Enter the void de Gaspar Noé (DVD)

Posté le 1 décembre 2010 par

Pour fêter la sortie DVD d’Enter The Void de Gaspar Noé, retour sur la pellicule et son tout puissant créateur. Par Dorian Sa.

Synopsis sous ecstasy

Quand les nuits Tokyoïtes vacillent sous les néons sanguins, Linda fait des strip-tease dans une discothèque tandis que son Oscar de frère néo-deale en quête du trip ultime.
Un soir, alors qu’il approvisionne un collègue dans un bar, il est avorté par la police d’une balle à bout portant. Son corps baigne dans une flaque d’urine, lové en fœtus dans un wc turque, mais son esprit plane au-dessus de lui et commence à rembobiner le film de sa vie…

Portrait de Gaspar sous Noé

2010 Sundance Film Festival - "Enter The Void" Portraits

Né en Argentine le 27 décembre 1963 d’un peintre et d’une assistante sociale, Gaspar Noé est promené par ses parents de New York à Buenos Aires durant sa prime enfance. A 12 ans, il poursuit sa scolarité en France puis obtient à 19 ans son diplôme de l’École Louis Lumière où il a étudié le cinéma. Il poursuit des études de philosophie à l’université de Tolbiac avant de réaliser Tintarella di luna, son premier court-métrage en 1985.
Figurant pour Dobermann de Jan Kounen en 1997, il est d’abord assistant directeur, assistant réalisateur et caméraman pour d’autres cinéastes, tout en menant à bien ses projets personnels (spots TV, clips -notamment pour le groupe Placebo et le chanteur Manu Solo – et courts, dont Carne, en 1991, prélude à son premier long Seul contre tous, en 1998). Irréversible (2002), son second long-métrage, avait scandalisé le Festival de Cannes et fait couler beaucoup d’encre dans la presse, car aucun artiste avant lui n’avait montré le sexe et la violence avec une telle sauvagerie. Enter The Void, sa première bobine tournée en anglais au Japon, est sa troisième œuvre majeure.
Vincent Cassel (protagoniste dans Irréversible) a dit de Gaspar Noé qu’il est pour lui le meilleur réalisateur français à ce jour. Et si Gaspar ne plaît pas à tout le monde, c’est peut-être bon signe. Qu’il suscite l’indignation pendant un viol interminable enregistré en plan séquence, ou qu’il ennui à cause de trop longs délires hallucinatoires, Noé n’en reste pas moins un génie post-moderne mondialement reconnu.

 

Enter The Void – Analyse sous Datura

1 – VISION SUBJECTIVE
EXTERIEUR RUE, SIRENES D’AMBULANCE, CREPUSCULE
Dans la ville où clignotent le plus d’enseignes au monde, un prénom se fait l’écho des cris de détresse et d’interrogation : « Alex… ». L’essence du petit Oscar observe la scène du haut de son voyage astral. Il avait juré, mais c’est arrivé si vite. Il se meurt, et maintenant, comment tenir sa promesse d’union éternelle faite à sa sœur Linda ? Plus il y songe et plus le relent amère de l’incident lui remémore les lieux du crash automobile qui tua père et mère sous ses larmes d’enfants.
Avant de finir en cendre dans un évier, et de poussière terrestre redevenir poussière d’étoiles, Noé combat ses démons (la perte des êtres chers, l’abandon et la crainte de mourir), quitte à envisager la possibilité d’un au-delà clément. Dès lors, le background bouleversant d’une vie sert de point d’ancrage à la dérive fictionnelle. Pour tout un chacun, la césure du cordon ombilical est un choc qu’on pourrait qualifier de première cicatrice du nourrisson. Par la suite, tous nos désastres significatifs viennent rappeler que la vie ne tient qu’à un fil, enfin, un cordon.
Fort de cette constatation, Gaspar reprend tout à reculons pour essayer d’analyser le « miracle humain ». Pour ce faire, il ne nous épargne rien, depuis les prémices de la procréation (coït intra-vaginal en gros plan interne et son éjaculation vers l’ovule à féconder) jusqu’au destin tragique des orphelins, leurs activités d’adultes, leurs liens fraternels, leurs presque incestes réciproques.
Quelques syncopes plus tard, la peine de Linda s’exprime hors champ contre champ plein champ, partout et tout le temps -la douleur du détachement familial, encore. Mais au fond d’elle-même, ou au-dessus, la présence d’Oscar demeure. Le cercle infernal se mort la queue. Pas d’échappatoire, aucun répit, il faut toujours renaître, comme une malédiction fascinante et terrifiante à la fois. C’est l’expérience unique de voir avec les yeux d’un nouveau-né, témoin ébahi du premier éveil de sa conscience…

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Inspiré par la littérature et le septième art, il semble que Noé ait puisé dans certains ouvrages en particulier : La Vie après la mort de Raymond Moody, Le livre des morts des anciens égyptiens (qui donne les clés de la résurrection dans l’au-delà) et Le Livre des morts tibétain (qui permet de ne plus ressusciter indéfiniment). Il a aussi réinventé la caméra subjective, après avoir vu La Dame du Lac de Robert Montgomery (1947) et Strange Days de Kathryn Bigelow (1995). Du reste, Noé confesse que « le vrai ressort dramatique dans ce film est le pacte de sang des deux enfants, avec cette promesse impossible à tenir de se protéger mutuellement, même par-delà la mort. » Voilà qui résume en quelques mots sa démarche…
Outre le mélodrame psychédélique et les distorsions du vécu, Noé sait comme personne mettre en forme son récit grâce à des moyens techniques époustouflants. Changer de décor par surimpression ton sur ton quand les personnages demeurent statiques, représente une virgule dans le scénario. Aider de BUF aux effets visuels, il réussit encore son pari : faire que le spectateur s’implique autant physiquement que psychologiquement à travers ses images fictives… Bravo !

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Bonus sous LSD

Les scènes coupées :
Si toute scène coupée a été jugée superflue lors du montage, il est intéressant de comprendre pourquoi et de reconstituer le projet d’origine dans sa totalité. Certaines situations enlevées éclairent les personnages et l’intrigue de détails permettant une compréhension accrue de l’histoire.
Enfin, de là à dire que c’était une nécessité de les introduire dans les Bonus, libre à vous d’en juger.

 

Le making of effets spéciaux :
Le making of des effets spéciaux se passe de commentaire, il se contente de mélanger les séquences qui ont suscitées touches et retouches, en dévoilant les trucages à la manière d’un storyboard numérique. Le squelette sous la chair en somme.

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Les projets d’affiches :
Rien à dire, de toute façon on préfèrera l’affiche d’ Irréversible, n’est-ce pas… Oups !

DMT et VORTEX :
des Effets visuels de BUF, prodige ayant notamment collaboré à l’esthétique d’ Avatar et de The Dark Knight. Son travail est magnifique, visionnaire et quelque peu angoissant. À voir seul, en Imax.
?DMT
A l’image de Vortex, dont je parle plus bas, DMT reprend les phases psychédéliques d’ Enter the Void en les prolongeant jusqu’à l’extase.
D’avant en arrière, le regard parcourt des formes kaléidoscopiques échappées d’une sorte d’embryon. Sur cette bulle maternelle s’agglutinent ce qui ressemble à des racines ou à des spermatozoïdes…
De quoi tester les hallucinations de cette drogue sans risquer le Bad trip. En revanche, pour ce qui est d’accéder à la Sagesse dans la foulée, il vaut mieux lire L’herbe du diable et la petite fumée de Carlos Castaneda.

 

De Las Vegas Parano ( Terry Gilliam, 1998) à Blueberry ( Jan Kounen, 2003), les allusions au DMT et à l’Ayahuasca (la mixture originelle avant la récupération occidentale du produit par le chimiste anglais Richard Manske) sont moins répandues que celles sur les drogues traditionnelles. Dans Trainspotting ( Danny Boyle, 1996) ou Requiem for a Dream ( Darren Aronofsky, 2000), qui nous ont fascinés ou horrifiés, on n’est jamais allé aussi loin qu’ Enter the Void dans la retranscription du périple.

Le DMT, dont les consommateurs semblent chercher par-delà l’expérience subliminale, l’explication de l’existence (en accédant à un état d’hyper-conscience sans aucune frontière inhibitrice), est d’un point de vue mystique une façon de se révéler à soi-même son moi profond.
La diméthyltryptamine, substance naturellement produite en très petite quantité chez l’Homme, se retrouve fortement dosée dans le DMT. Psychotrope souvent synthétique en cristaux à fumer, il est issu de plusieurs plantes dont les psychotria ou les Anadenanthera. En potion, on la nomme Ayahuasca. Elle se boit en deux mixtures vomitives, une décoction préparée par les Indiens d’Amazonie. On la retrouve notamment employée au Pérou et au Brésil à travers les pratiques Chamaniques, afin de libérer les esprits de leurs maux. Elle existe aussi en poudre à priser : Yopo.
La diméthyltryptamine est la molécule à l’origine des rêves. Il paraîtrait qu’une décharge massive peut se produire dans le crâne lors d’un accident grave ou au cours de la mort (lire L’Ultime Secret de Bernard Werber).

?VORTEX
Quelle période de turbulence que cette blancheur spectrale qui s’observe dans les nuages par le hublot d’un avion. Ici, Vortex est à comprendre selon sa signification asiatique : une description de l’infini par le médium informatique. C’est habituellement un portail sans temps ni espace dans le cinéma de Science Fiction. Il est symbolisé par un tourbillon blanchâtre censé évoquer l’énergie vitale de tout être. Tantôt tornade céleste, bourrasque de l’ADN ou typhon marginal de la psyché, le Vortex se situe sans doute entre enfer et paradis. Quoiqu’il en soit, rien ne sert de trop le décrire, chacun l’interprétera à sa manière.

Vortex

Energie ! (un court-métrage) :
(A voir à la géode)

Energie !

 

Imaginez que Noé vous connecte à ses neurones… Energie ! C’est un peu ça ! Mais attention : mieux vaut suivre quelques règles ! S’il y avait un avertissement il ne dirait pas : « interdit au moins de 16 ans » mais « déconseillé aux épileptiques et aux photosensibles ». Pour les autres, il y aurait une notice : « à voir de toute urgence sur le plus large écran possible ». Bien sûr, il faudrait respecter à la lettre l’ordonnance (mode d’administration : isolez-vous, faite le vide mental, concentrez-vous sur votre respiration et appuyez sur play. Contre-indication : produit extrêmement concentré à ne mélanger à rien, surtout pas les drogues dures, sous peine d’overdose. Posologie : ne pas dépasser 10 « visionnages » de suite, vous risquez de finir comme le métaphysicien de Pi, depuis en proie à des migraines chroniques insoutenables…)
Ovni ou bug de la matrice, Energie ! ferait presque croire en Dieu… C’est un objet artistique pur entre éclairs et synapses, entre noir et blanc, évoquant Pi de Darren Aronofsky (1998), pour la tendance « j’ai trop regardé le soleil » -ou comment fixer une éclipse sans perdre la vue… Un cerveau brillant tel un astre incrusté dans la rétine…

 

Bande annonces :
Quand un beat de Bach et une symphonie électro engagent une mini conversation avec la rumeur morbide de la ville, ça donne les bandes annonces d’ Enter the Void, et ça nous plaît !
Il y a la BA Française, l’internationale, les non utilisées (ou 24 images ou 24 secondes ; 1 seconde se divise en 24 images sur le format Blu-Ray par exemple) qui se focalisent sur les deux frères et sœurs à la mode des clips technos ultra succins. Et enfin des Teasers, aussi puissants que minimalistes, qui disent beaucoup autant que peu. Résolument intriguant.

Partie Rom :
Le scenario au format PDF. Un cadeau de Noël pour les puristes, les fans, les étudiants de la Fémis…
Des liens via les partenaires et le site officiel, lequel vous bercera pendant votre visite au son des clochettes de Bach. Vous jubilerez sur ces airs avec votre souris, je ne vous en dis pas plus…

 

Ce qu’il manque :
Quasiment rien. Le DVD 1 propose le métrage montré au cinéma et aussi sa version courte, de quoi se prémunir contre toute complaisance narrative. Néanmoins, une interview de Gaspar Noé et de l’équipe du tournage aurait été un plus, mais il y en a déjà tellement sur You Tube qu’on ne peut pas lui en vouloir.
Je ne perds pas espoir de voir un jour Noé réaliser de la Science Fiction ou de l’Horreur. Juste un fantasme, comme ça. Tout peut encore arriver, une commande, un coup de folie, je croise les doigts…

Dorian Sa

Verdict :

Sugoicopier1

A lire aussi :
La critique du film par Antoine Benderitter

Enter the void, 3 éditions hors-normes (édition collector 2 DVD, édition Blu-Ray et coffret édition ultime) disponible chez Wild Side Vidéo.

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