Ishibashi Yoshimasa

KINOTAYO 2024 – Entretien avec Ishibashi Yoshimasa pour La Forêt interdite

Posté le 5 décembre 2024 par

Actif depuis les années 1990, Ishibashi Yoshimasa présente au Festival Kinotayo son troisième long métrage, La Forêt interdite, un conte fantastique envoûtant au message environnemental. Dans un entretien, il revient sur son parcours et ses nombreux projets mâtinés d’absurde et de surréalisme, entre performances multimédia et programmes TV à succès.

Vous avez fondé dans les années 90 le collectif Kyupi Kyupi. En quoi consiste ce collectif ? Est-il toujours actif ?

C’est un groupe de performance audiovisuelle qui mélange plusieurs médias : vidéo, musique, danse, expérimentations graphiques, animation 3D. Le groupe n’est plus actif. Le hasard a fait que la première performance de Kyupi Kyupi a été organisée à l’École des Beaux Arts de Paris. Après ça, il y a eu plusieurs expositions ou performances au Palais de Tokyo et dans d’autres centres d’art contemporain.

Votre premier long métrage est I Wanna Drive You Insane, un film en noir et blanc qui tranche avec les couleurs flashy de vos vidéos avec Kyupi Kyupi. Vous avez réalisé ce film tout seul ou en collaboration avec des membres de Kyupi Kyupi ?

J’ai réalisé le film tout seul : scénario, mise en scène, prise de vue, montage… Kyupi Kyupi n’était pas encore actif à l’époque. Le film était auto-produit mais il a été distribué à Tokyo et dans le Kansai. Il a quand même attiré 10 000 spectateurs.

On vous connaît surtout pour le programme Vermilion Pleasure Night, diffusé sur Tokyo TV au début des années 2000, plus particulièrement les séries Fuccon Family et Oh! Mikey, avec des mannequins américains qui découvrent le Japon. Comment vous est venue l’idée de réaliser ce programme ? Avez-vous été surpris de son succès ?

Vermilion Pleasure Night était un concept de Kyupi Kyupi : un programme TV composé de plusieurs sketches et vidéos courtes pour toucher une grande audience. La télévision était le média le plus adapté, même si les programmes sont interrompus par des publicités. La télévision était vraiment la base de ce projet artistique. Fuccon Family était l’un des programmes courts diffusés dans l’émission. Utiliser des mannequins permettait de réduire les coûts : pas besoin d’acteurs, juste des mannequins filmés en plans fixes. En plus, ça permettait d’exporter le programme à l’étranger et de faciliter son doublage. C’est la série qui a eu le plus de succès et TV Tokyo a décidé d’en faire une émission indépendante et de développer le spin-off Oh! Mikey, qui représentait jusqu’à 10% de part d’audience à l’époque. On a même décliné Oh! Mikey dans un long métrage qui a été projeté dans plusieurs festivals, notamment à Berlin. Donc ça a fonctionné non seulement au Japon mais à l’international. En France, la série a été diffusée sur Arte.

Ishibashi Yoshimasa - Kyupi Kyupi 1 million

Votre deuxième long métrage, Milocrorze (2011), est à nouveau très coloré. Il mélange des sketches, un conte surréaliste et une histoire de sabre rétrofuturiste. Là encore, on est proche de saynètes qu’on peut trouver en épisodes télévisés. Avez-vous voulu reprendre le style que vous aviez développé à la TV ou dans vos performances vidéo pour en faire un long métrage ?

Pas vraiment. Ce film était un défi contre les films « ordinaires » qu’on voyait à l’époque au Japon. C’est un film omnibus avec des séquences différentes mais qui forment un tout cohérent.

Vous inscrivez-vous dans une mouvance surréaliste qu’on peut retrouver chez Obayashi Nobuhiro ou Ishii Katsuhito, avec son Funky Forest ?

Je ne pense pas qu’il y ait une réelle mouvance surréaliste. Les réalisateurs que vous citez sont surtout des expérimentateurs vidéo, c’est assez rare.

Dans Milocrorze, le célèbre réalisateur Suzuki Seijun, connu pour ses expérimentations dans les années 60 (La Barrière de la chair, La Marque du tueur), joue un second rôle : c’est un clin d’œil à un certain esprit surréaliste ?

Ce n’est pas forcément un clin d’œil. Le producteur du film connaissait Suzuki Seijun qui a accepté de jouer dans le film. Il a dit qu’il n’avait rien compris au scénario mais il a quand même accepté de faire l’acteur.

Avec La Forêt interdite, projeté à Kinotayo, on a l’impression que vous tournez votre premier film « conventionnel », avec un seul fil conducteur et non une succession de sketches. Quelle était votre intention avec ce film ?

Là je voulais réaliser un film avec un message clair sur la protection de l’environnement et de la nature. C’est un scénario original. Il y a quand même un lien avec Vermilion Pleasure Night parce que le titre littéral du film est « Six femmes qui chantent » qui est le nom d’un clip vidéo et musical réalisé à l’époque. La Forêt interdite n’a rien à voir avec ce clip musical mais j’aimais bien le titre et j’en ai repris le thème musical qui est fredonné par l’une des actrices à un moment dans le film.

Ishibashi Yoshimasa - La Foret interdite

Avez-vous des projets en cours ?

J’ai trois idées dont l’une qui date de vingt ans. À l’époque, j’avais écrit un scénario, dessiné un storyboard et même commencé à penser aux acteurs mais je n’avais pu mener à bien ce projet par manque d’argent. Je pense donc le reprendre.

Pour terminer, nous demandons toujours aux personnes avec lesquels nous nous entretenons de nous dire une scène de cinéma qui les a marqués. Un moment de cinéma particulier qui vous a marqué en tant que spectateur.

Il y en tellement. Dès l’enfance, j’ai été marqué par des films fantastiques. Quand j’étais en CE2, la séquence des singes dans 2001, l’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick m’a particulièrement marqué. J’aimais aussi beaucoup Brian de Palma pour Phantom of Paradise, Body Double ou Dressed to Kill.

Entretien réalisé par Marc L’Helgoualc’h

Traduction : Shion Fukai

Remerciements à toute l’équipe de Kinotayo