FFCP 2025 – Yadang: The Snitch de Hwang Byeong-gug

Posté le 27 novembre 2025 par

Présenté en présence de son réalisateur Hwang Byeong-gug au Festival du Film Coréen à Paris (FFCP), Yadang: The Snitch est l’un des thrillers coréens les plus efficaces de la période post COVID, avec une parenté évidente avec les Veteran de Ryoo Sang-wan. Le film mélange une envie de grand spectacle avec une volonté presque documentaire dans la représentation du rapport à la drogue en Corée. Un indic se retrouve pris dans dans un jeu de pouvoir entre trafiquants de drogues et politiciens corrompus. Avec l’aide d’un policier trop intègre pour son bien, ils décident de faire tomber ceux qui les ont trahis.

Le moins qu’on puisse dire est que Hwang Byeong-gug s’est impliqué dans son film : en travaillant à rendre son intrigue plus crédible en rencontrant drogués et dealers, il a été repéré par la police, pris lui-même pour un consommateur ou un trafiquant et a personnellement connu les tests de dépistages qu’il montre dans son film. Le commissariat est d’ailleurs apparemment celui où il a été interrogé, pour plus de réalisme. Pourtant, toute cette dimension réaliste sert avant tout d’arrière plan, puisque le réalisateur fait avant tout un film de divertissement (il affirme que sa priorité est d’empêcher les gens de sortir leur téléphone pendant tout le métrage), avec des scènes spectaculaires et des retournements de situation. Kang Ha-neul n’était apparemment pas l’acteur prévu initialement, mais il est celui qui a accepté de jouer un drogué à l’écran, et il en tire tout ce qu’il peut en présentant un personnage exagérément cool, désireux de toujours être ostensiblement en contrôle pour éviter l’humiliation d’être la victime. Park Hae-joon est dans le rôle classique du policier bourru mais honnête, le toujours excellent Yoo Hae-jin joue le fourbe procureur, tellement ambitieux qu’il devient de plus en plus maléfique et pitoyable et Ryu Kyung-soo cabotine dans le rôle du méchant très méchant. Dans cet univers excessivement masculin, Chae Won-bin incarne le seul personnage féminin notable du film, même si elle est davantage traitée comme un accessoire du scénario, pour donner des enjeux aux personnages masculins plutôt qu’un personnage aussi développé que les héros.

Très efficace, le film n’est pas avare en scènes d’action, de la course poursuite en voiture à des combats en prison en passant par les scènes de brutalité des mafieux, mais il offre aussi de bons moments de confrontations d’acteurs, jouant sur le charisme pour des scènes de duels dialogués et quelques jeux de changements de points de vue pour mettre en valeur la ruse de nos personnages. Tout n’est pas original, on pense bien sûr à Ryoo Sang-wan, dont le style est proche, et même à une version accélérée de Old Boy quand le héros se reconstruit et prépare sa vengeance après la trahison. Le réalisateur a visiblement à cœur d’évoquer la difficulté à sortir de la dépendance et les séquelles qui perdurent ensuite, mais cela reste un peu gadget par rapport au déroulement de l’intrigue qui prend le pas sur tout. De même, le sort de l’héroïne fait écho à diverses affaires réelles et sert à dénoncer des dérives propres à la société coréenne, mais sans jamais vraiment développer. Le travail de recherche du réalisateur, sans être entièrement escamoté, reste avant tout là pour rendre crédible son grand terrain de jeu, et il faut reconnaître que la dimension ludique marche très bien.

Comme dans toute bonne histoire de corruption, l’intrigue mêle le monde du crime à la politique, la police et la justice et se réserve quelques scènes volontairement scandaleuses pour rendre la résolution cathartique d’autant plus drôle et inattendue (mais en même temps en sapant un peu le réalisme de l’ensemble). Le film est avant tout un grand jeu, avec des fusils de Tchekhov positionnés de façon à ce que le spectateur puisse avoir toutes les pièces pour résoudre lui-même l’énigme du plan du trickster, juste avant qu’on nous confirme la réponse, avec un personnage toujours à la limite de casser le quatrième mur dans sa connivence avec les conventions du genre. Bien joué, bien mis en scène, parfois drôle, avec du suspens et une volonté d’impliquer son public, le film remplit bien son contrat. Il ne change pas le paysage du cinéma coréen, les recettes sont déjà connues, mais il est avec Veteran 2 l’un des plus efficaces polars coréens récents. Avec ses personnages archétypaux, sa principale originalité est d’informer sur des points précis de lois et de rapport à la drogue en Corée ; sa plus grande faiblesse étant sans doute le sous emploi du personnage féminin (comme tous les personnages, elle connaît l’arc narratif qu’on lui devine assez tôt, mais un partie aurait pu être subvertie pour échapper à certains impensés…). Si on ne boude pas son plaisir, malgré ses limites, le film mérite amplement son succès.

Florent Dichy

Yadang: The Snitch de Hwang Byeong-gug. 2025. Corée. Projeté au FFCP 2025