L’adaptation reste un exercice délicat lorsque le métrage en question est estampillé « Made in India », pays où le remake est roi ! Transposer London to Brighton en langue tamoule pouvait laisser présager un éhonté plagiat. Or, si Balaji K Kumar y extrait la pulpe de son thriller, il en ourdit une poursuite dédaléenne et hypnotique, écharpant une société patriarcale gangrenée par des bas instincts. Un voyage viscéral au tréfonds de la vilenie humaine !
Pourchassées par un souteneur à la solde d’un gangster, une prostituée et une enfant n’ont point de répit. Leur sicaire doit les débusquer avant l’aube, soit, en moins de vingt quatre heures chrono ! Balaji K Kumar abandonne les plans nerveux de Paul Andrew Williams pour une esthétique léchée. Avant l’aube (Vidiyum Mun) sert ainsi d’écrin à une traque cinématographique palpitante à l’atmosphère sombre et flamboyante. Derrière une tension palpable et une intrigue amenée par un whydunnit, une pesante vérité se divulgue au gré des flash-backs.
Après nous avoir subjugués dans le traumatique Naan Kadavul, Pooja Umashankar, l’une des actrices les plus sous-exploitées du cinéma indien et sri-lankais, distille, dans cet ambitieux film, une densité dramatique en campant une fille de joie désabusée. Un personnage de Marie-Madeleine qui, suite à un évènement déclencheur, a une épiphanie. Elle viendra à la rescousse d’une fillette quitte à y perdre la vie !
Certes, si la mise en scène est au diapason d’une musique envoûtante, le budget limité écharpe un tantinet le rendu de certaines séquences. Les scènes de nuit et quelques scories visuelles, héritées des effets spéciaux, sont à noter de ci de là. Cependant, la teneur d’Avant l’aube réside dans sa propension à vous agripper par sa narration labyrinthique et poignante en traitant d’un sujet réaliste à la fois renversant et universel : l’exploitation des êtres sans vergogne ! Si le réalisateur s’évertue à empoigner le thriller, via cette chasse à l’homme, l’aspect social qui en émane, assaille bientôt le genre, en le supplantant et en devenant sa raison d’être. Ce sujet latent se développe ainsi aussi bien intrinsèquement qu’extrinsèquement au fil du récit en allant vous parasiter et vous obséder.
Bien que ce long-métrage aurait pu bénéficier de quelques coupes, sa teneur vous estourbira. Apprêtez-vous à vivre du cinéma sensitif à fleur de peau !
Marjolaine Gout.
Avant l’aube (Vidiyum Mun) de Balaji Kumar. Inde. 2012. En salles le 30/04/2014.