Le film « coup de poing » de cette 3e édition du Festival du Film Hongkongais de Paris, nommé à 16 reprises aux Hong Kong Film Awards de 2024, s’intitule In Broad Daylight et est réalisé par Lawrence Kan. Inspiré de faits réels et d’un scandale médiatique sur le traitement des résidents d’établissements socio-médicaux privés.
Kay, une journaliste récompensée, commence une nouvelle enquête sur la maltraitance à « Rainbow Bridge Care Home » – une résidence privée pour personnes âgées et handicapées. Lorsque Kay plonge plus profondément dans ses recherches, elle comprend que le problème est structurel et lié à la privatisation du service public… Inspiré par des histoires vraies basées sur deux grands scandales révélés par les médias en 2015 et 2016.
La nouvelle génération de cinéastes hongkongais prend à cœur les sujets sociaux de son territoire et réalise de plus en plus de films expressément politiques, à une époque où ceux-ci se heurtent non seulement aux législations, mais surtout au manque de financement des circuits traditionnels, premier coup de marteau porté à la production cinématographique hongkongaise. Dans ce contexte, mettre à jour les failles profondes du système de santé public et l’état fragile du journalisme local n’est pas anodin.
Lawrence Kan, jeune réalisateur, se penche sur le scandale des maisons de santé privées. Les accusations font état de violences physiques et psychologiques, d’agressions sexuelles, et plus généralement du traitement indigne réservé aux résidents âgés et handicapés. Une enquête est menée sur place par une journaliste reconnue pour ses qualités d’infiltration par le passé, incarnée par Jennifer Yu. Deux problématiques se superposent et se répondent mutuellement : d’abord, c’est l’ensemble du système de santé public qui est pointé du doigt, celui-ci manquant de moyens et nécessitant parfois jusqu’à plus de 10 ans d’attente pour accéder aux centres publics spécialisés. En conséquence, certains se tournent vers des établissements privés aux activités suspectes sur lesquelles les autorités ferment délibérément les yeux. Ensuite, il s’agit peut-être avant tout d’un film sur la condition du journalisme à Hong Kong, sur le droit fondamental à la justice et à la vérité. C’est la recherche de celle-ci qui se trouve être au centre du récit et qui préoccupe les intentions du cinéaste.
Le point de vue employé est proche du travail de journalisme que l’écriture du film prend pour modèle. Minutieusement, les preuves sont collectées, les patients interrogés, les faits remontés et étudiés, les doutes écartés. Une telle proposition emprisonne le film dans une certaine froideur de style assumée, procédurale, parfois embellie par quelques rares conversations plus intimes avec les résidents dont le vieux Tung qui feint son handicap pour ne pas se retrouver seul, interprété par la légende David Chiang. C’est aussi un second aspect d’In Broad Daylight, faire de la morale un moteur narratif à part entière en dénonçant certes les pratiques perpétrées par ces maisons de soin, mais d’autre part souligner la lourde responsabilité de la journaliste en cas de fermeture de l’établissement et de mise à la rue de ses résidents.
Lawrence Kan semble néanmoins manquer de maturité et s’encombre trop souvent de lourdeurs dramatiques quand le sujet se suffit à lui-même pour susciter les émotions attendues. En affirmant clairement sa démarche stylistique, le produit final est certes fort mais aussi très classique et linéaire, dont il faut en premier lieu attendre la dénonciation politique. Le sujet est d’actualité : Hong Kong deviendra bientôt l’une des sociétés les plus vieilles du monde. Le traitement des personnes âgées reste une problématique de santé publique. C’est pourquoi In Broad Daylight résonnera sans doute plus sur le fond que sur la forme, que ses échos ne se dissiperont pas tant que le sujet sera réactualisé au cinéma et travaillé sérieusement dans la sphère publique.
Richard Guerry.
In Broad Daylight de Lawrence Kan. 2023. Hong Kong. Projeté au Festival du Film Hongkongais de Paris 2024.