L’un des évènements clés de cette 19e édition du Festival du Film Coréen à Paris (FFCP), est sans nul doute le retour de Ryoo Seung-wan sur son plus gros succès, invaincu à ce jour, et qui se trouve également être l’une des plus grosses performances de l’histoire du box-office sud-coréen. Veteran (2015) et ses 13 millions d’entrées s’offre une suite, Veteran 2 (2024), près de 10 ans après la sortie du premier opus.
Do-cheol dirige une équipe d’inspecteurs au sein de la criminelle. Ils traquent les hors-la-loi jour et nuit. Lorsque le meurtre d’un professeur laisse à penser qu’un tueur en série élimine des hommes que la justice n’a pas punis, l’affaire fait grand bruit. La foule se passionne pour ce criminel qui agit comme un justicier. Pour Do-cheol, la traque commence.
En se hissant dans le top 10 des succès cinématographiques les plus importants de son pays, Veteran a permis tout à la fois à Ryoo Seung-wan de s’ériger parmi les grands cinéastes sud-coréens de son temps, et au genre de la comédie policière de jouir d’un gain de vitalité phénoménal dont on fait encore état aujourd’hui, pour le meilleur comme pour le pire. Le film policier coréen a toujours plus ou moins flirté avec des registres contradictoires dans lesquels cohabitent sarcasme, éclats de violence, vulgarité ou bravoure héroïque sans jamais rompre le rythme et les intentions initiales du récit. Mais c’est bien la success story de Veteran qui donnera le coup d’envoi à cette vague ininterrompue de comédies policières inondant la Corée depuis près de 10 ans.
Des mastodontes comme Extreme Job (2019) ou The Roundup (2022) sont nés dans le sillage du film de Ryoo Seung-wan, mais sont aussi la raison du pourquoi le cinéaste a-t-il mis autant de temps pour réaliser une suite à sa poule aux œufs d’or, dans une industrie où les sequels font légion. Un genre aussi essoré comporte forcément son lot de poncifs et de codes si répétitifs que la tâche de les contourner, ou pire, de les réinventer, devient vite un casse-tête. Alors, dans ce climat, comment donner suite à Veteran ? En faisant ce que Ryoo Seung-wan sait faire de mieux : faire du Ryoo Seung-wan, dans toute la simplicité et la vivacité qu’implique le style du réalisateur, et qui suffit à lui seul à le placer au-dessus du lot.
Dans ce nouveau volet, Hwang Jung-min incarne une fois encore la figure du policier nonchalant, maladroit et désabusé, à juste titre incontournable pour la réussite d’un tel projet. Lui et son équipe de bras cassés affrontent un danger, un mal contemporain qui apparaît bien abstrait aux yeux de policiers cinquantenaires en désaccord total avec leur époque, habitués des courses poursuites, des bavures et de l’adrénaline mais très peu des nouvelles formes de violence et de criminalité. Un tueur masqué, littéralement, se met de façon arbitraire à purger Séoul de ses criminels et de ses résidents corrompus. Ses actes sont massivement relayés et même encouragés sur les réseaux sociaux et diverses plateformes de streaming par une population critique des instances judiciaires jugées trop inefficaces. Le regard porté par Ryoo Seung-wan sur ces univers numériques, bien que dans l’air du temps, trahit surtout le fait que Veteran 2 est un film de boomer sur les bords. Loin d’être un défaut, cet aspect maladroit du récit reste à l’image de l’équipe de policiers et de cette nouvelle phase de la carrière du réalisateur, désireux comme à son habitude d’offrir un spectacle comique, léger mais surtout de qualité à son audience.
Veteran 2 fourmille de petites idées de mise en scène qui témoignent du savoir-faire du cinéaste. Demi-bonnettes en pagaille, caméra dynamique au service des chorégraphies (et non l’inverse), maîtrise irréprochable des tons employés, sont en mesure de rattraper les paresses d’écriture qu’il serait peut-être malhonnête de relever tant le film semble conscient de ses coquilles à chaque instant. Tout ne suffit pas à justifier la longue attente entre les deux opus et Ryoo ne cache pas qu’il est quelque peu dépassé par son époque. Reste que Hwang Jung-min est toujours délicieusement agaçant dans ce rôle et que le nouveau venu dans l’équipe interprété par le talentueux Jung Hae-in, d’une froideur glauque et inconfortable, balaye toute impression légitime de déjà-vu pour laisser place au plaisir le plus sincère. Même si les chiffres sont loin de s’être envolés comme le premier du nom, Veteran 2 a semble-t-il suffisamment convaincu le public sud-coréen pour rassembler plus de 7,5 millions de spectateurs et se hisser dans le top 5 du box-office de l’année 2024.
Richard Guerry.
Veteran 2 de Ryoo Seung-wan. 2024. Corée du Sud. Projeté au FFCP 2024.