La seconde édition du Festival du Film Hongkongais de Paris projetait The Narrow Road de Lam Sum, drame social intimement émouvant qui rend compte de la plus simple et belle des façons les aléas de la vie dans une fourmilière urbaine comme Hong Kong.
Chak lutte pour maintenir son entreprise de nettoyage à flot pendant le COVID lorsqu’il rencontre Candy, en recherche d’emploi, et Chu, sa petite fille.
En Asie, plus que partout ailleurs du fait de la densité des populations, la pandémie du COVID-19 a quelque peu bouleversé les rapports sociaux autant que les activités économiques de chacun. À peine le monde en sort-il progressivement que toute une génération de cinéastes s’active à mettre en images les conséquences de la crise sur la société, particulièrement à Hong Kong où les restrictions sanitaires ont mis à l’arrêt les petits commerces de beaucoup de gens sans-le-sou. C’est à ces oubliés du système, aux prises avec les difficultés du quotidien, que Lam Sum dédie The Narrow Road.
Le cinéaste s’inscrit tout d’abord dans un réalisme social expressément minutieux dans ses intentions, où le soin apporté aux petits détails suscite autant de consistance à la narration que l’intrigue principale. Les retards de loyer, la quête de la moindre promotion au supermarché, la pénurie de masques ou encore l’astuce de les assainir à la vapeur afin de les réutiliser, sont de brillantes idées à mettre en scène qui confinent le métrage dans une certaine réalité tangible. La distanciation entre le sujet et le spectateur réduit significativement à mesure que ces petits gestes rattrapent la fiction pour conditionner l’ensemble dans un rapport d’expériences vécues, de petits sentiments anodins qui valent beaucoup à l’échelle de l’individu. D’une simple scène où Chak revient chez le garagiste auquel il a vendu sa voiture pour prendre une dernière photo de celle-ci, émanent ainsi des émotions insoupçonnées, puisque rien n’est finalement plus humain que de percevoir en une voiture le compagnon de route le plus fidèle pour une âme solitaire.
Comme pour ne pas rendre la vie de ces personnages attachants plus difficile qu’elle ne l’est déjà, Lam Sum progresse tout en douceur et en mélancolie, armé de mouvements lents, d’un montage paisible et de couleurs tamisées, bien loin du rythme assourdissant de la mégapole. Les sirènes des ambulances et le bourdonnement incessant de la circulation sont pourtant là, mais occupent le hors-champ, à distance des fenêtres mal isolées, tandis que la caméra persiste à suivre les personnages dans leur plus touchante banalité. Louis Cheung, chanteur de cantopop connu pour ses seconds rôles de comédies familiales et de films d’action, interprète remarquablement bien le rôle de Chak, personnage dramatique droit et sincère dans ses engagements. Angela Yuen, de son côté, fait de Candy un personnage pétillant de malices, tout aussi faillible que Chak mais délibérément rebelle et spontanée. L’énergie positive de ce petit groupe soudé finit de convaincre que The Narrow Road est un témoignage précieux, authentique et humble d’un quotidien tout à fait habituel, mais dans lequel la valeur des uns et des autres se doit d’être racontée comme le plus héroïque des récits.
Richard Guerry.
The Narrow Road de Lam Sum. 2022. Hong Kong. Projeté lors du Festival du Film Hongkongais de Paris 2023.
Suivre
