EN SALLES – Dead or Alive 2: Birds de Miike Takashi

Posté le 11 juillet 2024 par

La ressortie de la trilogie Dead or Alive de Miike Takashi par Splendor Films au cinéma nous permet de nous replonger à présent dans le deuxième opus : Dead or Alive 2: Birds.

Nous avions laissé le premier volet de la trilogie sur l’explosion de notre planète Terre, à la suite des affrontements d’Aikawa Sho et Takeuchi Riki dans leur rôle respectif de de Jojima et Ryuchi. Après un tel final, nous étions alors en mesure de nous demander comment l’histoire allait pouvoir reprendre et si Miike conserve les thématiques principales de Dead or Alive, il en déplace tout de même nettement les enjeux. Nous retrouvons les mêmes acteurs, cette fois dans des rôles bien différents puisqu’ils troquent leur rivalité de yakuza et flic pour les rendre désormais collègues dans leur activité de tueurs à gages, et nous quittons le bruit, la débauche et l’agitation de la grande ville pour la nostalgie romantique de la campagne japonaise. Mizuki (Aikawa Sho) est chargé d’assassiner une cible mais se fait doubler sur la mission par un autre tueur, Shu (Takeuchi Riki). Les deux hommes réalisent alors qu’ils sont amis d’enfance et décident de s’allier pour transformer leur activité lucrative en mission caritative, en investissant leur argent gagné dans la recherche pour aider les enfants malades.

Lors du final de l’opus précédent, le cinéaste convoquait des motifs liés à l’enfance pour illustrer la frénésie destructrice de Jojima et Ryuchi. Dans leur dernier affrontement, les deux hommes faisaient état d’une surenchère dans leur bataille qui évoquait les jeux d’enfants. Ah, tu m’affrontes avec un pistolet ? Eh bah moi, j’ai un bazooka ! Et moi, je peux faire sortir de l’énergie de mes mains et te la rediriger dessus ! Et moi… etc. Tout en relevant de la jouissance pure du chaos, il y avait quelque chose de l’ordre de l’inconséquence assumée, point final d’un nihilisme ambiant, dont les tenants et aboutissants étaient égrenés tout au long du film. Cette fois-ci, l’enfance est mobilisée comme refuge face à ce même monde déliquescent. Miike ouvre une parenthèse dans la vie de ses personnages, le temps qui s’écoule à la campagne est suspendu pour leur permettre de remettre en perspective la fureur de leur vie citadine par le biais de leurs souvenirs d’enfance. Les deux hommes se replongent dans leur jeunesse et redécouvrent un monde de sensations disparues. Ils jouent de nouveau ensemble, font du sport et du théâtre, dessinent des figures dans le sable, etc. Le premier volet montrait une société violente et accélérée jusqu’à l’abstraction, et on retrouve dans le second, l’expérience tangible de la matière et de celle du temps qui passe. On prend désormais le temps d’étirer les séquences pour rendre plus perceptibles les éléments du vivant, l’eau de la mer, le sable, les moments de flottement. On retrouve un peu de Sonatine, dans ce principe de bulle enchantée, qui si elle est vouée à éclater, parvient tout de même à laisser place à une tranquillité et un repos salvateur. Si Dead or Alive préparait le terrain à des œuvres ultérieures du cinéaste comme Izo, on perçoit plutôt les prémices de films comme Gozu dans Dead or Alive 2. Le monde extérieur continue d’exister et se fait sentir comme une épée de Damoclès, mais on s’attarde et s’attache à montrer une possibilité de monde en parallèle, davantage tourné sur la réflexion que sur l’action.

Cette même réflexion qui va mener les deux héros vers une œuvre charitable, en « tuant un homme pour sauver 100 000 enfants » se construit là encore, en parallèle de la société présentée dans Dead or Alive premier du nom. En plus de la violence et de la frénésie de la vie citadine qui nous était dépeinte, nous assistions à une situation dont il était impossible de s’extraire. Assez taquin, le réalisateur insérait même dans sa critique globale du néolibéralisme, un passage ironique sur le marxisme par le biais d’un professeur de fac qui expliquait l’effondrement de la gauche à des étudiants complètement désintéressés et amorphes. Le réalisateur nous plaçait alors directement face au constat d’un manque de perspective dans une société où l’individualisme et la mise en concurrence des individus sont devenus hégémoniques.

On retrouve cette idée, de façon moins sombre mais toujours sensible, dans le plan de lutte des deux protagonistes de Dead or Alive: Birds. A leur échelle, ils ont beau utiliser le système à leur avantage pour tenter de sauver les gens qui en pâtissent davantage, cette perspective ne peut être que provisoire et idéaliste. En effet, leur démarche les retourne contre les yakuzas, qui eux, disposent de moyens en place bien plus insérés pour leur couper l’herbe sous le pied et mettre fin à leur œuvre caritative ainsi qu’à leur existence même. Si Miike convoque cette fois la naïveté de l’enfance davantage que son inconséquence, elle se heurte au monde des adultes pour aboutir sur un même constat désespéré.

Ce diptyque alors assez étonnant puisque les deux parties ne cessent de se répondre et s’étoffer l’une l’autre, tout en présentant des univers et une démarche cinématographique radicalement différents. Miike nous confirme alors sa maîtrise des codes du septième art, en prouvant l’étendue de ses capacités mais également la pertinence des changements de direction effectués.

Elie Gardel.

Dead or Alive 2: Birds de Miike Takashi. Japon. 2000. En salles le 10/07/2024.