Après une exploitation limitée en 2 jours, le blockbuster chinois phénomène Creation of the Gods I de Wuershan, premier opus d’une trilogie en cours de production adaptant L’Investiture des dieux de Xu Zhonglin, revient en salles de manière plus large et traditionnelle via Eurozoom.
Le Prince Yin Shou tente de monter sur le trône du royaume des Shang dans le sang avec l’aide de sa maîtresse Su Daji, elle-même sous l’emprise du Démon Renard. Le sage taoïste Jiang Ziya descendu du Mont sacré Kunlun et Ji Fa, jeune guerrier élevé par Yin Shou, s’allient pour combattre le tyran.
Entre Stephen Chow (Journey to the West), Tsui Hark (Zu, les guerriers de la montagne magique), Yuen Woo-ping (The Thousand Faces of Dunjia) et bien d’autres encore, nombreux sont les cinéastes déjà en place à s’être essayés, pour diverses raisons, à la réalisation de gros budgets adaptés de la littérature xianxia pour le compte de studios continentaux. À vrai dire, la fantasy médiévale et mythologique chinoise représente aujourd’hui une part majeure du marché cinématographique et télévisuel local. Wuershan n’a alors réalisé que quelques blockbusters mais se voit confier la tâche d’adapter en trois parties l’un des romans les plus notoires de l’histoire classique chinoise.
Celle-ci est pour le moins complexe pour le spectateur occidental non aguerri des subtilités géopolitiques de la Chine dynastique. Elle se déroule dans le royaume des Shang, gouverné de droit divin par le roi et ses héritiers. Royaume qui lui-même est segmenté en plusieurs provinces représentées par leurs souverains du Nord, du Sud, de l’Est et de l’Ouest. À cela s’ajoute la dimension mythique de l’œuvre et son univers panthéonesque. Une fois les bases assimilées, Creation of the Gods I se déploie comme une course démesurée pour le trône où le juste s’oppose naturellement à la corruption de ses suzerains, dans la grande tradition des intrigues de palais, des jeux de pouvoir et de trahison à la cour impériale.
La première chose que l’on est en droit d’attendre d’un tel film, est bien entendu la qualité irréprochable du grand spectacle. Il semblerait qu’il n’y ait pas grand chose à dire à ce niveau, ce premier volet offrant ce qui se fait très certainement de mieux depuis des années. À la pointe de la technologie, les effets spéciaux servent un récit romanesque, épique et acharné aux costumes flamboyants, où la valeur martiale est célébrée au même titre que la grandeur de la Chine et de sa civilisation. Les cinq éléments se déchaînent et convergent sur un champ de bataille inondé de dizaines de milliers de combattants. Le film met cependant l’accent sur les relations entre les quatre fils des seigneurs vassaux, retenus en otage par la cour pour s’assurer de leur loyauté et les prémunir de fomenter contre le roi unique. Une idée qui permet d’identifier plus humainement le nœud politique auquel le spectateur fait face et qui ne serait pas aussi ravissant sans la présence de cette poignée de personnages, en particulier celui de Ji Fa, incarnant le courage de l’être pur et l’humilité par les racines agricoles de son peuple.
Bien que pensé et conçu pour le marché chinois, Creation of the Gods I se veut accessible quant à la compréhension de sa cosmogonie. Les enjeux divins se conjuguent avec facilité à ceux des humains, tous motivés par ce désir d’échapper à la malédiction qui s’abat sur le royaume, ce qui a néanmoins tendance à figer l’écriture dans un contexte prophétique prédéfini et imperméable à la surprise. Toute considération politique contemporaine mise de côté, Creation of the Gods I n’est pas que la réponse chinoise à Hollywood : il est le résultat de décennies de savoir-faire en matière de récit épique et de promotion d’une culture mythologique sur grand écran. Un plaisir qui ne se refuse pas et dont on espère un succès proportionnel à la hauteur des 60 millions de spectateurs que le film a rassemblés en Chine.
Richard Guerry
Creation of the Gods I de Wuershan. Chine. 2023. En salles le 10/07/2024.