Réalisé en 1998, c’est à dire en pleine période post-rétrocession The Hitman (ou Hitman en France, le pays qui aime casser les « The ») fait un peu figure de perle rare compte tenu du contexte bien morne dans lequel il a été réalisé. La même année, le spectateur hongkongais, ou le cinéphile étranger, n’avait vraiment pas grand chose à se mettre sous la dent. À part le début de la vague Johnnie To, portée par des films comme Where a Good Man Goes et The Longest Nite ou bouffer du Young and Dangerous (en 1998 sortaient le 5, la prequelle et le spin off, Portland Street Blues, rien que ça!), pas grand chose à se mettre sous la dent. Les amateurs de films d’action qui tatanent, pouvaient commencer à regretter le passé. The Hitman a-t-il été le petit regain d’espoir pour les amateurs du genre ? Réponse tout de suite ! Par Anel Dragic.
Tung Wei Story
Vous parler du réalisateur, Tung Wei, me force à évoquer certains souvenir personnels. C’est en effet un peu grâce à Tung que je suis tombé, il y a de cela plusieurs années, dans le cinéma de Hong Kong. À l’époque, je ne connaissais du cinéma local que les Bruce Lee, Jackie Chan, John Woo, Tsui Hark, ainsi que quelques autres gros noms de l’industrie. Mais l’un des premiers kung fu qui m’a vraiment rendu fou était un film de Joe Cheung, avec Sammo Hung dans un second rôle et notre cher Tung Wei en tête d’affiche. Ce film, c’est The Incredible Kung Fu Master, datant de 1979, qui traînait depuis déjà plusieurs années dans les rangées de VHS de mon père. La vision fût un choc, véritablement! Tung Wei y faisait une série de sauts retournés sur lui-même en se relevant et en renchaînant sur un grand écart. En voyant cet illustre inconnu pour moi à l’époque, j’avais déjà l’impression de voir un artiste martial de grand talent.
C’est donc avec une affection toute particulière que j’ai appris par la suite qu’il était le chorégraphe du Syndicat du crime de John Woo. Ses tentatives suivantes en tant que directeur des scènes d’action, telles que l’incroyable final “over the top” de Pom Pom and Hot Hot de Joe Cheung, l’un des gunfights les plus excessifs de l’histoire du cinéma, m’ont une fois de plus mis une claque. Quant à son premier film en tant que réalisateur, Magic Cop(1), il reste l’un des films de kung fu/magie noire/ghost comedy les plus incroyables parmi les dizaines qui aient été produits dans l’ancienne colonie. Vous l’aurez peut-être compris, Tung Wei est un chorégraphe de génie, doublé d’un artiste martial véritablement impressionnant. S’il n’a malheureusement pas réussi à percer dans cette dernière voie, il n’en reste pas moins un des plus grand directeurs des scènes d’action.
Hitman, le cobra
Revenons maintenant au film en question. Malheureusement, 1998 n’offrait pas une conjoncture propice à montrer des mecs se mettant des pains dans la tronche, la mode étant plutôt au film de triades. Que raconte ce The Hitman ? Une compagnie japonaise, ayant à sa tête un affreux japonais violeur de chinoises (véridique, le personnage offrira même une réplique telle que “Quand on les viole, elles hurlent de douleur de telle manière… Pour un homme, c’est le plus grand des excitants”, ça ne s’invente pas), voit le PDG se faire liquider par un mystérieux tueur. Très vite, les associés mettent à prix la tête du Hitman en question. Au même moment, Jet Li débarque du continent et commence à bosser avec Eric Tsang, un escroc grande gueule qui veut faire de lui un tueur professionnel. Par la suite, un flic incarné par Simon Yam joue les empêcheurs de tourner en rond, tandis que Jet Li fait son timide face à la fille d’ Eric Tsang incarnée par Gigi Leung, et ce, pendant que les méchants Keiji Sato et Paul Rapovski s’apprêtent à passer à l’action.
Notons tout d’abord que le script a été écrit à six mains par Vincent Kok (bon réalisateur cantonné aux comédies, notamment ses collaborations avec Stephen Chow), Chan Hing Kar (réalisateur qui, en onze films, a peut-être atteint le “perfect” dans la nullité) et Cheng Kam Fu (co-scénariste de The Inspectors Wears Skirts a.k.a Top Squad 1 chez Metropolitan). Avec des personnalités assez différentes, il était peu probable que le produit final donne naissance à une perle de cohérence abordant de manière philosophique son sujet. Le film ressemble donc à une comédie d’action, comme il en existe des tas, à la manière du High Risk de Wong Jing avec Jet Li. A l’instar d’un bon paquet de ces films (au hasard, The Big Score de Wong Jing), la structure se montre scindée, en prenant toute la première moitié du film pour développer les personnages et enchaîner les péripéties et gags les plus inutiles. Il faut attendre la deuxième moitié du film pour nous faire replonger de plein pied dans l’intrigue. Hélas, tout cela se montre assez mal ficelé, accusant un rythme mou du genou et laissant entrevoir un twist ultra prévisible (on ne joue pas sur l’identité secrète d’Hitman en ne développant que trois persos dont deux immédiatement au dessus de tout soupçon).
Lights, Camera, Action!
Pour sa part, la mise en scène de Tung Wei commence fort. Dès les première minutes, le réalisateur filme une course poursuite entre Jet Li et une pièce de 5HK$ dévalant une ruelle à pleine vitesse, la caméra collant la rondelle au plus près. Directement, la folie du réalisateur de Magic Cop est palpable pour le spectateur. On notera également Paul Rapovski dont la technique de combat fait usage d’une bague éblouissante pour l’adversaire. Hélas, tout le film ne fait pas preuve d’une aussi grande inventivité. Dommage, puisque les combats se montrent pour leur part bien chorégraphiés. Qu’il s’agisse d’une scène d’action dans une cage d’ascenseur ou encore d’un final “gun fu”, mélangeant le style des heroic bloodsheds aux cascades martiales, le film se montre proprement emballé.
Si les séquences d’action, manquant quelques peu de folie mais tout de même réussies, peuvent décevoir, le réalisateur n’a en revanche jamais été aussi bon pour mettre en scène un récit et des personnages. En filmant de très près, Tung Wei montre un attachement à ses protagonistes et en fait les moteurs concrets du film, au delà même de l’histoire. On pourrait alors effectivement, ou affectivement, parler de film de personnages, voir plus globalement de films d’acteurs, puisque tout est là pour faire briller les stars et les laisser s’exprimer au maximum. Le jeu d’ Eric Tsang étant à ce titre véritablement inspiré, parvenant par la même occasion à éclipser la présence monofaciale de Jet.
The Hitman n’est donc pas le film qui ressuscita le film d’action mourant à cette période à Hong Kong. Bien dommage, car malgré la manque d’ambition, il s’agit en revanche d’un bon petit métrage attachant, qui remplit son rôle. A noter aussi qu’il s’agit du dernier film de Jet Li à Hong Kong avant son exil américain. Quitte à choisir entre ça et L’arme Fatale 4, sorti également en 1998, dans lequel Li fait le minimum syndical (un tournage aux USA, c’est le Club Med pour un acteur HK), vous savez désormais vers quoi vous tourner. À moins bien sûr que vous ne préfériez le cinéma américain, auquel cas votre âme ne peut être sauvée.
Anel Dragic.
(1) Je vous renvoie d’ailleurs à ma critique de Magic Cop. Suivez le lien HK Cinemagic !
Verdict :
Hitman de Tung Wei, disponible en DVD édité par Metropolitan Filmexport depuis le 22/02/2011.