FICA 2016 : ENTRETIEN AVEC CHO CHANG-HO (ANOTHER WAY)

Posté le 20 février 2016 par

Le drame coréen de ce début d’année, c’est sans aucun doute Another Way de Cho Chang-ho présenté durant l’édition 2016 du FICA (Festival international des Cinémas d’Asie) de Vesoul. Présentant les derniers jours de deux personnages qui ne se connaissent pas, réunis par un pacte de suicide fait sur internet, il cherche à donner espoir et à réchauffer le cœur dans un univers pourtant glacial. Nous nous sommes entretenus avec son auteur.

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Bonjour ! En France, le public ne vous connaît pas spécialement bien. Pourriez-vous présenter votre carrière pour mieux situer Another Way ?

En Corée non plus, je ne suis pas très célèbre. J’ai débuté avec Peter Pan Formula, qui était mon premier long métrage et Another Way est mon troisième. C’est la cinquième fois que je viens en France mais la première à Vesoul.

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Depuis votre dernier film, Lovers Vanished, cinq ans se sont passés. Pourquoi avez-vous voulu reprendre la caméra, qu’est-ce qui s’est passé pendant ces cinq ans et pourquoi n’avez-vous pas tourné pendant tout ce temps ?

Mon dernier film n’a pas eu beaucoup de succès en Corée. Pour moi c’était vraiment difficile de me remettre à réaliser parce que j’ai eu beaucoup de difficultés à m’en remettre. Je me suis même dit qu’il fallait que j’arrête de faire des films. Le temps passe vite et d’un coup je suis tombé sur cette histoire. J’ai décidé de m’y remettre et finalement je pense que je suis plus heureux quand je travaille sur un film.

Justement, quelle histoire ou quel événement vous a poussé à réaliser Another Way ?

Après avoir quitté Séoul il y a cinq ans, je suis allé à Chungcheong, qui est une ville présente dans mon film. C’est une ville vraiment belle et les Coréens aiment bien y aller en week-end. Je pense que j’ai déjà peut-être croisé quelques personnes qui voulaient se suicider ici, à Chungcheong. Je me suis demandé ce que je pouvais faire pour leur apporter du soutien, des paroles de consolation. Je suis devenu vraiment triste parce que je ne pouvais rien faire et ce film est né de mon envie de leur apporter un soutien.

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Dans le film, les personnages se retrouvent à Chungcheong qui est considérée comme la ville la plus agréable à vivre en Corée du Sud. Pourquoi ces personnages choisissent cette ville, ce qui va au contraire de l’idée qu’on s’en fait ?

C’était le hasard, ils n’ont pas l’intention d’aller dans un endroit très agréable. Pour moi c’est très ironique, mais ça pourrait se passer dans n’importe quelle ville.

Récemment, au Festival du Film Coréen à Paris, a été diffusé un film appelé Socialphobia et qui prend comme point de départ le suicide d’une jeune fille à cause de harcèlements sur internet. Votre film commence avec un pacte de suicide mis en place dans un chatroom. Est-ce que vous pensez qu’Internet a un rapport avec ces suicides de jeunes de plus en plus fréquents en Corée ?

Another Way

Malheureusement je n’ai pas vu Socialphobia, donc je ne peux rien dire par rapport à ce film mais je pense que si des gens se retrouvent sur Internet pour se suicider ensemble, ils ont déjà envie de le faire, mais ont simplement peur de le faire seul. Internet est un vaisseau pour communiquer avec les autres, pour trouver des camarades et aller vers l’amour si je peux dire.

Le film est tourné en hiver, pourquoi ?

Leur vie ressemble beaucoup au lac gelé qu’on voit à plusieurs reprises, car leurs vies, comme les nôtres, peuvent craquer facilement. J’ai déjà fait l’expérience de marcher sur le lac en hiver et cette image m’a donné des idées pour réaliser le film. Quand on marche sur le lac gelé, on a d’ailleurs envie de s’y allonger, c’est du moins mon expérience, et l’acteur principal du film m’a dit la même chose !

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A la fin du film, vous décidez de sauver vos personnages, mais sans résoudre les problèmes les ayant poussé à vouloir se suicider. Que voulez-vous dire par ça ?

Comme je vous ai déjà dit, je voulais vraiment essayer de consoler des personnes qui pensent au suicide, donc je voulais dès le début les sauver. Ce qui est plus important dans ce film, ce n’est pas sauver la personne, mais c’est le fait que leur vie continue après les avoir sauvés, c’est vraiment le plus important pour moi. C’est pour ça que je ne pouvais pas choisir une autre façon de faire ce film. Vous pouvez voir que les deux personnages se croisent, mais ce n’est pas une seule histoire avec deux personnages. Il y a une histoire différente pour chacun des deux. Je voulais qu’après s’être croisés, ils continuent à vivre chacun de leur côté.

Vos deux acteurs principaux n’ont pas fait beaucoup de films, ils sont principalement acteurs de dramas, et le premier rôle masculin, Kim Jae-wook, a même été chanteur. Pourquoi le choix de ces deux acteurs ?

Quand un réalisateur rencontre des comédiens, on a besoin de beaucoup de choses compliquées, mais je vais résumer cette situation par un mot : c’est le destin. J’ai rencontré ces deux acteurs seulement quinze jours avant le tournage.

Cette année, le président du FICA est Im Sang-soo qui réalise des films depuis déjà une vingtaine d’années. Pensez-vous qu’il y a actuellement une nouvelle vague de réalisateurs dont vous feriez partie qui est en train de changer le cinéma coréen ?

Non, pas du tout. C’est parce qu’en Corée, l’argent est le plus important dans l’industrie du cinéma. Je ne pense pas qu’actuellement nous soyons dans une bonne période pour le cinéma coréen.

Y a-t-il tout de même actuellement des cinéastes dont vous vous sentez proches et qui cherchent à faire quelque chose d’autre ?

Les critiques et les médias peuvent parler de nouvelle vague coréenne en ce moment, mais je pense que les cinéastes ont une existence individuelle et que chacun a une énergie différente. On marche chacun sur un chemin différent et chacun fait des films différents. Ce n’est pas bien pour les cinéastes comme moi de tout mettre ensemble. Les seuls qu’on peut regrouper, ce seraient les films totalement contrôlés par le capital, l’argent.

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Vous avez dit que Girls’ Night Out de Im Sang-soo, sorti en 1998, était vraiment comme une libération pour vous quand vous l’avez vu. Y a-t-il d’autres films qui ont jalonné l’histoire du cinéma coréen et vous ont donné envie de faire du cinéma ?

Les réalisateurs Kim Ki-duk et Hong Sang-soo, je pense qu’ils sont très importants car ils ont ouvert la porte aux films coréens dans le monde. Chacun dans leur genre, qui n’est pas le même, ils ont tous les deux été très importants pour le cinéma coréen.

Votre film n’est pas encore sorti en Corée mais avez-vous déjà un projet suivant ?

Je vais peut-être commencer à réaliser un film le 11 septembre prochain, mais je ne sais pas encore.

Propos recueillis le 6/02/2016 à Vesoul par Victor Lopez et Elias Campos

Traduction : Jina Oh.

Merci à toute l’équipe du FICA Vesoul.

Another Way de Cho Chang-ho présenté au FICA 2016.

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