CANNES 2025 – Entretien avec Tony Leung Ka-fai

Posté le 23 mai 2025 par

À l’occasion de la projection en séance de minuit du très attendu Sons of Neon Night de Juno Mak, nous avons eu l’occasion de nous entretenir avec Tony Leung Ka-fai, légende du cinéma hongkongais (Prison on Fire de Ringo Lam, Les Cendres du temps de Wong Kar-wai, Election de Johnnie To…) et international (L’Amant de Jean-Jacques Annaud).

Votre personnage a un temps à l’écran restreint, mais s’avère d’une importance majeure dans le déroulement de l’intrigue. Est-ce sa complexité et ses motivations qui vous ont intéressé malgré sa présence plus faible ?

Je suis un acteur et je m’estime toujours chanceux d’être engagé dans un film. J’ai tout d’abord lu le script que j’ai initialement vu comme un film de gangster classique. Mais en discutant avec Juno Mak, il m’a immergé dans l’histoire et mon personnage, étapes par étapes. Hier soir, c’était la première fois que je voyais le film fini, et j’ai d’autant mieux compris la profondeur, l’humanité de mon personnage et ce que recherchait Juno Mak.

Vous avez souvent été le héros, le jeune premier dans des grands polars hongkongais des années 80/90. Cela vous plaît-il de désormais incarner les mentors, les chefs et éminences grises ?

Non, être un acteur professionnel c’est avoir l’opportunité de jouer tous types de personnages. Quand je suis chez moi, je ne suis que Tony Leung Ka-fai. Mais sur le plateau, les personnages que j’incarne deviennent ma vie. J’ai tourné plus de 150 films, Tony Leung Ka-fai n’a qu’une vie mais être un acteur m’a donné la chance d’avoir 150 vies.

Beaucoup des grands polars hongkongais des années 80/90 reposent sur des grands sentiments d’amitié, de fraternité. Sons of Neon Night est différent, plus porté sur l’individualisme des personnages, l’égoïsme et la trahison. Cette différence de traitement correspond-elle aussi à une évolution de la société hongkongaise ces dernières décennies ?

Le monde devient de plus en plus petit et le public de plus en plus versatile. Nous n’avons pas le temps de nous reposer sur nos lauriers. Les films demeurent des vecteurs qui nous entraînent dans les salles. Et là, lorsque les lumières s’éteignent, vous vivez et respirez le film. Vous êtes emmené au-delà de ce type de considérations.

Vous avez dit avoir découvert le film terminé lors de sa projection cannoise. Qu’avez-vous ressenti ?

Le tournage de ce film s’est terminé il y a près de 7 ans. Je n’irai pas jusqu’à dire que je l’avais oublié, mais c’était déjà un souvenir lointain. J’ai donc ressenti une grande émotion en voyant le film. J’ai vraiment pu ressentir, par la beauté des images et l’atmosphère installée par Juno Mak dans cet univers, une grande émotion. J’ai redécouvert toute l’humanité par laquelle il avait conçu mon personnage.

Pour quelle raison le film a mis autant de temps à sortir ?

Il y avait le matériau pour faire 4 films dans le scénario et tout ce qu’a filmé Juno Mak. Plusieurs histoires, personnages, et angles d’approches dans la tonalité à donner. C’est ce qui a retardé si longtemps la sortie du film, jusqu’à l’aboutissement de la projection hier soir. C’est pourquoi je tiens à remercier Juno Mak.

Entretien réalisé par Justin Kwedi le 17/05/2025 à Cannes.

Remerciements à Anna Nicoll et Stevie Wong.