FFCP 2025 – Hi-Five de Kang Hyoung-chul

Posté le 7 novembre 2025 par

L’un des films les plus attendus par les amateurs de cinéma populaire coréen cette année au Festival du Film Coréen à Paris (FFCP) était Hi-Five, le nouvel opus de Kang Hyoung-chul, célèbre pour Sunny et Swing Kids. Le cinéaste s’attèle ici à créer un film de super-héros résolument coréen, avec le talent pour la mise en scène et le goût du travail musical qu’on lui connaît.

Un homme mystérieux meurt à l’hôpital, donneur de 6 organes (le cœur, la cornée, le pancréas, le foie, les poumons et un rein). Dans les jours qui suivent, chacun des bénéficiaires développe d’étrange capacités et découvre qu’un tatouage est apparu sur son corps. Certains d’entre eux décident de s’unir pour utiliser leur pouvoir pour le bien, mais ils soupçonnent que l’un d’entre eux est forcément destiné à devenir un méchant avide de pouvoir, comme le veulent les règles du genre.

Tourné en 2021 et initialement prévu pour une sortie en 2022, Hi-Five a vu sa sortie repoussée en Corée à l’été 2025 à cause d’un scandale lié à la drogue puis d’une accusation d’agression sexuelle impliquant Yoo Ah-in, interprète d’un des héros surtout connu en France pour son rôle dans Burning. Il n’est pas clair si le montage en a été affecté, le personnage étant central dans l’intrigue mais l’acteur ayant été tenu à l’écart de la tournée de promotion du film, et même de l’affiche. Avec 1,8 millions de spectateurs en Corée et la tête du box office pendant 10 jours consécutifs, les scandales et le report semblent pourtant avoir perturbé la carrière du film, puisqu’il a finalement été relégué en 8e place du box office annuel.

Ces tristes coulisses mis à part, le film est assez réjouissant : le réalisateur s’amuse à faire sa propre version d’Incassable, avec des personnages qui s’interrogent sur les tropes propres aux récits super héroïques, mais dans un esprit moins solennel et plus narquois que M. Night Shyamalan. Comme le veut ce genre d’histoire depuis les années 60, les protagonistes ne sont pas des héros de pulps à la mode des années 30, mais des gens ordinaires, souvent à la limite du antihéros, propulsés dans ce monde par hasard, et qui vont apprendre à utiliser leur pouvoirs pour trouver transcender ce qui les ronge. A la façon des X-men, les personnages deviennent au fur et à mesure une sorte de famille hétéroclite, avec ses crises, ses moments touchants et ses chamailleries de plus en plus fraternelles. Si l’héroïne principale, incarnée par Lee Jae-in, est un personnage assez classique (jeune fille cardiaque, elle hérite de capacités physiques surhumaines : force, résistance, vitesse…), son personnage brille par sa relation avec son père, professeur de taekwondo, qui lui interdit toute activité physique et l’étouffe, en pensant la protéger. Les autres personnages ont eux aussi tous un élément surprenant permettant de mettre en valeur leur parcours interne, tous pouvant à leur tour paraître un traître potentiel. L’une des forces du film est sa grande dimension ludique, les scènes d’action incorporant vraiment la personnalité des différents personnages et la musique étant intégrée aux scènes au point que l’un des personnages s’y retrouve étroitement associé (on remarque d’ailleurs que c’est celui qui a un problème de vue qui est obsédé par le son, variante intéressante sur la cécité de Daredevil).

Si Hi-Five est en soit un très bon film de superhéros, il n’en est pas moins aussi un film très coréen, non seulement par l’intégration du taekwondo, de références, et du look d’un des héros, mais aussi par l’importance de la présence d’une secte dans la narration. Le danger n’est pas seulement une puissance financière à la Lex Luthor mais aussi la tête d’un culte vampirisant et brutalisant ses fidèles. Le film oppose ainsi l’altruisme gratuit de l’héroïsme à l’hypocrisie d’un discours d’amour ne reposant que sur la quête de gloire et de reconnaissance. La question du rapport à la foi est ainsi l’objet de certains des traits d’esprit les plus drôles du film. Mais ce choix d’une espèce de méga église mégalomane est aussi l’occasion de fournir des décors fous et des scènes de grand spectacle mémorable, avec un antagoniste à l’évolution surprenante conservant malgré ses transformations son goût pour la théâtralité. Au milieu de la débauche de moments spectaculaires (dont une course poursuite aussi improbable que mémorable) et comiques, Kang Hyoung-chul, avec le talent pour la mise en scène qu’on lui connaît, sait jouer sur les moments de tension et d’émotion, pour rendre les moments de triomphe encore plus satisfaisants. En grand divertissement familial, le film est bien sûr plus léger in fine que Sunny ou a fortiori Swing Kids, mais le film aborde tout de même des thèmes comme les suicides, la dépression, la difficulté à être un bon père, la culpabilité, la peur du handicap, le pouvoir destructeur des sectes sur les familles et l’isolement social, mais sans jamais s’appesantir dessus.

S’il n’a pas la profondeur des films précédents du réalisateur, le film est cependant clairement un des meilleurs films de super héros de l’année, et le réalisateur ne renie pas du tout son style en s’abandonnant au grand spectacle bon enfant. C’est bien joué, efficace et souvent drôle, avec des scènes d’action qui savent gérer leurs enjeux, et c’est tout ce qu’on attend de ce genre de film. C’est un peu tout ce que Omniscient Reader a échoué à être cette année. On espère seulement que le prochain film de Kang Hyoung-chul mettra moins de temps à arriver sur les écrans, après cette attente de 7 ans, et qu’il n’aura pas la même malchance avec l’une de ses stars…

Florent Dichy

Hi-Five de Kang Hyoung-chul. Corée. 2025. Projeté au FFCP 2025