Table ronde avec la légende du cinéma indien, l’acteur, producteur, Shah Rukh Khan à l’occasion du press junket londonien de Chennai Express .
Question : Quand on a joué dans des films cultes tels que Dilwale Dulhania Le Jayenge et qu’ensuite arrive la sortie d’un nouveau film, est-ce que vous vous demandez « comment vais-je surpasser cela » ? Ressentez-vous une quelconque pression sachant que vous avez déjà accompli beaucoup dans votre carrière cinématographique ?
Shah Rukh Khan : Peut-être le vendredi, quand sort un de mes films (NDLR : La sortie des films en Inde est programmée le vendredi). Car lorsque que vous faites un film, personne ne sait si cela sera un succès, un échec ou un échec retentissant. Donc, quand des films que je pensais très réussis et proches de mon cœur ne fonctionnent pas, ils restent à jamais ancrés dans mon cœur. Mais pour certains, vous passez tellement de bons moments en les faisant que vous ne remarquez pas leur importance. Dilwale Dulhania Le Jayenge est l’un d’entre eux. Vous savez, nous avons passé de si bons moments : un groupe d’amis, jeune, faisant ensemble un film ! Beaucoup de gens dans l’équipe disaient : « Vous savez, ce n’est pas comme cela qu’on fait un film » ou « La chanson ne convient pas. » Mais au final, tout a fonctionné et cela fait maintenant 18 ans ! (NDLR : Dilwale Dulhania Le Jayenge continue à être projeté en Inde et à travers le monde. Il reste à ce jour l’un des plus grands succès du cinéma hindi).
Mais, pour en revenir à la question, lorsqu’arrive le vendredi, depuis maintenant plusieurs années et en tant qu’acteur, je crois que j’ai réalisé cela après Dilwale Dulhania Le Jayenge, il n’y a qu’une seule chose à faire lors de la sortie d’un film : prendre un bain durant une heure et se rincer du film. Il ne vous appartient plus après cela. Puis, le lundi, je me dis toujours que si le film ne fait pas de très bonnes entrées le vendredi, vous le savez. Vous le sentez.
Donc le vendredi, vous vous dites : « C’est le film que j’ai fait et les gens l’ont adoré ». Alors le lundi, je me réveille et je me dis : « Mon Dieu, je vais devoir travailler encore plus dur pour surpasser cela. » Par contre, si le vendredi je sens que mon film a coulé, je me lève le lundi et je me dis : « Merde, je vais devoir travailler encore plus dur pour que cela marche ».
En somme, je laisse le film. C’est désarmant. Les gens me demandent : « Êtes-vous nerveux ? Avez-vous la frousse quand le film sort ? Êtes-vous anxieux ? » Non. Je suis juste extrêmement triste de laisser partir quelque chose avec lequel j’ai vécu pendant un an et dans lequel il y a une part de ma personnalité, bonne ou mauvaise, je ne sais pas comment les gens vont le prendre. Les spectateurs le critiquent ou l’adorent. Reste qu’il contient une part de ma personne et que je dois m’en détacher le vendredi. Je le dois. C’est très triste. Dans l’esprit indien, cela revient à laisser partir sa fille.
Je me sens alors complètement vide à la fin d’un film, c’est pourquoi j’apprécie vraiment ces moments où je rencontre des gens, et pas seulement les journalistes […]
Je ne sais pas si vous allez l’aimer ou non mais je vois cela comme un cadeau. C’est comme un dîner à la maison quand vous cuisinez pour des amis ou de la famille. Puis, ils arrivent et vous n’allez pas leur demander : Est-ce bon ? Avez-vous aimé ? Mais vous espérez…
Les vendredis, je ne pense finalement pas comment je vais pouvoir surpasser cela. Simplement, je travaille plus. C’est tout.
Question : Quels changements avez-vous remarqué chez Deepika depuis Om Shanti Om ? (NDLR : Om Shanti Om est le premier film de Deepika en tant qu’actrice. Depuis, Shah Rukh Khan et elle n’avaient plus travaillé ensemble)
Shah Rukh Khan : Elle est beaucoup plus grande, ça c’est certain. Chaque fois que je la vois, elle a pris quelques centimètres de plus. Ce serait condescendant, si je disais qu’elle a évolué en tant qu’actrice. Nous nous adaptons tous à ce que nous faisons en travaillant dur. À l’époque, c’était un mannequin, quand on l’a embauché pour le film. On a toujours su qu’elle serait une grande star. Je me rappelle la première fois qu’on a terminé de tourner une chanson et que nous l’avons regardé sur l’écran de l’ordinateur portable. Tout le monde était ébahi. C’est une grande star et ces dernières années, elle a eu de très bons films comme Cocktail et Yeh Jawaani Hai Deewani. On est très proches.
Je pense qu’elle a le rôle le plus important [dans Chennai Express]. Je pense que Rohit et elle sont responsables de ce divertissement. Je le crois vraiment. Pour ce qui est de Om Shanti Om, je crois aussi qu’il appartient à Farah (NDLR : Farah Khan est la réalisatrice d’Om Shanti Om) et Deepika.
Dans un film, j’apporte si possible de petites innovations par le biais de mon « timing » comique et par mon expérience. Mais je pense que le plus innovant et la partie la plus distrayante de Chennai Express aura été du fait de Deepika et de Rohit. C’est tellement génial de travailler avec eux. Ce fut un film difficile. C’est un très gros film : il y a de l’action, de la comédie et [pour arriver à cela] un millier de personnes, qui à chaque fois, voyageaient avec nous. Le film se déroule sur tout le territoire du sud de l’Inde. On était donc constamment en train de voyager vers des lieux inaccessibles où il n’y a pas les meilleurs hôtels. Vous avez donc besoin d’être entouré d’amis pour passer des moments agréables et profiter.
Question : Comment faites-vous ? Vous êtes partout. Il semble que vous travaillez 25 heures par jour et que vous ne dormez jamais. Quel est votre super-pouvoir ? Honnêtement, comment faites-vous ?
Shah Rukh Khan : Je n’y pense pas comme à un travail. Je m’amuse beaucoup. Je pense que ma vie est dédiée à faire sourire les gens. Donc, je n’entre pas dans une pièce, un lieu ou sur un tournage en me montrant fatigué. Je ne fais de faveurs à personne. Je me rends heureux et je n’essaye pas d’être modeste ou humble. C’est comme cela que je vis et même quand je rentre à la maison et qu’il s’y trouve des amis à 3 heures du matin, je les divertirais. Et vous savez, je ferai n’importe quoi pour rendre les gens heureux. C’est un plaisir que j’ai développé depuis ces 15 dernières années !
Question : Effectuer un film peut être une expérience amusante mais vous nous confiez qu’elle s’avère parfois dure et émotionnelle. Pouvez-vous partager un de vos souvenirs les plus chers durant le tournage de Chennai Express ?
Shah Rukh Khan : Vous voyez, vous dédiez presque une année de votre vie pour aboutir à un film. J’ai commencé ce film en septembre. Il sort en août. Ce qui signifie que presque une année s’est écoulée. Et vous y mettez votre meilleur et vous espérez que cela sera suffisant : mais quelquefois ça ne l’est pas. À ce moment-là, vous êtes anéanti de décevoir les gens. […] Certes, il y a eu des moments [éprouvants] durant ce film. En décembre, j’ai découvert que j’avais une blessure à l’épaule qui nécessitait une opération. Si je la faisais, et c’était très douloureux, le film irait à sa perte parce que le plan de travail était organisé, les lieux de tournage étaient validés et la date de sortie était fixée et nous ne voulions pas la perdre. J’ai donc suivi un traitement de cortisone quotidien. Toutes les équipes du film se souciaient de mon état. Vous savez, il y a de l’action dans le film et c’était très stressant, déprimant et effrayant parce que vous êtes conscient que si vous vous blessez davantage cela peut [être le drame]… donc ces moments étaient très difficiles. Les mois de mars à mai furent les plus difficiles car c’est la période où je ne pouvais plus du tout bouger alors que je devais encore faire mes danses et mes scènes d’action. Ce furent donc des moments très éprouvants mais ce qui est émouvant c’est que tout le monde essayait de faire en sorte que cela fonctionne… Ils se tenaient tous du côté gauche, le réalisateur planifiait la scène d’une telle façon ou ils changeaient quelque chose autour et tout le monde était tellement tracassé après chaque prise que cela me faisait me sentir bien. […] On a aussi eu des moments fabuleux avec Deepika et notre équipe, et ce dans des endroits reculés, qui n’étaient pas du tout distrayants. En tant que producteur [vous vous inquiétez du bien-être de votre équipe], vous voulez que tout le monde soit heureux. Mais, au final, on s’est bien amusé. Cela a donc été un joyeux périple que de faire ce film malgré la douleur.
Question : À propos du clash des cultures au sein de l’histoire d’amour, pouvez-vous nous en dire davantage ?
Shah Rukh Khan : Mon père est de Peshawar au Pakistan tandis que ma mère est d’Hyderabad [en Inde]. En fait, ce film m’a attiré à cause de cela. Je les voyais se disputer et je ne comprenais pas de quoi ils parlaient. Je pense que cela rend les couples plus excitants quand vous venez de cultures différentes et que vous vous disputez à cause de cela. C’est le propos même du film.
Propos recueillis le mardi 30 juillet 2013 au Courthouse Hotel de Londres.
Pour consulter les lieux et horaires de diffusions de Chennai Express veuillez vous rendre sur le site suivant : http://www.aannafilms.fr/movies/ce/
Remerciements à Agilane Pajaniradja & Aanna Films
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