Focus sur le film Twinkle, twinkle, little stars et l’artiste Leland Lee

Posté le 21 juillet 2011 par

Il y a quelques semaines, au début du mois de juin, l’artiste taïwanais Leland Lee était de passage à Paris avant de s’envoler exposer ses toiles colorées à la biennale de Venise. L’occasion était alors belle de partir à la découverte de l’univers du peintre, d’autant plus qu’il occupe une place centrale dans le dernier documentaire de Lin Cheng-sheng : Tkinkle, twinkle, little stars, consacré aux enfants autistes. Par Victor Lopez et Olivier Smach.

Au centre, Leland Lee et sa mère Karen

L’un des rôles du cinéma est parfois d’ouvrir les yeux de son spectateur sur des sujets qu’il ne veut pas voir, et ainsi faire évoluer les sociétés vers une compréhension plus grande d’elle même et de certains de ses problèmes qu’elle préfère cacher. Le cinéma chinois semble s’ouvrir depuis quelques temps à des sujets jusqu’ici tabous (on l’a vu notamment avec Love for life, qui réunit Zhang Ziyi et Aaron Kwok dans des rôles de malades du sida suite aux scandales qui avaient assombrit les années 90 en Chine), et remplir ainsi un rôle d’éducation et d’information. De manière plus modeste que les blockbusters à grands sentiments et grandes stars, le cinéaste taïwanais Lin Cheng-sheng, découvert à Cannes grâce à A Drifting Life et consacré à Berlin avec Betelnut Beauty, évoque dans sa dernière œuvre documentaire un autre sujet tabou : l’autisme. A Taïwan comme en Chine, et plus généralement en Asie où la psychanalyse n’a pas le même poids qu’en occident (on avait déjà pu le constater dans le singapourien Here de Ho Tzu Nyen), l’autisme est souvent plus perçu comme une malédiction honteuse que comme une maladie ou un handicape, et tend à être cachée des yeux de la société, plutôt que soignée.

Twinkle, Twinkle

Lin Cheng-sheng, avec Twinkle, twinkle, little stars, dresse le double portrait de trois enfants atteints du syndrome d’Aspenger d’un côté, et de Leland Lee, jeune peintre autiste, dont les œuvres commencent à avoir une reconnaissance internationale de l’autre. Le film ne fait pas l’impasse sur les difficultés sociétales que connaissent les enfants pour être acceptés, mais témoigne surtout de l’évolution des mentalités sur le sujet dans l’île de Formose. Karen Lee, la mère de Leland, nous explique qu’elle a du se battre pour que son fils puisse échapper à un traitement médicamenteux qui n’aurait qu’endormi ses facultés et empêché son développement, alors qu’un système d’entraide et d’informations, notamment via Internet, a permis aux mères des trois jeunes autistes du film de faire en sorte qu’ils puissent s’adapter plus facilement à la société. Le succès même du film à Taïwan est la preuve de l’évolution des mentalités sur la question du handicape.

Le sujet de Twinkle… est pourtant moins directement l’autisme et son inscription dans la société taïwanaise, que le lien très fort qui unit ces mères, véritables héroïnes du quotidien, à leurs enfants, et la description en pointillé des épreuves qu’elles ont dû surmonter pour arriver au résultat que l’on voit dans le film. Dans cette perspective, la version française de la comptine qui donne son titre au métrage est plus parlante encore, puisqu’il  s’agit de la célèbre : « Ha, vous dirais-je, maman« . Le parcours de Karen Lee, qui accompagnait son fils à Paris à l’occasion de la présentation de quelques un des ses tableaux au Bureau de Représentation de Taipei en France est à ce titre admirable. Elle ne cache d’ailleurs pas son désir de travailler avec le réalisateur sur une version plus longue du segment consacré à Leland, constitué d’images d’archives montrant l’évolution de l’éducation de l’enfant. Incapable de communiquer pendant des années, Leland s’est peu à peu construit en tant qu’individu capable d’autonomie, grâce au travail patient et au support inconditionnel de sa mère.

Outre l’ode à l’amour maternel qu’est Twinkle…, le film est aussi un éloge de l’imagination et du pouvoir de création qui en découle. On retrouve comme fil conducteur entre le portrait des trois enfants et celui de Leland, l’attention portée à l’art comme lien entre leur univers intérieur et la manière dont ils perçoivent le monde. Si l’importance des disciplines sportives (danse, natation) pour ces jeunes autistes est soulignée dans la prise de conscience de leur corps , leur manière de s’exprimer à travers les dessins et la peinture est primordiale dans leur appréhension du monde. Représenter le réel tel qu’ils le voient, soit la base de tout travail artistique, c’est communiquer avec l’autre. Les deux plus belles scènes du film, placées en introduction et conclusion, exemplifient cette idée, en animant d’abord les dessins des trois jeunes fans de Star Wars, puis les peintures de Leland, qui prennent vie sous nos yeux.

On espère que ce beau film trouvera un courageux distributeur en france, afin qu’il puisse aller à la rencontre d’un publique plus large ici.

Little Stars

Le film doit en effet beaucoup aux peintures de leland, que nous avons pu rencontrer à Paris lors de la projection du film au B. R. T. F.  (Pour plus d’informations sur l’artiste et apprécier ses œuvres, rendez vous sur son site web en anglais, ainsi que son site web chinois).

Leland Lee

Élevé aux états unis et diagnostiqué d’autisme dès 18 mois, Leland Lee réalise ses premiers dessins dès l’âge de quatre ans. Son talent commence à être reconnu vers ses 8 ans par les professeurs de son école. Dès lors, il ne cesse de peindre. Il semblerait que Leland ait une mémoire photographique, et pour contrebalancer  son manque de communication verbale, il développe petit à petit une acuité visuelle extraordinaire, ainsi qu’une imagination débordante et colorée, lui permettant alors de produire des centaines d’œuvres toutes différentes les unes des autres. Résidant actuellement à Taipei, Leland, 22 ans, a déjà exposé dans plusieurs galeries prestigieuses, notamment à San Diego, Taipei et à Venise cette année dans le cadre de la Biennale d »art contemporain.  Les peintures de Leland sont le reflet de son imagination, et pourraient bien s’apparenter à sa perception du monde extérieur. Il aime à dessiner dans la plupart de ses œuvres des hommes affublés de cornes de cerfs (peut être une manière de s’auto-représenter dans ses dessins) à travers des scènettes de la vie quotidienne dans les grandes capitales, des jazzmen, des animaux et à même repris certaines œuvres d’art connues des maîtres Van Gogh, Picasso, Monet

Avoir eu l’occasion de rencontrer ce petit génie (il est également auteur compositeur musical)  à l’esprit aussi pur que celui d’un nouveau né, fut une expérience singulière et particulièrement touchante. Nul doute que son don n’ait pu se développer que grâce à l’abnégation discontinue et l’amour inconditionnel que lui portent sa mère et son frère depuis toujours. En tout cas, East Asia lui souhaite une bonne continuation pour la suite de son parcours !

Victor Lopez et Olivier Smach.

Un grand merci à François Brugier et au Bureau de Représentation de Taipei en France (B. R. T. F.) qui ont rendu cet article possible.