L’Auberge du printemps de King Hu (DVD)

Posté le 3 mai 2011 par

Si je vous dis « film d’auberge », vous me répondez ? Mais non, pas Cédric Klapisch ! Allez, ouvrez vos manuels à la lettre K, puisqu’aujourd’hui on va parler un peu de King Hu et plus précisément d’un de ses films (d’auberge donc ! ) : The Fate of Lee Khan (ou L’Auberge du printemps pour ceux qui n’auraient pas saisi le sujet du film). Par Anel Dragic.

Hail to the King

Faut-il rappeler que lorsqu’en 1984, les Cahiers du Cinéma consacraient un numéro entier au cinéma de Hong Kong, Olivier Assayas écrivit un dossier sur King Hu, qu’il considèra comme le “plus grand cinéaste chinois vivant”. Lorsqu’en 1973, King Hu met en boîte son Fate of Lee Khan , le réalisateur a déjà livré trois de ses travaux majeurs. Si l’homme est reconnu et estimé aujourd’hui, c’est définitivement pour son traitement d’un genre qui aura vécu ses plus belles heures au cours des années 60 et 70 : le wu xia pian. Le film de sabre, King Hu le sublime, lui redonne une poésie à une période où la Shaw Brothers relance le genre grâce à des films comme Temple of the Red Lotus de Chui Chang Wang en 1965 et que Chang Cheh commence à développer son style viril et sanglant (1966 : The Heroic Ones). C’est d’ailleurs cette même année que le célèbre studio laissera à King le soin de mettre en scène Come Drink With Me (L’Hirondelle d’or), qui, après Story of Sue San et Sons of the Good Earth, marque l’entrée du réalisateur dans le genre qui fera sa réputation : le wu xia.

À la vision du film, tout est déjà là et laisse entrevoir le style esthétique du réalisateur, posant également les bases de son univers : des femmes, une auberge et des sabres ! Vient ensuite l’escapade taïwanaise. King y tournera quelques chefs-d’œuvre de plus. Dragon Gate Inn en 1967, puis A Touch of Zen en 1971. C’est deux ans plus tard, avec sa compagnie, et coproduit par la Golden Harvest que naîtra Fate of Lee Khan. Cette époque marque une sorte d’âge d’or dans la carrière du réalisateur qui signera dans la foulée The Valiant Ones, puis Raining in the Mountain et Legend of the Mountain.

Inn-ception

L’intrigue de ce Fate of Lee Khan, c’est un peu “pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué”. Disons qu’une poignée de personnages, certains rebelles, d’autres félons dans ce même camp, vont trouver refuge dans une bonne auberge. Les vrais rebelles devant empêcher les félons de livrer un de leurs plans de bataille à l’ennemi. Sur cette base, le récit tisse sous forme d’enquête un huis clos laissant la part belle aux doutes, aux faux-semblants, jouant ainsi sur les rebondissements. Les personnages se placent comme des pièces sur un échiquier et effectuent chaque action avec une grande réflexion, jusqu’à l’affrontement final, mettant à feu et à sang le lieu de l’action. Notons à ce propos, au poste de chorégraphe, la présence des grands Han Ying Chieh et Sammo Hung (et Ng Ming Choi assistant chorégraphe, enfant prodige ayant fait ses armes avec Yu Jim Yuen), qui offrent ici du old school berçant le spectateur au son des sifflements et claquements d’epées.

À force de placer son action dans une auberge, n’y a-t-il pas un risque que le cinéma de King Hu se ressemble un peu tout le temps ? Malgré ses enjeux servant majoritairement de prétexte à des affrontements et autres chassés croisés, le film de King Hu, semble, à l’instar de certains autres cinéastes (au hasard, Ozu ou Hong Sang-Soo), n’être qu’une succession de variations sur un même thème. Car, outre le cadre, les personnages sont toujours un peu les mêmes archétypes, les sujets abordés ne varient qu’assez peu et l’on retrouve toujours la patte quelque peu maniérée du réalisateur dans la mise en scène.

Finalement, doit-on regarder un film de King Hu pour son intrigue ou tout simplement pour ses qualités formelles ? Libre à chacun de juger. Entre les ramifications d’une intrigue à tiroir, aux enjeux et personnages foisonnants (casting impérial à l’appui : Tien Feng, Li Lihua, Roy Chiao, Angela Mao, Hu Chin, Han Ying Chieh,… j’aimerais en citer plus mais il y a hkmdb pour ça ! ) et les élans tantôt poétiques, tantôt épiques du film, le spectateur est libre de choisir. On ne niera pas en revanche les qualités d’esthète du réalisateur et de son style désormais caractérisé de « calligraphique ».

Vous l’aurez compris, King Hu fait du King Hu. L’occasion de découvrir ce film qui ravira les amateurs du cinéaste qui ne seront finalement pas dépaysés. Quant aux néophytes, peut-être vaut-il mieux se tourner vers un Come Drink With Me, peut-être plus facile d’accès (on va garder A Touch of Zen et ses trois heures pour plus tard). Pour le reste, plus qu’à attendre qu’un éditeur se décide à faire un beau coffret d’inédits, vendu avec l’accroche “plus grand cinéaste chinois vivant” (mort depuis), signé Olivier Assayas.

Anel Dragic

Verdict:

L’ Auberge du printemps, en DVD chez HK Vidéo le 03 mai 2011.