CANNES 2025 – Sons of Neon Night de Juno Mak

Posté le 20 mai 2025 par

Projeté au Festival de Cannes dans la catégorie Hors compétition, et attendu depuis de longues années, Sons of Neon Night de Juno Mak devait être la nouvelle sensation du polar hongkongais mais le résultat s’avère très mitigé.

Une explosion soudaine a tué des hommes d’affaires fortunés de Hong Kong et a entraîné la lutte entre les trafiquants de drogue et l’anti-drogue. Les héritiers du groupe de trafiquants de drogue n’épargnent aucun effort pour créer le chaos social.

Sons of Neon Night est une arlésienne longtemps attendue par les amateurs de polar et de cinéma d’action HK. Quatre ans d’écriture, un an de tournage entre 2017 et 2018 et l’on était depuis sans nouvelle du film de Juno Mak, révélé avec Rigor Mortis (2013), son premier film. Le film s’inscrit dans la continuité (mais de façon paradoxale puisque tourné avant, malgré cette sortie tardive) du Limbo de Soi Cheang. On se trouve donc dans un polar hongkongais qui capture la péninsule comme un espace abstrait par des parti-pris formels forts, et exprime une noirceur et une violence plus outrée dans cette stylisation que les œuvres du même genre produites en Chine continentale.

A la putréfaction de Limbo, Juno Mak troque une froideur hivernale et métallique capturant l’urbanité à travers une photo désaturée, frisant le noir et blanc si ce n’est une palette de couleurs dans la tenue des personnages et certains décors. Cet aspect souligne l’ambiguïté des protagonistes et les interactions complexes qui les relient. C’est d’ailleurs là le problème majeur de Sons of Neon Night. L’intrigue souffre d’un trop-plein de personnages dont, pour chacun, le charisme, le passif entraperçu, les enjeux moraux esquissés, justifierait un long-métrage à part entière. Faute de cela, les sous-intrigues confuses se démultiplient et nous égarent par une sur explication ou à l’inverse une opacité qui fait bien vite perdre le fil de l’ensemble. Duel fratricide au sommet d’une multinationale souhaitant tourner le dos au crime, vengeance personnelle, quête sociale des petites mains criminelles, tout cela est bel et bien introduit mais ne va nulle part.

C’est fort regrettable car, hormis quelques effets numériques très laids (les explosions, certaines cascades motorisées), Juno Mak a au moins formellement conçu un univers singulier et fascinant. Ce mélange de froideur austère et de stylisation met en valeur une idée de polar opposée aux conflits fraternels et amitiés intenses des œuvres produites à Hong Kong durant les années 80/90. Il n’y a pas non plus le recul et la distanciation que pouvait développer (en surface) un Johnnie To. Il y a simplement un sentiment d’extinction, de dévitalisation, qui sert le film dans un premier temps avant de le noyer dans un méandre laborieux. L’interprétation est à l’avenant, la photogénie d’un casting prestigieux (Tony Leung Ka-fai, Louis Koo, Michelle Wai, Guan Yan Yan, Kaneshiro Takeshi) captive un temps mais ne suffit pas à maintenir l’intérêt d’une intrigue poussive.

On ne peut qu’espérer que les prochains films de Juno Mak bénéficient d’une gestation moins erratique, ce qui conduirait à un résultat final plus efficace. Les qualités sont là.

Justin Kwedi

Sons of Neon Night de Juno Mak. Chine/Hong Kong. Projeté au Festival de Cannes 2025.