VIDEO – Seobok de Lee Yong-ju

Posté le 20 août 2022 par

Un peu plus d’un an après sa sortie dans les salles coréennes, Seobok arrive en DVD et Blu-Ray en France grâce à Koba Films. Lee Yong-ju s’essaie à un genre rarement arpenté dans le cinéma coréen, la science-fiction. La proposition était intéressante, le film tient davantage de l’opportunité manquée, malgré son indéniable ambition et un casting plus que recommandable.

Un agent secret atteint d’une maladie en phase terminale est chargé d’une ultime mission : assurer la sécurité du tout premier clone humain Seobok dont le code génétique détient le secret de la vie éternelle. Un pouvoir extraordinaire qui lui fait courir un grand danger. Face à cette chance de guérison, Gi-hun compte bien protéger Seobok à tout prix.

 

Tant pour son sujet que pour son atmosphère low sci-fi sur fond d’intrigues de laboratoire, on lance Seobok avec une certaine curiosité. Assez rapidement, l’ambition, aussi bien visuelle que narrative, se fait sentir. Les moyens sont là pour l’appuyer et la réalisation s’acquitte honorablement de la mise en place de l’univers clinique et carnassier dans lequel évolue le Seobok du titre. Néanmoins, il devient tout aussi rapidement évident que le film cherche un ton qu’il ne trouve pas vraiment. Le résultat n’est pas forcément désagréable mais il est visiblement laborieux, voire frustrant à la longue malgré les bonnes intentions initiales.

De Bienvenue à Gattaca à X-Men, le film multiplie les références et s’y perd sans doute un peu. Annoncé comme un thriller d’anticipation, Seobok se mue en road movie d’action avant d’effectuer un virage vers la méditation sur la vie et de revenir au blockbuster bourrin pour finir en glissant une jolie mais maladroite réflexion sur la nature humaine. L’approche n’est pas dénuée d’intérêt et, exécutée avec davantage de fluidité, aurait même pu amener le film hors des sentiers battus et rebattus qu’il arpente souvent. Cependant, ces mélanges donnent davantage l’impression de sorties de route que de virages contrôlés. Ainsi, le film tergiverse  et explique beaucoup sans jamais s’attarder sur quoi que ce soit, rendant alors difficile toute forme d’implication ou d’émotion réelle, malgré une bonne alchimie du duo principal et quelques belles séquences.

Sur le papier, le scénario de Lee Yong-ju ne manque pourtant pas de qualités. Or, à l’écran, Seobok doit faire face à deux problèmes qui se révèlent assez insurmontables. A commencer par le point de vue assez éculé de l’homme mourant en quête de rédemption. Avec son talent habituel, Gong Yoo fait de son mieux avec ce qui lui est donné mais  il ne peut extirper son personnage de l’accumulation de clichés qui le constitue. S’ajoute à ceci un mystère central autour de la lutte d’intérêts liés à la technologie que représente Seobok, qui ne décolle jamais et est développé avec la nuance d’un char d’assaut (l’image n’est pas loin de devenir littérale dans le dernier acte du film). De manière assez étrange, le récit semble éviter d’approfondir ces intrigues, comme pour rappeler au spectateur que le vrai sujet du film se trouve ailleurs. C’est bien là que le bât blesse car, à force de ne pas faire confiance à son histoire, le film reste en surface de son sujet, comme s’il craignait de perdre le spectateur en assumant de s’attarder sur ses personnages autrement que par des artifices.

C’est bien regrettable car, au fond des trois ou quatre films qui constituent Seobok, se cachait un petit film assez passionnant, faits des bonnes idées disséminées de ci de là. En effet, il y avait quelque chose à raconter de ce cyborg en tout point humain, produit de substitution d’un enfant perdu et utilisé comme un proxy à tous les maux du monde, de sa relation avec sa « mère » dépassée par sa création, ou encore des pulsions inexplicables d’un enfant spécial confronté à la civilisation pour la première fois. Le film ne tire jamais parti de ses points forts et se concentre plutôt sur des poncifs qui le rendent générique là où, sans parler de chef d’œuvre, il y avait le potentiel d’une réflexion, aussi poignante que flippante, sur notre humanité et les limites de la science. Le seul qui semble l’avoir compris, et amorce ainsi une proposition en ce sens, c’est l’interprète même de ce Seobok éponyme. Judicieuse idée de casting, Park Bo-gum donne une profondeur inattendue et une ambiguïté surprenante à ce clone inadapté. Comédien au visage d’enfant dans un corps d’adulte, il passe de l’innocence à la menace avec une belle précision en jouant de sa physicalité déroutante sans en abuser pour autant. Si le film avait eu autant confiance que lui dans le personnage, il aurait pu être bien davantage.

Claire Lalaut

Seobok de Lee Yong-ju. Corée. 2021. En DVD et Blu-Ray chez Koba Films le 17/08/2022