D’abord sélectionné au Festival International du Film de Shanghai en 2023, Within de Guo Dalu fait son chemin jusque dans l’Hexagone pour atterrir au Festival Allers-Retours du cinéma d’auteur chinois contemporain 2024.
Li Qingcao tient une petite échoppe à Shenzhen pour gagner sa vie. Elle essaie tant bien que mal d’offrir une éducation à sa fille. Leur quotidien bascule lorsqu’un jour le cadavre d’un homme assassiné des années auparavant est retrouvé.
Depuis quelques belles années déjà, le film policier a su s’imposer comme un incontournable du cinéma d’auteur chinois contemporain. Entre les Bi Gan, les Diao Yinan ou les Dong Yue, le genre évolue pour fusionner avec la tradition du réalisme social tout en garantissant une expérience esthétique sophistiquée. Dans ce paysage cinématographique profitable à la création, Guo Dalu s’attaque au système scolaire chinois et au gouffre d’opportunités qui subsiste entre les villes prospères et les campagnes oubliées.
L’histoire se construit sur deux points de vue : celui de Li Qingcao (Tao Xinran), mère célibataire en quête d’une éducation pour sa fille, et celui d’un jeune policier dont le nom nous est inconnu, interprété par Zhao Bingrui. En premier lieu, le film se concentre sur le quotidien difficile de la mère et de la fille, toutes deux aux prises avec les complexités administratives du système scolaire chinois qui, en théorie, attribue un établissement selon la localisation du domicile parental, mais qui s’avère bien plus délicat. Le récit met l’accent sur les disparités sociales entre le milieu rural et le milieu urbain, et sur l’existence même du système « hukou », ce certificat de résidence immobiliste qui catégorise les citoyens en fonction de leur lieu d’origine (paysan ou non-paysan). Devant ces obstacles, plusieurs fois des personnages sont amenés à conseiller la mère de retourner à la campagne, mais celle-ci veut le meilleur pour sa fille et semble étrangement rejeter toute proposition d’emblée. C’est alors que survient le nœud de l’intrigue. Nous découvrons le point du vue du policier, et avec lui un cadavre décomposé retrouvé dans les ruines d’une ancienne école de campagne où l’on devine que lui-même et Li Qingcao ont vécu leur enfance.
Within raconte finalement l’histoire d’un passé qui ne veut pas disparaître. Le contexte social est bel et bien révélateur de problématiques inhérentes au système éducatif chinois, mais sert avant tout de prétexte à la mise en place d’une intrigue policière intime qui se dévoile au rythme des allées et venues dans le temps et des révélations qui s’en suivent. En ce sens, Guo Dalu peine parfois à raccorder les points de vue de ses protagonistes, trop longtemps détachés au fil de l’histoire et assemblés par la suite trop subitement. Les personnages, eux non plus, n’échappent pas aux figures routinières de la mère désabusée et de l’inspecteur taciturne torturé par ses démons. Un sentiment d’inachevé plane sur le film mais n’en élude pas pour autant les intentions et les qualités narratives. Et c’est bien pour cela que l’on espère retrouver les prochains travaux du cinéaste à l’Allers-Retours, quand celui-ci se sera peut-être débarrassé des stéréotypes d’écriture du genre pour davantage de rigueur et d’inventivité.
Richard Guerry.
Within de Guo Dalu. Chine. 2023. Projeté au Festival Allers-Retours 2024.
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