ETRANGE FESTIVAL 2024 – House of Sayuri de Shiraishi Koji

Posté le 13 septembre 2024 par

Auteur de nombreux films à caractère horrifique depuis le début des années 2000, le metteur en scène Shiraishi Koji revient sur le devant de la scène internationale avec son dernier long-métrage House of Sayuri, présenté en compétition à L’Etrange Festival. Un film qui ne tient pas forcément toutes ses promesses mais qui se révèle finalement plutôt sympathique et surprenant.

Dans une petite ville sur la côte japonaise, la famille Kamiki, trois enfant, les parents et les grands-parents, s’installe dans une grande maison, laissant derrière eux Tokyo et une vie que l’on devine compliquée. Mais l’euphorie des début va laisser place à l’horreur car les membres de la familles vont tous être victimes de forces maléfiques. L’ainé de la famille, Norio, va tenter de conjurer le mauvais sort qui le menace, avec l’aide d’une alliée inattendue. 

A la lecture de ce court résumé, l’amateur de cinéma fantastique nippon soupirera, tant le film ne semble faire aucun effort pour sortir des chemins archi-rebattus du genre horrifique de la J-horror, qui depuis Ju-On et Ring notamment, ne cesse de réutiliser ad nauseam les tropes du film d’épouvante. A l’écran et pendant les 30 premières minutes, on craint d’ailleurs le pire. Une grande maison dont tout le voisinage déconseille de s’approcher, les silhouettes fantomatiques dans le second plan, et pire encore, le film propose même la petite fille aux cheveux longs et noirs. Et le spectateur de se demander si le film va à un quelconque moment oser proposer une once d’originalité. Mais rapidement le réalisateur commence à faire dérailler son film pour lui donner sa propre identité. Un ton qui va passer de la J-horror pure et dure à la plus extrême à la comédie décomplexée. Dans la première partie, si on ne sort pas des clichés propres au film de hantise nippon (l’origine de la malédiction est d’une tristesse sans fond), Shiraishi n’y va pas par quatre chemins et décime (presque) tout son casting de la pire des manières et personne n’est épargné, dans des excès de violence assez étonnants. Quelques indices sont disséminés ici et là pour annoncer la deuxième partie plus légère, avec notamment un diner qui finit en baston générale, mais on reste assez surpris de voir un film qui, s’il applique le minimum syndical côté effroi et qui de facto ne fait jamais peur, ose faire grimper le body count aussi rapidement.

C’est lorsque le film semble arriver dans une sorte d’impasse narrative que le script dérape sans prévenir et embraye sur le ton de la comédie horrifique. Loin des habituels clichés des victimes de fantômes vengeurs, fuyant en essayant de trouver la solution (représentées ici par Norio, dernier survivant en sursis), le script fait entrer dans le récit le personnage de la grand-mère, jusqu’ici plutôt effacé car présenté comme une personne souffrant d’Alzheimer, mais qui se réveille pour se battre avec le fantôme qui a détruit sa famille, et au passage sauver son petit-fils. Qui plus est, plutôt que de montrer la matriarche comme une sage personne réfléchie et censée, elle est ici caractérisée comme la plus excentrique des chasseurs de démons, beaucoup plus portée sur les jurons, la cigarette et les coups de poings que les exorcismes à base de sutras et prières.

A ce stade, le film a définitivement fait une croix sur toute tentative d’inspirer un quelconque sentiment d’effroi chez le spectateur, et mise tout sur le duo improbable mais fondamentalement attachant constitué de Norio et sa grand-mère. Alors, le résultat est parfois un peu poussif et peu subtil, avec notamment l’entraînement quasi militaire que fait subir la grand-mère à son petit-fils, mais le film parvient à trouver un bon équilibre entre le film fantastique option hantise et la comédie, un mélange harmonieux où les clichés d’un genre viennent systématiquement côtoyer ceux de l’autre. On pensera notamment à la visite de l’incontournable exorciste venu sauver la famille mais qui finit roué de coups et insulté par la grand-mère qui préfère gérer la situation à sa manière en attendant le démon pour le frapper.

Le dernier acte est d’ailleurs un parfait exemple du bon équilibre que trouve le film, avec l’incontournable mais émouvant flashback explicatif qui fera la lumière sur les origines de la malédiction, mais au sein duquel le réalisateur se lâche complètement avec la grand-mère qui n’a plus aucune retenue et agresse absolument tout le monde, dans des excès gores et ultra-violents tellement outrés qu’ils en deviennent hilarants.

Au final, si le film demeure éminemment sympathique, il n’en est pas moins  imparfait, échouant parfois à jongler sur la longueur entre deux genres diamétralement opposés. Un long-métrage qui, s’il sait se montrer généreux lorsqu’il aborde le registre de la comédie, aurait gagné à oser être plus rigoureux et effrayant dans ses élans horrifiques, assez inoffensifs car trop génériques dans leur représentation.

Romain Leclercq.

House of Saryuri de Shiraishi Koji. 2024. Japon. Projeté à L’Etrange Festival 2024

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