Hong-Kong revient sur le devant de la scène avec un polar au joli casting, édité chez Elephant Films sans aucun bonus.
Avant tout, il convient de souligner une pratique des plus courante ces temps-ci, qui consiste à essayer de vendre un film pour ce qu’il n’est pas. Il est dommage de voir que les éditeurs n’ont tellement pas confiance en leur métrage qu’ils essaient de le rendre différent, pensant sans doute en faire ainsi un produit plus attractif pour le public. Le spectateur voit ainsi fleurir des retitrages sauvages, ou des jaquettes n’ayant plus rien à voir avec le film. C’est le cas de Nightfall qui, bien que conservant son titre, est vendu comme un métrage d’action énervé, l’affiche de la jaquette utilisant certes une image issue du film, mais provenant de la seule séquence de combat. Ainsi, Nightfall n’est absolument pas « de l’ultra-violence au parfum d’Old Boy », mais un film policier craspec, un thriller à twist nanti d’une ambiance étouffante.
Il est dommage de voir un éditeur essayer ainsi de faire passer son film pour ce qu’il n’est pas, d’autant que Nightfall mérite amplement le détour pour ce qu’il est. Chow Hin Yeung Roy livre ici son deuxième long-métrage, qu’il scénarise autant qu’il réalise. Pour accrocher immédiatement le spectateur, il opte pour une séquence d’action énervée, violente, sèche, au parfum des Promesses de l’ombre, où trois hommes en attaquent un autre dans les douches. La référence est violente, la réalisation peu subtile (les gouttes tombent au ralenti des robinets, des gros plans sur les poings frappant les visages), le sang gicle. Cette séquence, qui prendra toute son importance bien plus tard dans le récit, accroche immédiatement le spectateur et prouve que Nick Cheung, un des deux personnages principaux du film, est un artiste martial accompli. Le spectateur découvre par la suite qu’il est aussi un très bon acteur, car il incarne ici un personnage muet, qui parvient rien qu’avec ses regards à faire ressentir sa haine et sa souffrance à l’écran.
Certes, le réalisateur possède les maladresses de la jeunesse, et histoire comme réalisation manquent de subtilité. Le flic dépeint (joué par Simon Yam, qui apporte son charisme au métrage) est forcément à moitié alcoolique, a perdu sa femme et a une vie de famille dissolue, et la caméra de Chow Hin Yeung Roy manque souvent de délicatesse, faisant des gros plans sur des visages tétanisés quand un personnage se sent suivi, ou autres grosses ficelles du genre. Pour autant, cette maladresse colle à l’histoire, elle aussi manquant de subtilité, mais remportant pourtant l’adhésion.
Nightfall raconte donc l’histoire de cet homme muet, sortant de prison après 20 ans de réclusion pour le meurtre et le viol d’une jeune fille, et qui se met à en suivre une autre, l’observant longuement. Quand le père de cette demoiselle (un père violent des plus caricatural, là encore) est retrouvé mort et atrocement mutilé, les soupçons convergent rapidement vers l’ancien prisonnier. L’enquête et la traque sont menées par ce policier à la vie dissolue qui réalise rapidement, évidemment, que son adversaire est d’une rare intelligence, mais aussi que les apparences sont trompeuses.
Le réalisateur et scénariste semble avoir envie de pointer du doigt la vie de famille hong-kongaise. Entre ce que montrent les apparences, et ce qui se passe derrière les portes closes, Nightfall se rapproche de Mystery par ses thématiques (mais pas par sa subtilité), prouvant que pour les réalisateurs chinois, ces problèmes sont ressentis par beaucoup. Encore une fois, un panorama d’un pays est dressé, derrière une apparence de film de genre, et ce panorama fait froid dans le dos. Quand Chow Hin Yeung Roy délaisse la vie de famille, il se tourne vers les problèmes de la police. Entre le peu de suivi des anciens prisonniers, et la violence qui faisait rage durant les années où Hong-Kong appartenait à l’Angleterre, Nightfall n’est pas tendre avec son pays. En effet, lors d’un court flashback, le réalisateur nous montre les débordements propres aux interrogatoires à l’époque (permettant de faire apparaître, lors d’un petit cameo, Gordon Liu). Certes, il ne faut pas prendre ce que raconte un film de genre à la lettre, mais il est fort probable que le scénario de Nightfall recèle la souffrance d’une génération envers son pays, trop de films actuels, venant de Chine, pleurant ce qu’il est devenu.
Nightfall est aussi un excellent film policier, prenant et souvent surprenant avec ses twists nombreux. Hélas, il se rate quelque peu dans l’utilisation de ses effets digitaux. Une séquence de bagarre dans un téléphérique affiche ainsi des incrustations du décor assez laides, de même que la chute de corps sur le pavé, sonnant bien trop faux pour convaincre (et le long ralenti d’un corps chutant ainsi est par trop grossier dans ses thématiques déployées pour atteindre vraiment son but). Nightfall n’en est pas moins un thriller glauque des plus intéressant, qui cherche à parler de son pays derrière son apparence de polar malsain.
Nightfall, de Chow Hin Yeung Roy, disponible chez Elephant Films depuis le 24 octobre 2013