Ce mercredi 21 août, après un passage par le Festival d’Annecy et la Quinzaine des cinéastes 2024, sort en salles chez Diaphana le film d’animation japonais de l’été : Anzu, chat-fantôme de Kuno Yoko et Yamashita Nobuhiro, un conte initiatique d’humeur féline et déjantée dans le sillage du cinéma de Yuasa Masaaki, qui s’avère être aussi drôle qu’attendrissant.
Après la mort de sa femme, un bad boy japonais confie sa fille de 11 ans, Karin, à son propre père, un moine qui cohabite dans un temple rural avec Anzu, un « chat-fantôme » de 37 ans à taille humaine, aussi ingénieux que sarcastique. D’autres esprits viendront grossir le panthéon local : grenouille squattant un terrain de golf, champignon barbu, dieu du malheur…
Anzu, chat-fantôme naît d’une coréalisation inattendue entre Kuno Yoko, connue pour son travail d’animatrice sur la série des Crayon Shin-chan, et Yamashita Nobuhiro, cinéaste incontournable du cinéma japonais des années 2000 qui touche pour la (quasi) première fois à l’animation. Le long-métrage est coproduit par le studio français Miyu Productions et, sans grande surprise, par Shin-Ei Animation, le studio bien connu derrière Doraemon et Crayon Shin-chan, desquels on retrouve tout autant le savoir-faire technique que l’esprit enfantin.
À l’image de Mon voisin Totoro ou du Déménagement de Somai Shinji, le film débute au fin fond de la campagne japonaise où Karin est forcée d’emménager. Elle y rencontre Anzu, l’esprit gardien du temple du village, un chat-fantôme au comportement humain. L’histoire se lance alors à pleine vitesse dans une succession de scènes toutes plus loufoques les unes que les autres, où le folklore japonais est réinvesti au profit d’un slice of life aux notes savoureuses de récit initiatique pour la jeune Karin, endeuillée depuis la mort de sa mère. Celui qui l’accompagne dans ses aventures, Anzu, a à la fois tout d’un chat et rien d’un humain, et tout d’un humain et rien d’un chat. Sorte de cousin japonais de Garfield façon yokai à qui Moriyama Mirai prête sa voix, il miaule, dort et fait ses griffes autant qu’il se plaint de son travail et se rend malade au pachinko. C’est ce caractère mi-félin, mi-humain nonchalant qui fait de lui un protagoniste tout bonnement hilarant à l’humour graveleux.
À mesure que de nouveaux compagnons attachants et inspirés du folklore japonais se joignent à la fête, les questions du deuil et de la peur de l’abandon sont traitées de plus en plus frontalement jusqu’à l’instant irréversible où Karin et Anzu choisissent de pénétrer dans le royaume d’Enma, le gardien de l’enfer, dans une sorte de déclinaison bouddhiste du mythe d’Orphée version mère-fille. Pour autant, le ton demeure léger et le film y trouve plutôt une source d’aventure supplémentaire qui le confine dans le registre de la comédie familiale. Loin d’être une entrave aux émotions du spectateur adulte, ce répertoire est manié avec grande finesse. L’animation en rotoscopie, peu courante au Japon et qui revient à l’équipe française, donne vie au surnaturel de l’univers et apporte une touche impressionniste dépaysante au dessin traditionnel japonais. Seul regret : le retour à la vie réelle en fin de séance, et savoir qu’Anzu n’existe pas.
Richard Guerry.
Anzu, chat-fantôme de Kuno Yoko et Yamashita Nobuhiro. Japon. 2024. En salles le 21/08/2024.