussi ridicule que la coupe de ce dernier depuis que Namco a décidé de se servir de ce prétexte de guerre intestine d’un opus à l’autre sans jamais qu’aucun des trois ne crève. A cela viennent s’ajouter les sœurs Williams aux rôles très effacés, Lee et Ganryu, qu’on ne verra pas plus de trente secondes chrono et Panda, animal de compagnie de Xiaoyu, finalement le seul bon élément du film, dont le mérite est de nous faire sourire.

Vous aimez Lee ? Savourez ! Sa présence restera des plus anecdotique.

Une dizaine de personnages donc, choisis pour des raisons obscures que l’on devine facilement : l’écolière jap Xiaoyu, plus populaire auprès du public que le rouquin Hwoarang ? Alisa, androïde kawaii aux cheveux roses, prétexte de Namco pour tenter d’accrocher les adeptes occidentaux de Japan Expo ? Autant de questions qui trouveront peut être un jour leur réponse. Toujours est-il que pour ma part, c’était déjà mal barré après les vingt premières minutes, et pour cause : Xiaoyu et Alisa, je ne les supporte pas.

Aussi bien scénarisé…qu’un Tekken.

Je l’évoquais plus haut, le scénario de Tekken : Blood Vengeance tourne autour de deux trames : les deux héroïne post-ados (dont une artificielle) d’un côté, les démons de Mishima de l’autre, et au milieu Shin pour lier le tout. Sans trop en révéler pour ne pas spoiler les éventuels fous qui regarderaient le film (je vous comprends les mecs, moi aussi j’aime me faire mal. La preuve, la nuit dernière, j’ai vu The Bleeding…), on remarquera que l’intrigue, si elle aurait pu aboutir à quelque chose, se révèle finalement très longue, pour ne pas être grossier. Principal coupable, le scenario, douloureusement étiré sur une heure et demi, là où le tout aurait pu être bouclé en moitié moins de temps.

Dommage que les plus jolies scènes, graphiquement parlant, soient souvent les moins utiles…

Et comme étirement rime avec meublement, le spectateur non averti (ou même très averti pour le coup) se bouffera une floppée de dialogues abscons, de scènes inutiles, et voir même quelques plans un brin exhibitionnistes. Tekken en film, à l’instar de Street Fighter, Mortal Kombat et autres Dead or Alive, nous rappelle une fois de plus qu’un scénario de jeu vidéo qui frise déjà le ridicule en étant raconté par deux cinématiques atteignant péniblement les cinq minutes d’histoire, se révèle abyssalement vide une fois balancé en long-métrage. On ne le dira jamais assez (et cette année me l’a assez prouvé, avec également Street Fighter – Legend of Chun-li) : les jeux-vidéos, de combats et en général, ne sont pas faits pour le grand écran.

Random Mode

C’est un peu à ça que ressemble la réalisation : un visuel aléatoire, qui peut nous faire tomber sur le meilleur ou le pire. On saluera donc les visages des personnages, de toute beauté, et la qualité de certains décors (Panda qui trace la route sur le lac dans un soleil couchant, c’est très joli), et l’on dépréciera tout aussi sec certains plans bien moins soignés, tant dans les décors que dans les animations : éclairage pas toujours bien maîtrisé, gestuelle pas toujours très naturelle, cheveux idem. Des défauts auxquels viennent s’ajouter des décors tantôt réussis, tantôt trop simplistes. A titre de comparaison, Square Enix et son Final Fantasy XIII (sorti en 2010) s’en sort mieux sur ses cutscenes… Mais surtout, faisait déjà techniquement mieux avec le film Final Fantasy – The Spirits Within, sorti en 2001.

Final Fantasy (2001), ou le syndrome du fossé technique inversé.

Le sentiment qui en ressort est sans appel : on a l’impression d’être devant une cinématique de 90 minutes aussi éloigné que possible de l’exercice cinématographique, ressemblant d’avantage à une intro dopée du prochain jeu. Et lorsque l’on sait que la version Blu-Ray du film est vendue dans le pack Tekken Hybrid, regroupant le film, une version HD de Tekken Tag Tournament (premier opus PS2, sorti en 2000) et une démo de Tekken Tag Tournament 2 regroupant quatre personnages du film (Alessa, Xiayou, Devil Jin et Devil Kazuya), on comprend mieux l’opération effectuée par Namco : un gros coup marketing pour rebooster sa saga. Un œil sur la presse spécialisée (et votre passion de gamer pour le tester, si le cœur vous en dit) vous confirmera qu’au delà du métrage, c’est le pack Hybrid tout entier qui se révèle d’une flemme sans fond. Loin de dissimuler l’opération, tout ceci ne fait finalement que mettre en évidence le but du studio : une grosse opération commerciale en vue de Tekken Tag Tournament 2 l’année prochaine, et un bon moyen pour exploiter de leur saga le minimum syndical tout en essayant de rattraper quelques fans perdus en cours de route. Décevant tant pour la licence que pour le studio qui l’adapte, surtout lorsque l’on sait ceux-ci capables de mieux. Terminons sur une note positive : les doublages sont relativement bons, de même que la bande-son générale. Mais pourquoi se priver des excellentes voix japonaises ?

Verdict :

Vous l’aurez compris, Tekken Blood Vengeance n’est pas une franche réussite. Tenant plus du coup marketing développé comme une énorme cinématique de jeu que comme un vrai film d’animation, celui-ci n’exploite ni le maximum de la saga Tekken, ni le meilleur du potentiel de Digital Frontier. Seuls les fans les plus hardcores ou les collectionneurs y trouveront leurs compte, le reste peut tranquillement passer son chemin, et attendre Tekken Tag Tournament 2.

Tony F.

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