BLU-RAY – Lady Snowblood 1 et 2, de Fujita Toshiya : La vengeance dans toute sa sensualité

Posté le 3 octobre 2015 par

En 1973 sortait un grand classique du cinéma bis japonais, auquel rend hommage Quentin Tarantino dans son premier volet de Kill Bill. Metropolitan lui offre aujourd’hui une belle édition vidéo, l’occasion de revenir sur ce petit bijou de cinéma.

Lady Snowblood est tout d’abord un manga, scénarisé par Koike Kazuo et dessiné par Kamimura Kazuo, que Fujita Toshiya adapte et qui, par bien des côtés, s’apparente à un western spaghetti. En effet, les Italiens ont bien souvent repris le thème de la vengeance, positionnant un héros mystérieux dont on a tué les parents et que rien ne déviera de sa route.

Lady Snowblood se voit adjoindre un petit côté mystique car, née dans une prison japonaise, elle porte en elle toute la haine de sa mère pour ses ennemis et est élevée en ce sens par un moine qui veut faire d’elle l’instrument parfait pour accomplir sa tâche, la forgeant comme on forge une épée. Pourtant, il n’arrivera pas à faire disparaître toute trace d’émotion, et l’héroïne conserve une part de sentiments, de compassion. Kaji Meiko parvient à la perfection à conférer ce mélange de beauté, de fragilité et de détermination, mais aussi cette fureur et cette sauvagerie, à ce personnage inoubliable.

brd-lady-snow-blanc-3d

Fujita Toshiya joue avec sa réalisation, pour conférer un cachet inoubliable à son film. Déjà, il distille doucement les indices concernant les crimes des personnes que chasse Lady Snowblood, jouant de flashbacks, mais surtout, il s’amuse avec les codes, les ambiances. La première fois qu’agit la jeune femme, le ton est donné, le sang jaillissant en gerbes prodigieuses, la beauté et la fragilité de l’actrice créant une dichotomie avec les coups portés de son arme, une ombrelle dissimulant la lame de son sabre. Mais certaines mises à mort sont tout en poésie, et le réalisateur, dans son final, fait basculer le film, avec sa course-poursuite à travers un dédale de passages secrets utilisant des sosies, dans une ambiance digne d’un James Bond.

Ainsi, malgré la simplicité du scénario, c’est un film aussi efficace que surprenant qui se déroule sous les yeux du spectateur, ébahi devant tant de maîtrise. Jamais ennuyeux, les personnages se multiplient, et l’histoire dépeint un Japon bien sombre, dans lequel la vengeance de l’héroïne a tout à fait sa place, pour punir criminels et mécréants croyant l’époque propice pour s’enrichir sur le dos des faibles. Car Lady Snowblood n’oublie pas, dans sa lutte, de protéger ceux qui ne peuvent le faire eux-même, et s’attachera même à un homme digne de ses sentiments.

Lady Snowblood est donc un petit bijou de cinéma japonais, et le spectateur ne peut que remercier Metropolitan de le distribuer aujourd’hui. Cependant, malgré la qualité de l’image, l’éditeur oublie hélas d’offrir des bonus qui compléteraient à merveille ce film.

Lady Snowblood n’est pas ouvertement politique, cette histoire de vengeance étant intemporelle. Cependant, le réalisateur ancre son récit dans la politique, expliquant les actes de ses méchants par le climat de tension de l’époque et la nécessité pour le gouvernement de fermer les yeux sur certaines exactions. Sa suite, Lady Snowblood : Love Song Of Vengeance, réalisée en 1974 (un an après le premier volet) est bien plus politique. Le récit se positionne début 1900, dans un Japon plein de tensions, avec un chef de la police secrète prêts à tous les crimes pour protéger l’Empire. Ainsi, quand la Princesse Yuki (notre héroïne) est arrêtée et condamnée à mort pour ses crimes, il la fait libérer en secret pour qu’elle espionne un révolutionnaire et le tue après avoir récupéré chez lui des documents compromettants. Yuki étant pleine de compassion, elle va s’associer au révolutionnaire, et ce choix va à nouveau teinter de sang son chemin.

Lady_Snowblood_2_Love_Song_of_Vengeance

Le réalisateur place son contexte politique avec des images en noir et blanc mais, en dehors de cela, calme l’inventivité de sa mise en scène, et va même jusqu’à atténuer les débordements sanglants du début, alors que Yuki fuit les forces de police, réservant les jaillissements écarlates pour des moments choisis et poétiques (le cadavre, tombé dans l’eau, qui teinte de rose la mare). Le film nous y présente une héroïne toujours aussi belle mais fatiguée, lasse de fuir. Kaji Meiko avait su, lors du premier film, nous montrer toute l’étendue de sa détermination et de sa compassion, mais parvient ici à développer de nombreux sentiments. Son choix d’abandonner se lit dans ses yeux, ainsi que la tristesse, quand elle comprend que ses actes ont entrainé de nombreuses souffrances et, plus tard, la colère, quand elle décide de reprendre véritablement les armes.

Lady Snowblood 2 est, dans son déroulement, plus avare en combats, préférant une ambiance trouble, alors que Yuki doit se remettre de ses blessures. Entre la violence dont fait preuve la police secrète, et leur choix d’inoculer volontairement la peste au quartier où se cache Yuki, c’est quasiment un film d’horreur qui se déroule devant les yeux du spectateur par moment. De même, l’utilisation d’armes à feu donne une dimension intéressante. Incapables d’arrêter notre héroïne, ils n’en sèment pas moins la mort, symboles d’une évolution qui, en délaissant la pureté de la lame, font plonger les policiers dans une cruauté déplaisante qu’ils pensent pouvoir appliquer de par leur toute puissance.

Encore une fois, impossible de s’ennuyer, tant l’ambiance fascine, tant l’actrice envahit l’écran. Lady Snowblood et sa suite se complètent à merveille pour dépeindre un instantané du Japon, entre cruauté et cupidité, mais montrant aussi la poésie que peut représenter une superbe mise à mort. Yuki en devient le symbole d’une gloire passée, aussi fascinante que pleine de sensualité, un petit bijou de cinéma qu’il serait dommage de ne pas découvrir ou redécouvrir grâce à Metropolitan.

Yannik Vanesse.

Lady Snowblood 1 et 2, de Fujita Toshiya. Japon. 1973. Disponible en en édition limitée combo blu-ray + DVD et VOD sur www.cinemasalademande.com chez Metropolitan Films le 28/09/2015.