Dire que The Murderer, le nouveau film de Na Hong-jin était attendu est un doux euphémisme. Depuis sa sortie en 2008 (puis en 2009 chez nous), The Chaser a fait couler de l’encre et posé le metteur en scène comme l’un des plus prometteurs de sa génération. Na Hong-jin confirme-t-il son talent avec ce deuxième essai ? Vérification. Par Anel Dragic.
The Chased
Plus froid que son prédécesseur, le cadre de The Murderer démarre à Yanji, ville chinoise de la préfecture de Yanbian, près de la frontière avec la Corée du nord. C’est ici que vit une population sino-coréenne : les joseonjok, dont une grande partie subsiste grâce à des activités illégales. Gu-nam (Ha Jung-woo) est un chauffeur de taxi endetté sans nouvelles de sa femme, partie travailler en Corée du Sud. Myun (Kim Yun-seok), un caïd local lui propose d’éponger sa dette, et d’en profiter pour rechercher sa femme, en allant éliminer une cible en Corée du Sud.
Tout ceci n’est qu’un point de départ sur lequel s’appuyer, afin de tisser une intrigue bien plus vaste que l’on ne pourrait penser. Suivant une structure progressive, le film fait de Gu-nam une proie, poussant celui-ci dans ses derniers retranchements. Soulignons à ce titre le jeu de Ha Jung-woo, impressionnant en victime usée, à l’opposé de son personnage de tueur au visage banal et impassible de The Chaser. The Murderer reprends le duo d’acteur du premier film de Na Hong-jin, offrant l’opportunité à Kim Yun-seok de retrouver un personnage au jeu proche de celui qu’il adoptait déjà auparavant, versant dans l’humour et la violence.
Si The Chaser pouvait être vu comme le premier volet d’un diptyque sur la traque, mettant en avant le traqueur, ici c’est au tour du traqué d’être placé au premier plan. Un sujet qui sied toujours aussi bien au registre thriller/action, et qui offre encore une fois quelques très belles courses-poursuites (toujours à pied, mais aussi quelques unes en voiture cette fois). Le film laisse également éclater quelques beaux éclats de violence, avec un certain fétichisme de la hache, qui succède brillamment au marteau de The Chaser.
L’odyssée
Avec The Murderer, Na Hong-jin délaisse la beauté plastique pour quelque chose de plus viscéral, parfois plus proche du documentaire, appuyé par une photographie et des éclairages moins théâtraux. Et du théâtre, ce ne sont pas les seuls attributs dont le film semble s’éloigner. Finit l’unité de lieu, de temps et d’action de The Chaser. Ici, le récit adopte une structure plus épisodique, en quatre chapitres, impliquant une imprévisibilité constante du récit, montrant la capacité du scénariste à relancer en permanence son intrigue, comme c’était déjà le cas avec son précédent essai.
Une structure plus complexe, rendant la progression laborieuse mais nécessaire afin de faire ressentir le parcours interminable d’un Ulysse moderne et misérable, qui ne prétend qu’à retrouver sa femme et son foyer mais qui devra pour cela se confronter à la mer jaune et à de nombreux obstacles. Les divers points de vus permis par cette narration et l’importance des storylines secondaires laissent une fois encore apparaître les importantes interactions entre le fil narratif principal et les conséquences des storylines secondaires sur celui-ci, donnant l’impression d’un effet domino.
Une fois encore, Na Hong-jin épate. Le scénario se montre à la hauteur des attentes, déjouant encore une fois celle-ci. Si la mise en scène se montre en revanche moins soutenue que sur The Chaser, le film offre malgré tout quelques très beaux morceaux de cinéma. On pourrait cependant reprocher au film sa longueur (2h36, quand même !), mais accepter de se laisser porter dans cette traque longue et éprouvante est au final une belle expérience. Espérons que le réalisateur continue sur cette lancée et reprenne son duo fétiche pour un troisième film.
Anel Dragic.
The Murderer de Na Hong-jin, en salle le 20/07/2011.