Critique de Ace Attorney de Miike Takashi (Kinotayo)

Posté le 21 janvier 2013 par

L’occasion était belle. La 7ème édition du festival Kinotayo nous a permis d’enfin voir l’adaptation du jeu vidéo Phoenix Whright : Ace Attorney par le toujours très prolifique Miike Takashi. Par Jérémy Coifman.

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Phoenix Wright : Ace Attorney, de son vrai nom Gyakuten Saiban : Yomigaeru Gyakuten, est une série de jeux vidéo débutée en 2001 sur Game Boy Advance au Japon. Elle n’est arrivée en France que quatre années plus tard en 2005 sur DS. Le jeu conte l’histoire de Phoenix Wright, jeune avocat débutant qui se retrouve bien malgré lui mêlé à une sombre affaire de meurtre et de conspiration. Il se retrouve au tribunal en tête de ligne face à de redoutables ennemis.

Elle remporta un tel succès sur l’archipel et en dehors que de nombreuses suites et dérivés ont évidemment vu le jour. Après une adaptation en manga, il était évident que la franchise ne s’arrêterait pas là.

C’est donc au tour du cinéma d’accueillir Phoenix Wright. On ne choisit pas n’importe quel réalisateur pour s’atteler au projet : Miike Takashi, celui que rien ou presque n’arrête. Après un retour à un classicisme formel et narratif de ses remakes de 13 Assassins et de Hara-Kiri, son adaptation du jeu vidéo de Capcom est un drôle de choix. Comment adapter un jeu vidéo au cinéma sans le dénaturer ? Comment contenter les cinéphiles et les fans du jeu ? Autant de questions auxquelles Miike tente de répondre au travers de son long métrage.

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Miike choisit l’angle (assez inédit pour un jeu vidéo) de l’adaptation à la lettre. La surprise est immédiate et il est difficile de s’y faire. Les costumes, les coupes de cheveux (perruques géniales),  les intonations des personnages, l’esthétique, Miike  intègre tous les codes visuels et scénaristiques de la série de jeu. Première constatation de gamers : c’est cool. Pour le cinéphile, ça l’est un peu moins. C’est très kitsch, souvent de très mauvais goût. C’est toujours hystérique, à la limite du supportable par moment. Miike suit le scénario du jeu à la ligne (ou presque), le respect pour l’œuvre est totale, et immanquablement on se prend à penser à ses remakes de 13 Assassins et Hara-Kiri. On commence à comprendre le choix de Miike et sa démarche. Phoenix Wright se révèle dans la continuité de la réflexion du cinéaste sur l’adaptation, le remake.

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Cela rend les choses plus intéressantes théoriquement, sans pour autant faire adhérer totalement à l’œuvre. Ace Attorney est un film de procès aux accents fantastiques et surtout comiques. Là où Miike touche juste, c’est qu’il prend le parti d’en rire. Comme si il se rendait compte du ridicule de l’adaptation littérale. Une adaptation de jeu vidéo est très difficile et il est très rare qu’elle soit réussie (ce n’est même jamais arrivé), et le challenge de Miike est dans un sens perdu d’avance. Il choisit donc d’insuffler autre chose à son long métrage, un second degré de lecture salvateur. Une fois ce parti pris assimilé, c’est à nous spectateurs de faire notre choix. Force est de reconnaître que pour un fan d’Ace Attorney, le plaisir est immense de voir ses héros se comporter comme dans le jeu, de voir l’attention avec laquelle Miike filme les situations, respectant au split screen près les codes visuels.  Les fans sont généralement les premiers à se plaindre lors d’une adaptation (que ce soit d’un roman ou d’un jeu vidéo), ici, ce sont plutôt les cinéphiles qui se demanderont le pourquoi du comment. Même si on comprend la démarche du réalisateur, il est difficile de faire face aux 2h15 du long métrage.

Jérémy Coifman.

Verdict : 

En résulte donc un film hybride, tour à tour hilarant, ennuyeux et profondément éreintant. Mais Miike cerne bien le côté manga débridé du jeu vidéo et finalement réussit son adaptation. Un petit tour de force.

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Ace Attorney de Miike Takashi, visible au festival Kinotayo