FESTIVAL DE CANNES 2024 – Interview de Guan Hu

Posté le 27 mai 2024 par

Connu du public pour ses derniers grands blockbusters chinois (My People, My Country, Mr. Six, La Brigade des 800), Guan Hu a livré l’un des plus beaux films asiatiques du 77e Festival de Cannes avec Black Dog. Nous avons pu nous entretenir avec le réalisateur pékinois pour sa première venue sur la Croisette, en pourtant 30 ans de carrière déjà.

Votre film dispose de très belles images, avec de très beaux décors et un véritable grain. Quelle était votre idée de mise en scène pour l’image ?

Visuellement, nous avons voulu traiter au minimum les images pour un rendu très proche de la réalité. Aujourd’hui, il existe une nouvelle technique qui permet de filmer en numérique pour passer ensuite en pellicule. C’est un processus relativement complexe mais c’est ce que l’on a fait cette fois-ci.

Le film est émaillé de références à Pink Floyd. Il y a le poster de The Wall dans la chambre, l’écriture du nom du groupe sur la moto ainsi que la présence de la chanson du groupe dans la bande originale. Pourquoi cette référence cryptique à Pink Floyd ?

C’est par préférence personnelle, j’aime beaucoup ce groupe. C’est aussi lié à la génération de Lang, le personnage, qui a grandi dans les années 80, une époque de grand changement où tout ce qui est ancien est balayé par beaucoup de nouveautés, d’inconnu et qui était étourdi par tout ce qui arrivait. Cette génération de jeunes était attirée par le rock et le heavy metal. C’est ce que j’ai voulu montrer et c’est ce que je partage avec Lang.

Cela-a-t-il un rapport avec l’un de vos premiers films des années 90, sur le rock ?

Dirt ! Vous connaissez ce film ? (rires) J’ai grandi avec le rock, j’ai même eu un groupe !

Black Dog évoque les villes réaménagées et les JO de Pékin. Qu’avez-vous voulu exposer à travers cette thématique du réaménagement urbain, qui dans la réalité provoque beaucoup de bouleversements à ceux qui le vivent ?

Effectivement, la société chinoise a beaucoup changé au cours des trente dernières années, bien plus rapidement que l’Europe et les États-Unis qui ont pris des centaines d’années pour atteindre ce niveau de développement. Tout au long de cette évolution, je me suis dit qu’il était intéressant de voir le destin de ces gens dans ce contexte de changement extrêmement important. Je pense que leur histoire mérite d’être racontée. Il y a deux choses : les histoires de ces hommes et femmes et le contexte de ce grand changement.

Pouvez-vous nous en dire plus sur la localité où a été tournée le film ? S’agit-il d’un lieu réellement abandonné ou d’un décor ?

Tout est réel. Tous ces paysages existent. Au départ, j’ai beaucoup lu sur internet au sujet de ce genre de localités. On a dû aller voir sur place repérer pour le tournage et nous avons vu des paysages, des villes qui correspondaient exactement à ce que j’avais écrit dans mon scénario. Quatre villages ont été mobilisés pour le tournage.

La Brigade des 800, votre précédent film, est un blockbuster et a été un énorme succès au box office chinois. Comment passe-t-on du cinéma commercial au cinéma art et essai d’un film à l’autre ?

En fait, je n’ai jamais vraiment quitté le cinéma d’auteur. Pendant une période, le cinéma chinois s’est fortement développé et j’ai voulu participé à cette vague de films plus commerciaux, plus grand public. J’ai trouvé ça amusant et certains ont très bien marché. Mais à la longue, je me suis senti fatigué, je ne me sentais plus heureux. Revenir à ce type d’œuvre plus personnelle me permettait de m’exprimer davantage. C’était une manière de recharger mes batteries. C’est un processus tout à fait normal.

Il y a une sensation de ville vide dans ce film, avec ces chiens qui la repeuplent. Y aurait-il un parallèle avec les sensations de désertion des villes pendant le Covid, où la nature aurait pu reprendre ses droits ?

On peut lire l’histoire sous différents angles. Je n’ai pas spécialement abordé le film sous l’angle du Covid. On a tous des ressentis différents lorsque l’on regarde une œuvre. J’ai voulu surtout montrer l’immensité de la nature, les liens avec la nature, l’animalité qui réside notamment à travers les liens entre l’homme et l’animal. Ce sont des choses qui existent dans toutes sociétés, tous pays, toutes régions du monde.

Entretien réalisé par Maxime Bauer à Cannes le 18/05/2024.

Nos remerciements à Thomas Chanu Lambert.

Black Dog de Guan Hu. Chine. 2024. Projeté au Festival de Cannes 2024.