Jackie Chan, devant et derrière la caméra, réalise ce chef-d’œuvre du ciné kung fu. Un classique indémodable…
Hong Kong, début du XXe siècle. Les pirates rançonnent les mers. Dragon, jeune garde-côtes turbulent, préfère démissionner plutôt que d’obéir aux nouvelles règles qui rattachent son service à la police. Avec son ami Fei, un voleur au grand cœur, Dragon décide de démanteler un réseau de trafic d’armes.
Le marin des mers de Chine constitue le premier grand classique cinématographique de Jackie Chan. L’artiste avait déjà effectué un chemin impressionnant jusque-là, échappant au destin de clone de Bruce Lee pour s’inventer son personnage bagarreur et casse-cou, plus humain que le Petit Dragon dans sa dimension comique. Si cette réinvention lui assoit un succès instantané et une grande popularité à Hong Kong et en Asie, Jackie Chan n’a pas encore tourné un film à la mesure de son talent. Le Maître chinois (1978) et Le Chinois se déchaîne (1978), ses deux collaborations avec Yuen Woo-ping, sont les plus belles réussites de cette première période mais en restent encore à des trames basiques de kung-fu pian. Déjà tenté par une carrière internationale, il va également se perdre dans des productions américaines avec Le Chinois (1980), L’équipée du Cannonball (1981), où il n’est qu’un second couteau perdu parmi les stars ou encore Le Retour du chinois (1983).
Mis en confiance par le succès de ses premières réalisations (La danse du lion (1980) et Dragon Lord (1982)) c’est en étendant son ambition que Jackie Chan va signer sa première vraie grande réussite avec Project A. L’expérience américaine, à défaut d’être concluante, aura élargi sa vision du cinéma d’action et plus qu’un basique kung fu pian, Le Marin des mers de Chine est une vraie comédie d’action et d’aventures échevelée. La Golden Harvest accorde des moyens immenses à sa star, qui signe un film d’époque à la reconstitution soignée et aux décors impressionnants, notamment les batailles maritimes. Il y développe également son emploi de flic sans peur et sans reproche, qu’il retrouvera dans un cadre contemporain dès Police Story (1985) et ses suites ou dans des œuvres plus aventureuses comme Crime Story (1993) de Kirk Wong, polar pur et dur.
Jackie convoque ses deux compères Sammo Hung et Yuen Biao, dont les caractéristiques font osciller le ton du film en comédie pure et intrigue policière. Jackie Chan est ainsi un membre de l’unité des garde-côtes dans la péninsule de Hong Kong du début du XXe siècle (et donc sous administration anglaise) en constante rivalité avec les policiers de terrain, eux menés par Yuen Biao. On s’amuse ainsi de cette concurrence, les débraillés et fêtards garde-côtes suscitant l’animosité des plus rigoureux policiers, prétexte parfait à une homérique scène de bagarre dans un bar où va se croiser la route de Yuen Biao et Jackie Chan. On bascule ensuite dans la joyeuse comédie de régiment quand les garde-côtes sont démantelés pour intégrer la police et subir ainsi la rude discipline de leurs anciens rivaux. Toute cette introduction plus légère aura donc servi à nous attacher aux personnages et tisser leurs liens tandis que leur redoutable ennemi commun se dévoile en filigrane, les nantis corrompus au service du redoutable pirate Lo (Dick Wei). Le concours de Fei (Sammo Hung) n’est pas de trop avec un personnage à la Han Solo (un rebondissement final reprenant directement celui majeur du premier Star Wars).
Un scénario simple et astucieux qui nous conditionne donc parfaitement avant que Jackie Chan ne déploie un crescendo d’action survoltée. On retiendra en particulier cette course-poursuite rocambolesque qui multiplie les prouesses, notamment une poursuite à vélo à la chorégraphie époustouflante et bien sûr l’hommage de Jackie Chan à l’Harold Lloyd de Monte là-dessus ! (1923) lorsque, suspendu à une horloge, il effectue une de ses cascades les plus stupéfiantes (et le générique making-of met le frisson quant au risque encouru).
Le final à la James Bond est plus conventionnel mais bien amené avec un affrontement final furieux et où on aura précédemment savouré quelques moments de comédie cantonaise bien loufoque (souvent coupée dans les montages français d’ailleurs) avec son lot de quiproquos et de gags nonsensiques. Immense succès à Hong Kong, le film ouvre une voie royale à Jackie Chan qui, dans les années qui suivront, étendra sa nature de trublion kamikaze dans des genres bien plus variés et connaîtra une suite en 1987.
Justin Kwedi.
Le Marin des mers de Chine, disponible en Blu-ray avec Le Marin des mers de Chine 2 chez Metropolitan, depuis le 24 avril 2013